AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 008 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Haingosoa
S'affranchir par les arts à Madagascar
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 03/03/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Édouard Joubeaud, réalisateur français
Édouard Joubeaud, réalisateur français
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film

LM Fiction de Edouard Joubeaud, France / Madagascar, 2019
Sortie France : 4 mars 2020


La culture malgache est plurielle, vecteur d'une expression émancipatrice. C'est ce que souligne le Français Edouard Joubeaud avec Haingosoa, 2019, sa première fiction tournée entre Tuléar et Antananarivo. L'histoire est inspirée par les rencontres du cinéaste dans le sud de l'île, depuis 2010. Il approche le célèbre musicien tandroy Remanindry et sa famille qu'il fréquente régulièrement. La fille cadette, Haingo, lui révèle qu'elle s'est retrouvée enceinte et abandonnée à 16 ans, et qu'elle a des difficultés pour payer la scolarité de sa fille. C'est sur cette situation vécue que Edouard Joubeaud développe le scénario de Haingosoa, en relation avec Haingo qui joue son propre rôle comme son fameux père.




Le film brosse donc le portrait de Haingo qui élève sa fille à Tuléar. Lorsqu'elle doit acheter une blouse pour que Marina reste à l'école, elle sollicite les siens et son père. Mais le patriarche, expert de la vièle traditionnelle, réserve ses économies pour un rituel d'enterrement. Haingo s'enfuit alors à Antananarivo avec quelques billets, la bénédiction de sa mère qui lui confie la vièle, pour gagner de l'argent en intégrant la troupe de danse où officie sa cousine.
La jeune Tandroy est regardée de haut par Donné, le chef strict de la compagnie et ses membres. Elle reste en retrait, hésitante, se fait sermonner. Mais Dimison, jeune danseur traditionnel virtuose, la remarque et l'encourage. Elle s'exerce à la danse locale avec lui, à la vièle avec ses deux amis guitaristes. Puis ils organisent un stratagème pour faire reconnaître leur musique et leur danse mixées, en public.

"Il s'agit donc d'une fiction qui prend sa source dans le quotidien de cette fille-mère, dans son désir de s'émanciper", commente le réalisateur. La première partie à Tuléar, investit les relations de Haingo avec les siens. "Elle constitue l'exposition du film et s'appuie volontairement sur la quotidien d'Haingo : sa famille, ses difficultés personnelles, l'atmosphère de la ville", déclare Edouard Joubeaud. Après l'évocation du voyage de 1000 kilomètres, on retrouve l'héroïne à Antananarivo où elle tente de s'intégrer aux codes de la compagnie urbaine avec l'appui de sa cousine.
Le cinéaste utilise cette construction classique, en deux volets linéaires, pour valoriser Haingo et les artistes qu'il cadre souvent de près. "Le film joue donc volontairement avec le réel, pour donner de l'authenticité au récit et pour plonger dans l'univers d'individus dont l'histoire est finalement assez universelle", estime le réalisateur en utilisant les membres de la famille de Haingo et les artistes de la troupe de Donné pour nourrir la fiction de leurs personnalités. "Le film joue avec cela : il exacerbe certains traits de caractères pour tendre le récit", explique Edouard Joubeaud, porté par la complicité de ses protagonistes.

Haingosoa est aussi un regard sur la communauté Tandroy où "la famille est ressentie comme un corps à la fois protecteur et bloquant", selon le cinéaste, regardant une jeune femme qui cherche à s'exprimer par la danse et la musique. "Le film affirme qu'une autre voie est possible : la réappropriation, la transformation, l'audace". Du coup, Haingo apprend à mêler l'art des Tandroy, ses mouvements, ses rites, à celui de la capitale que pratique le jeune Dimison et ses musiciens.
"Le film traduit ainsi une volonté de faire s'entrechoquer deux univers culturels propres à Madagascar mais très différents : la culture tandroy et celles des hautes terres", assure Edouard Joubeaud. Il paraît revaloriser la présence des Tandroy, souvent dévolus aux petits métiers et considérés en bas de l'échelle sociale, au sein de la population malgache. "La société évolue vite, les villes malgaches sont de plus en plus diverses", observe le réalisateur en s'appuyant sur la musique attractive de Gabriel Rakotomavo, des compositions du regretté Dadagaby, des chansons de la jeune Voara.

On ne s'étonnera pas que ce soit la société Laterit, fondée par Marie-Clémence et Cesar Paes, auteurs producteurs réputés de documentaires tel Mahaleo, 2004, qui distribue le film en France pour faire rayonner les valeurs musicales et culturelles de l'île. Le réalisateur qui a pénétré le cinéma en jouant le rôle de Jacques Demy enfant, dans Jacquot de Nantes de Agnés Varda, en 1990, a découvert Madagascar en 1999, et s'y est immergé en menant des actions pour les Nations Unies. Il est depuis, investi dans des créations scéniques et audiovisuelles sur l'île. Haingosoa expose sans trop questionner, la détermination de ses artistes.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)
pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées