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Abou Leila
Souffles de violence dans le désert algérien
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 15/07/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Amin Sidi-Boumédiène, réalisateur algérien
Amin Sidi-Boumédiène, réalisateur algérien
Scène du film
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Scène du film
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Scène du film, avec Slimane Benouari (S.)
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Scène du film, avec Lyès Salem (Lotfi)
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Scène du film
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Thala Films, ALGER
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In Vivo Films, LA ROCHELLE
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LM Fiction de Amin Sidi-Boumédiène, Algérie / France, 2019
Sortie France : 15 juillet 2020

Les traumatismes de la décennie noire qui a déchiré l'Algérie dans les années 90, continuent de hanter toute une génération de cinéastes qui ont grandi à cette époque. A l'âge de la maturité, ils expurgent et explorent les attentats, les enlèvements, les assassinats, les explosions qui ont marqué leur adolescence. Amin Sidi-Boumédiène véhicule ainsi les peurs et les angoisses dans son premier long-métrage, Abou Leila, 2019, retenu à la Semaine de la critique du Festival de Cannes. Etudiant de cinéma en France, le réalisateur est revenu dans son pays en 2008, pour signer des courts-métrages remarqués, Demain Alger ?, 2010, L'île, 2012 et Serial K., 2014, qui préfigurent l'univers de Abou Leila.



Après le prologue où un homme se fait tuer en sortant de chez lui, le récit, situé en 1994, s'attache à l'épopée de deux amis qui fuient Alger en voiture pour descendre vers le sud. Lotfi, policier impliqué dans la lutte contre les terroristes, veille sur son ami S., malade et obsédé par la vision d'un intégriste en fuite, Abou Leila. Lotfi cherche surtout à éloigner S. de ses tourments en le plongeant dans l'immensité du désert.
Ils foncent dans les paysages somptueux, scandés par des haltes et les visions de S.. Sacrifice d'un mouton, bain de sang d'une famille égorgée dans l'hôtel où ils trouvent asile, apparition de Abou Leila… poussent S. à s'échapper, seul, dans le désert. Il rencontre des Touaregs, une photographe en reportage, un léopard menaçant, la présence de Lotfi dans des scènes où la violence intérieure se cristallise.

En plantant son histoire en 1994, Amin Sidi-Boumédiène aborde le moment où les meurtres se multiplient en Algérie, en annonçant : "Evoquer cette période est donc pour moi une façon d'explorer les sentiments purement humains liés à ce que nous avons vécu, et tenter par la voie de la métaphore et de l'art de recréer un microcosme certes parfois surréaliste, mais capable d'aller au fond des choses". Il joue alors des perspectives pour "faire se confondre le point de vue de "l'histoire" et celui de mes personnages", en provocant parfois une certaine confusion dans la perception des spectateurs.
"Mon point de vue est celui de la violence avant tout", estime le réalisateur. "Je ne désire pas raconter l'histoire du terrorisme algérien, mais des traumatismes subis par mes personnages", ajoute-t-il. "Situer cette poursuite entre deux hommes traumatisés et un terroriste invisible dans le désert me permet de sortir du contexte politique et social, et de faire de la violence une entité en soi, qui contamine et dévaste jusqu'à la plus innocente forme de vie." Ainsi l'animalité ressurgit peu à peu, déstabilisant Lofti et révélant les chocs de S., policier mal préparé à gérer le chaos ambiant.

Ce héros sans nom, puisque selon le réalisateur : "ce personnage n'existe déjà plus", contraste avec l'assurance de Lofti. "Ils sont les deux possibilités d'une fragilité égale", explique Amin Sidi-Boumédiène. Et la confrontation qui prend des allures de fusion, s'amplifie dans les terres arides, magnifiées par les images de Abou Leila et le jeu habité, poussé jusqu'à l'extrême, des deux comédiens principaux : Lyes Salem et Slimane Benouari.
"J'ai tourné au nord du désert du Sahara puis au centre de l'Algérie pour finir à Djanet, dans le sud du pays, à proximité de la frontière libyenne", précise le cinéaste, en orchestrant un faux thriller aux relents de western. "Le film intègre à sa manière, jusqu'à les désamorcer parfois, tous les genres auxquels il se frotte", relève-t-il, en cultivant une sorte de désenchantement visuel et sonore, axé sur l‘amplification de bruits assonants et menaçants, aptes à "immerger le spectateur dans l'univers parallèle du film".

Ainsi l'approche réaliste du début, se dissout progressivement dans l'onirisme qui envahit Abou Leila. Le réalisateur leste le film de métaphores qui culminent dans les scènes finales. "J'adore les symboles car ils peuvent contenir des idées contradictoires mais qui arrivent à faire une unité", commente le cinéaste. "Pour moi, ils reflètent le monde dans lequel on vit." Pourtant à force de multiplier les scènes fantastiques signifiantes, le réalisateur alourdit son propos et la durée excessive du film.
Abou Leila se retrouve ainsi débordé par la puissance de l'engrenage des pulsions et des traumas qu'il voudrait exorciser. Grâce à une coproduction entre l'Algérie et la France, Amin Sidi-Boumédiène engage un spectacle ambitieux et soigné qui s'enlise peu à peu dans des méandres démonstratifs. "La violence oublie toujours la beauté qu'elle est sur le point de gâcher", réfléchit encore le cinéaste tandis que les souffles du désert enfouissent les élans de Abou Leila.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France)

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