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Mignonnes
Peps et trauma des filles de la diaspora
critique
rédigé par
publié le 17/08/2020
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
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Maïmouna Doucouré, scénariste et réalisatrice
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Scène du film
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LM Fiction de Maïmouna Doucouré, France, 2019
Sortie France : 19 août 2020

La discrétion sur le véritable sujet de Mignonnes de Maïmouna Doucouré, entretenue par sa production française jusqu'aux premières diffusions, en a fait un film attendu. La réalisatrice révélée par Maman(s), titulaire d'une cinquantaine de prix dont le César du court-métrage 2017, est vue comme une cinéaste prometteuse. Une estimation que pourrait appuyer le Prix de la meilleure réalisation, reçu au Festival de Sundance 2020, pour Mignonnes avant sa sélection à La Berlinale.



Le scénario s'attache aux émotions de Amy, 11 ans, qui grandit dans une famille sénégalaise, installée à Paris, avec son petit frère. Le père, parti au Sénégal, doit revenir avec une deuxième épouse pour célébrer son mariage. La mère de Amy en souffre sans pouvoir échapper à la convention, sous le regard de la tante qui surveille le foyer. Amy est hostile à l'intrusion d'une autre mère et s'échappe des rites sénégalais à l'école. Elle est interpellée par une bande de quatre copines aux tenues sexys et branchées, qui s'exercent à des danses osées pour être sélectionnées à un concours dans le Parc de La Villette.
Méprisée par la bande, Amy approche et se lie avec la leader qui est sa voisine d'escalier. Elle apprend en secret leurs chorégraphies, profitant d'une brouille avec l'une des filles pour intégrer la bande en proposant des tenues et des gestes plus sexy. Son audace et ses posts de photos dépassent ses copines qui la rejettent. Mais le retour du père approche et Amy doit souscrire aux rites familiaux. Ce qu'elle esquive en poussant le curseur jusqu'au point limite.

La trame de base reprend l'argument de Maman(s) où l'héroïne souffrait de voir son père regagner le foyer avec une deuxième épouse qu'il imposait. Maïmouna Doucouré reprend son propre traumatisme comme une source d'inspiration. Mais dans son long-métrage, le sujet est étoffé par le portrait d'une jeune fille, attirée par l'extension des sens et des relations que propose l'intégration à une bande. L'apport de trois scénaristes, Alice Winocour, César du scénario pour Mustang de Deniz Gamze Ergüven, 2015, Valentine Milville et Nathalie Saugeon, auteur de Ma révolution pour Ramzi Ben Sliman, 2014, ne conduit pourtant pas la réalisatrice à fouiller la personnalité des personnages mis en scène.
Le film tente d'évoquer et d'allier deux sujets : la fonction de la femme dans la société sénégalaise sous le regard de Amy, confronté à la vivacité d'une bande de filles de l'Ile de France. "Mon personnage dans Mignonnes, est tiraillé entre deux oppressions féminines", observe Maimouna Doucouré. "Celle que s'inflige sa mère en acceptant la polygamie et une autre qu'elle trouve en allant à la recherche d'une supposée liberté, dans laquelle elle se perd." Ainsi les mouvements de Amy, ses danses branchées, ses portables, ses tchats et les déambulations parisiennes prennent sens dans les relations tissées avec ses copines. "Etre inclus ou dans un groupe, c'est une des grandes problématiques des préados", glisse Maïmouna Doucouré.

Mignonnes dont le titre s'entend avec ironie, aligne des images intimistes dans la famille sénégalaise et des plans plus crus sur les filles et leurs audaces. "L'attitude provocante de certaines qui ont l'air émancipé, est lié à un besoin d'amour", estime la cinéaste. "Les réseaux sociaux viennent compliquer la donne." Et sa caméra s'attarde avec un voyeurisme appuyé sur les fesses et les shortys de ses petites actrices avec une complaisance troublante. Malgré l'entrain des interprètes, leurs chorégraphies semblent souvent montées avec un certain artifice.
La construction narrative du film avec des ellipses non justifiées et quelques scènes arbitraires, n'est pas toujours relevée par le jeu des interprètes, notamment les adultes même si la présence de Thérèse Mbissine Diop qui joue la tante, actrice sénégalaise pionnière dans La Noire de… de Ousmane Sembène, 1966, apporte une touche mythique à son apparition. "C'est un personnage de conte, car le film en est un pour moi", confie Maïmouna Doucouré. Son approche des éléments de la culture sénégalaise reste un peu schématique, balisée par les robes somptueuses des mères, les prières à la mosquée ou les scènes de cuisine.

Mignonnes, dû à une cinéaste franco-sénégalaise, paraît donc défendre la cause des femmes et le point de vue des artistes de la diaspora. Ses ingrédients réfléchis et percutants semblent pourtant dissous dans l'exercice du cinéma. "C'est l'histoire d'une petite fille qui grandit trop vite et qui arrive à un point de rupture, de déchirement. Son corps et son esprit vont lui dire stop et lui demander de prendre le temps de grandir", résume Maïmouna Doucouré. Mais son regard effleure sans les fixer, les caractères de Mignonnes avec leurs couleurs et leurs vertiges.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / RFI / Médias France), pour Africiné Magazine

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