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Enterrés, de Françoise Ellong
Liaisons dangereuses entre religion et croyants
critique
rédigé par Pélagie Ng'onana
publié le 06/06/2021
Pélagie Ng'onana est rédactrice à Africiné Magazine
Pélagie Ng'onana est rédactrice à Africiné Magazine
Françoise Ellong, réalisatrice bénino-camerounaise
Françoise Ellong, réalisatrice bénino-camerounaise
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Ndéwa (Anurin NWUNEMBOM)
Scène du film, avec Ndéwa (Anurin NWUNEMBOM)
Film disponible dans les avions Emirates, depuis le 1er mai 2021
Film disponible dans les avions Emirates, depuis le 1er mai 2021
Affiche internationale
Affiche internationale

Le second long métrage dramatique de la réalisatrice camerounaise marque sa présence dans des festivals et les compagnies aériennes avec un discours courageux et transversal sur la pédophilie en milieu religieux.

Un plan plongé suivant un taxi sur une route non bitumée. Les mouvements du drone balaient des verdures, des cases alignées de part et d'autre d'une rue qui semble sans issue. C'est à travers ce voyage que Françoise Ellong invite le spectateur à faire partie de cette aventure de 88 minutes, qui dès le début dévoile des éléments d'incertitudes, de doutes et d'impasse. La petite voiture jaune décharge ses passagers au carrefour d'un village. Lieu qui traduit autant la complexité des personnages et les situations qu'ils vont traverser que l'incertitude d'un futur épanouit. Quel chemin emprunter ? La question qui semble s'imposer dans les premières scènes du film va demeurer en filigrane, pour réapparaitre à la fin.



C'est le parcours d'une vie en fait, que nous raconte Enterrés sur un site et des personnages uniques. Le parcours tumultueux et douloureux de trois décennies que la bande à Ndewa veut exorciser. Et c'est en cela que l'on éprouve la perspicacité de la réalisatrice qui gagne en maturité au fil des productions. Le casting juste, accompagné par un jeu taillé sur mesure, transporte et balade le spectateur dans cet orphelinat où a séjourné la bande il y a plus de deux décennies. Les tons de l'éclairage couplés à un maquillage adéquat adhèrent avec l'évolution de cette journée sombre qui se lit également dans les costumes. Tout bonnement, l'on se familiarise avec Daddy, Sœur Catherine, Sœur Thérèse… Des personnages invisibles mais qui ont impacté à jamais la vie de nos cinq protagonistes. Un langage travaillé, des dialogues et des répliques recherchés font l'atout immanquable. Tout en permettant de comprendre l'horreur : une enfance et une adolescence inhibées d'abus sexuels. La terreur de cet environnement religieux censé procurer amour et sécurité.

Ellong, qui signe en même temps le scénario, porte un sujet aussi lourd socialement qu'émotionnellement sans aucune scène avec les bourreaux. Sans flashbacks. Avec un ton qui se veut universel. Aucun détail sur le lieu du tournage ni celui de l'orphelinat.
Tout est dans le récit, la mise en scène et le jeu. Pari réussi. La musique certainement un peu moins, pour convenablement rythmer ces moments intenses d'intimité. Anurin Nwunembom (révélé dans Nyna's Dowry) magistral sous la peau de Ndewa mène le jeu auquel il a convié ses anciens camarades. Quelques entorses dans son rendu en français, parce que d'expression anglaise, n'écornent pas le résultat. Un personnage complexe et mystérieux qui reçoit les répliques de Lucie Memba (Marie) dont le jeu rend de plus en plus incontournable dans les productions locales ; Emy Dany Bessong (Agnès) habituée des séries signe avec Enterrés une entrée remarquable au cinéma.



Dans sa dernière fiction (sortie fin 2019 et produit par Nabe-Daone Enterprises), Françoise Ellong embrasse un discours qui éprouve la foi en remettant en cause la bible et la religion.
"Être pasteur est un métier "… " Des gens usent et abusent de la bible" va s'exaspérer Hassane (Assala Kofane). Réunir ses " amis " le jour de l'enterrement du très redouté Daddy était pour Ndewa, l'ultime espoir de rompre avec ce passé amer et inassumé. Qui a pourtant laissé de profondes séquelles obscurcissant l'avenir des personnages. C'était sans compter avec l'apparition brusque de Minyem (Denis Etouka) et ses révélations encore plus troublantes sur les complicités de certains membres. Enterrer certains objets, c'est la règle de ce jeu dangereux qui a plutôt servi à déterrer un passé plein de démons.

Pélagie Ng'onana

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