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Le périmètre de Kamsé
Restructurer la vie agraire au Burkina
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 27/10/2021
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
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Olivier Zuchuat, réalisateur suisse
Olivier Zuchuat, réalisateur suisse
Scène du film
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LM Fiction de Olivier Zuchuat, France / Suisse / Burkina Faso, 2021
Sortie France : 27 octobre 2021

Loin des images de migrations, de migrants africains, le Suisse Olivier Zuchuat s'intéresse à ceux qui restent, et font vivre les campagnes de l'Afrique. Après des études de physique, de lettres, il aborde le théâtre avant de se consacrer au cinéma dans les années 2000, avec une prédilection pour le montage et les mondes lointains.
Le Genevois filme des réfugiés soudanais dans un camp du Darfour, en 2006, recueillant paroles et émotions pour Au loin des villages. Il s'agit de faire "un film de guerre mais sans aucune image de guerre". Dix ans après, il revient au Sahel saisir la bataille contre la désertification avec Le périmètre de Kamsé, 2021, coproduit avec la France et le Burkina.



Kamsé est un petit village, au Centre-Nord du Burkina Faso, dont les terres sont devenues désertiques. Les hommes sont partis trouver du travail à Ouagadougou ou en Côte d'Ivoire. Les anciens décident de transformer l'exploitation agricole en mobilisant les femmes qui sont majoritaires sur place. Ils partent rencontrer les habitants de Goèma, un village distant de dix kilomètres, où une ferme expérimentale utilise des techniques de revitalisation des zones devenues arides.
L'expédition en moto, ou en vélo, est accueillie avec bienveillance et pédagogie. Un instructeur se rend ensuite à Kamsé pour conseiller les villageois. Une fois les terres redistribuées, les femmes prennent le relai. Elles érigent des digues, font un barrage qui permet à des mares creusées de retenir l'eau de pluie pour irriguer les terres. Des plantations d'arbres sont capables de favoriser l'installation de champs cultivables.

Olivier Zuchuat retrace une démarche exemplaire pour lutter contre la désertification galopante. Son regard embrasse les vastes terres desséchées de Kamsé avec une attention particulière pour les villageoises qui les revitalisent. "Les personnages majeurs sont à mon sens le paysage et le collectif des femmes", estime le réalisateur sans négliger de suivre avec soin, les assemblées des hommes qui décident et palabrent pour trouver de nouvelles ressources. "Il n'existe pas de cadastre, donc il faut commencer à discuter, et se mettre d'accord".
Cette attention pour l'humain et le rythme lent des échanges, du travail, s'exprime par des plans fixes patiemment cadrés. "Je ne voulais pas filmer les corps au travail de trop près, je voulais être à la bonne distance, celle qui traduit une attention respectueuse de ces femmes qui mènent un travail extrêmement dur", indique Zuchuat. "Surtout éviter les gros plans qui auraient montré l'effort à bout portant."

En jouant sur la durée des scènes, filmées en Cinémascope, le réalisateur compose un spectacle où les bruissements de la nature, les sons amplifiés et mixés, évoquent la chaleur intense, ou les orages violents, que les gestes lourds mais obstinés des paysannes combattent au quotidien. "C'est au spectateur d'arpenter par le regard ces plans longs, de les habiter", propose Olivier Zuchuat, immergé dans les réalités rurales qu'il expose et célèbre sur grand écran.
La parenthèse de Kamsé est le fruit d'un tournage étalé sur deux ans, avec la complicité du preneur de son burkinabè, Hamado Stickman Kangambega, né à 150 kilomètres de là. L'aide logistique de l'ONG locale, Terre Verte, qui encourage la création de fermes expérimentales, en "promulguant des méthodes de revitalisation des terres inspirées de techniques ancestrales", selon le cinéaste, lui permet d'approcher ses sujets. L'ONG leur fournit un peu d'argent pour acquérir du matériel et les dédommager pendant que les femmes mènent leur mission.

Kamsé dont le périmètre s'étend sur plusieurs kilomètres, devient le lieu privilégié d'une reconquête en valorisant le travail de la terre lorsqu'il est bien géré. Mais ce village n'est pas coupé de son environnement dont les nouvelles arrivent sur les transistors. Le film est ponctué par les infos sur les changements politiques au Burkina, les attentats des Djihadistes qui frappent le pays. Le réalisateur introduit par un son intérieur, le hors-champ des avancées des combattants islamistes qui gagnent le nord du pays, établissant un contrepoint lointain, mais menaçant, à l'émancipation conquérante de Kamsé.
Olivier Zuchuat se glisse dans une société laborieuse et volontaire pour la faire respecter avec son fonctionnement et ses valeurs comme il le pratique dans ses documentaires antérieurs. "J'essaie ainsi de m'installer dans ces lieux, en me méfiant du spectaculaire, des clichés, des explications omniscientes", explique le cinéaste en évitant tout commentaire ou voix off. Pour lui, il s'agit de "trouver la bonne place de la caméra, la bonne distance. A la fois distance physique, mais aussi une distance cinématographique. Et surtout, trouver une esthétique qui soit aussi une éthique des images". Aspiration accomplie avec rigueur et exigence dans Le périmètre de Kamsé.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
pour Africiné Magazine

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