AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 914 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Freda, de Gessica Généus, la fiction actuelle d'un monde en crise
critique
rédigé par Pierre Patrick Touko
publié le 15/11/2021
Pierre Patrick Touko (Yaoundé) est rédacteur à Africiné Magazine
Pierre Patrick Touko (Yaoundé) est rédacteur à Africiné Magazine
Gessica Généus, réalisatrice et productrice haïtienne
Gessica Généus, réalisatrice et productrice haïtienne
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
L'équipe du film
L'équipe du film

En 90 minutes, la réalisatrice haïtienne Gessica Généus nous plonge dans l'histoire d'une famille monoparentale, gérée par Jeannette. Elle est mère de trois enfants, Freda (sœur cadette), Esther (plus claire de peau) et Moïse qu'elle élève seule et ce, de manière impartiale. Elle fait d'Esther, sa fille aînée, son héroïne, en lui offrant tous les privilèges. Une mère qui feint de ne pas voir, ni savoir, que sa fille (Esther) mène une vie de débauche car tout y passe.

Esther passe ses journées avec plusieurs partenaires. Elle les choisit en fonction de ses pulsions idylliques, du Disk Joker au pasteur de l'Eglise réveillée où elle est une fidèle en passant par un sénateur. Leur mère ne voit que ses intérêts. De bout en bout, l'action est tissée entre un drame social et une introspection montrant le quotidien d'une famille. Leur vécu reflète non seulement le niveau de vie en Haïti, c'est aussi un appel à la conscientisation juvénile.



La réalisatrice s'érige contre l'exploitation tous azimuts des plus démunis par les plus forts. Gessica Généus analyse avec justesse combien les gens se laissent aller vers des religions diverses pensant qu'elles vont leur apporter le salut et la liberté. Son "melting pot" est jonché de voies sans issues.

Jésus est énoncé comme celui qui viendra sauver ce peuple meurtri, lors des séances de prières. C'est un tableau assez édifiant qui interpelle. Le décor planté par ce film nous montre une subtile scène de viol. Cela laisse une fugace impression qu'il va s'agir d'un film sur les violeurs en série. La réalisatrice déjoue les pronostics : ce serait plutôt une séquence annonciatrice de ce qui va se passer dans le film afin qu'il soit bien compris.
Par ailleurs, le fil conducteur est bien mené, on reste scotché par les musiques, les transitions, les plans harmonieux qui transportent et donnent envie de vite découvrir la fin. La vie quotidienne de cette famille est parsemée d'incertitudes. Elle n'a pour seule source de revenus que la petite boutique qui se trouve à la porte d'entrée de leur maison pas du tout cossue. La guérilla urbaine et les protestations politico-sociales sont, au quotidien, insoutenables, poussant les populations à faire ce qu'elles veulent, pourvu que cela soit rentable. Les universitaires ne sont pas en reste. Avec des morts en série dans la rue, la déferlante de violence inouïe obstrue le bien-être social et l'avenir de tout un peuple.



Ce film attire l'attention du spectateur sur la situation actuelle d'Haïti vue par les médias qui nous informent sur le kidnapping de 17 personnes nord-américaines (16 Américains et 1 Canadien, dont un bébé de huit mois et 4 autres enfants) et un nombre indéterminé d'Haïtiens, mi-octobre 2021. L'insécurité règne en Haïti, à un point dépassant tout entendement. La réalisatrice en fait une dénonciation forte et manière courageuse, sans être intimidée. Elle filme la réalité au plus près, jusqu'à donner une dimension parfois documentaire à son film, faisant presque croire à un docu-fiction. La direction photo expose, sous expose et sur expose des scènes en fonction de la dramaturgie qu'elle présente. L'étalonnage bien fait donne encore plus de force au film.
On est partagé entre la violence, la débauche quotidienne des populations et le message que veut passer la réalisatrice. On se surprend en train d'applaudir à la fin du film comme si on venait de voir un film à la ‘'Roméo et Juliette''. Ceci marque la dextérité avec laquelle ce film est tourné. Incarnant le personnage de Jeshua, l'amant de Freda, l'acteur Jean Jean crève l'écran, tant son jeu est brillant. Au-delà du divertissement, ce film contribue à une cure psycho-sociale et interpelle non seulement les Haïtiens, mais toute la société mondiale sur l'état des lieux de ce pays. A travers ce film, on se croirait dans les rues de ce beau pays.

Pierre Patrick Touko (Cameroun)

Article rédigé dans le cadre de l'Atelier FACC / NO'O CULTURES / FESPACO 2021.
Atelier de formation en critique cinématographique et de production de contenus sur les cinémas africains, organisé à l'occasion de la 27è édition du FESPACO par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC) en collaboration avec le Programme NO'O CULTURES et ASCRIC-B
avec le soutien du Fespaco (Burkina Faso), Africalia, Direction de la Cinématographie (DCI, Sénégal), Centre National de la Cinématographie du Niger (CNCN) et La Semaine de la Critique (Syndicat français de la critique de cinéma & Institut Français, France).

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés