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La Nuit des Rois, une fiction dramatique entre fiction et réalité !
critique
rédigé par Sita Paré
publié le 16/11/2021
Sita Paré est rédactrice à Africiné Magazine
Sita Paré est rédactrice à Africiné Magazine
Philippe Lacôte, réalisateur franco-ivoirien
Philippe Lacôte, réalisateur franco-ivoirien
Scène du film
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Scène du film avec Steve Tientcheu (Barbe Noire)
Scène du film avec Steve Tientcheu (Barbe Noire)
Scène du film
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Entre les murs de la MACA, l'une des prisons les plus surpeuplées de l'Afrique de l'Ouest, existe un autre monde. La vie y est organisée d'une façon différente avec ses propres lois, sa propre politique. C'est cette jungle que le réalisateur franco-ivoirien Philippe Lacôte infiltre pour son deuxième long métrage intitulé La Nuit des Rois, une fiction dramatique de 93 minutes réalisée en 2020.

La Nuit des Rois est lauréat des prix Valois de la mise en scène et Valois de la musique au festival du film francophone d'Angoulême 2021. Il a été sélectionné dans plusieurs festivals internationaux dont la 77è Mostra de Venise et aux Oscars 2020. Le film était en lice pour l'Etalon d'Or de Yennenga.



Un jeune délinquant arrive à la MACA pour purger sa peine et découvre un univers où les prisonniers sont laissés à eux-mêmes ployant sous le joug de plusieurs gangs. Ils obéissent tous à un grand chef, "Barbe noire". Il a le dernier mot ainsi que le droit de vie et de mort sur chaque condamné. Le jeune délinquant est tout de suite repéré par Barbe Noire qui est affaibli. Sentant sa dernière heure proche, le caïd fait de lui le "nouveau roman". Roman doit alors raconter une histoire à l'assemblée durant toute une nuit, selon une coutume de la prison. Mais, il ne sait pas encore que sa vie est mise en jeu.

Dans un style qui rappelle vaguement l'esprit des griots que Philippe Lacôte fait un zoom sur les maux qui ont marqué et qui continuent de marquer la Côte d'Ivoire. L'enjeu est donc socio-politique. En effet, le réalisateur nous montre d'une manière subtile des images d'archives de l'arrestation de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo lors de la crise politique qui a frappé le pays en 2011. Il utilise donc une métaphore pour établir un lien entre la fin du règne de Barbe noire et celui de l'ancien chef d'État ivoirien.
En clair, il peint les dirigeants africains qui accaparent du pouvoir et ne le quittent que lorsqu'ils sentent leurs vies menacées. Ce qui implique des pertes en vies humaines. Le réalisateur de Run, son premier long métrage, s'est aussi penché sur le phénomène des microbes. Ce sont des groupes de jeunes délinquants qui sèment la terreur dans les quartiers populaires d'Abidjan, à travers le personnage de Zama King.



En nous penchant sur la forme de narration dans ce film, tout laisse croire que Philippe Lacôte nous interpelle sur la valeur du conte, sur l'importance de connaitre l'histoire. Cela soulève un aspect important de la vie de l'être humain qu'est le besoin existentiel de raconter pour exister. L'histoire nous garde donc en vie, à l'image de Roman. En plus du conte qui est une valeur africaine, on peut aussi saluer le clin d'œil du réalisateur à la culture et aux artistes ivoiriens. Son film regorge d'artistes chorégraphes qui font profiter le spectateur de leurs talents en exécutant des danses du terroir. Le réalisateur use aussi du nouchi, une forme d'argot populaire de la Côte d'Ivoire.
Ce qui fait la force de ce film, c'est surtout le casting impressionnant d'acteurs qui rivalisent de talents dans le jeu. En effet, Philippe Lacôte n'a pas hésité à réunir des grands acteurs tels que Issaka Sawadogo (le chef de prison), Ange-Eric N'guessan (le guetteur) en passant par Abdoul Karim Konaté, Digbeu Jean Cyrille sans oublier Steve Tientcheu dont le talent n'est plus à prouver. Ce dernier excelle dans le rôle de Barbe noire pour un rendu dont on ne se lasse pas. Il a aussi permis de mettre en avant de nouveaux talents comme Bakary Koné (Roman) qui sans aucun doute porteront toujours plus haut le flambeau du 7e art africain.

Par ailleurs, on pourrait reprocher au réalisateur sa narration un peu décousue. On se perd facilement quand la réalité côtoie la fiction. Entre passé et présent, entre chant et danse, il est difficile pour le cinéphile moyen de comprendre ce chef d'œuvre. Serait-ce encore pour Philippe Lacôte une manière de caricaturer la politique ivoirienne ou même celle africaine ?

Sita Paré

Article rédigé dans le cadre de l'Atelier FACC / NO'O CULTURES / FESPACO 2021.
Atelier de formation en critique cinématographique et de production de contenus sur les cinémas africains, organisé à l'occasion de la 27è édition du FESPACO par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC) en collaboration avec le Programme NO'O CULTURES et ASCRIC-B
avec le soutien du Fespaco (Burkina Faso), Africalia, Direction de la Cinématographie (DCI, Sénégal), Centre National de la Cinématographie du Niger (CNCN) et La Semaine de la Critique (Syndicat français de la critique de cinéma & Institut Français, France).

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