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DANS LA MAISON, douloureuse confession d'une femme mourante
Un film de Karima Saïdi (Maroc / Belgique, 2020, documentaire)
critique
rédigé par Harouna Simian
publié le 16/11/2021
Karima Saïdi, réalisatrice marocaine-belge, au Festival Aflam du sud 2021 (Bruxelles) où son film DANS LA MAISON a remporté le Prix du public
Karima Saïdi, réalisatrice marocaine-belge, au Festival Aflam du sud 2021 (Bruxelles) où son film DANS LA MAISON a remporté le Prix du public
Scène du film
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Dans la maison est le titre du long métrage de 90 minutes de Karima Saïdi, réalisatrice, scénariste et monteuse belgo-marocaine. Ce film documentaire retrace les trois dernières et pénibles années de vie de la mère de son auteure, Karima Saïdi.

Depuis 1997, Karima Saïdi est monteuse à la télévision belge (RTBF). Elle passe à la réalisation d'une série de portraits sonores sur l'immigration marocaine en 2013. En 2016, elle réalise son premier court métrage documentaire intitulé Aïcha. Ce court documentaire sur la vie de la mère de l'auteure se révèle comme une préparation à la réalisation d'un long métrage.
En 2020, elle réalise Dans la maison, un documentaire dramatique. Ce film a reçu la mention spéciale du jury au Festival des films documentaires de Millenium (Bruxelles). Il est aussi sélectionné pour la 27e édition du Festival panafricain du cinéma de la télévision de Ouagadougou (FESPACO 2021). Dans la maison se présente comme un journal des trois dernières années de vie de la mère de l'auteure.



Dans ce documentaire, Karima Saïdi filme sa propre mère, Aïcha, qui souffre de la maladie d'Alzheimer. L'auteure va à la récolte du reste des souvenirs de sa mère. Elle essaie de stimuler les souvenirs de sa mère à travers des photos d'archives et aussi des questions. C'est ainsi que la mère arrive à répondre aux questions sur certains évènements de sa vie. Son mari l'a abandonnée avec les enfants. Son fils Mohamed est mort pendant qu'elle était à la Mecque. Elle s'est remariée plusieurs fois. Mais la vie de la mère de Karima reste un parcours amer. Elle est vieille et souffrante d'une grave maladie. A-t-elle besoin d'une confession ? Sa fille lui pose des questions afin qu'elle avoue tout ce qu'elle se rappelle.

Ce film est en même temps une mémoire pour Karima Saïdi pour se souvenir des derniers instants de vie de mère. Et aussi une façon pour la documentariste de se rattraper du point de vue de l'affection de sa mère. Ainsi porte-t-elle sa caméra pour filmer les derniers moments dramatiques de celle-ci. Le film s'ouvre sur une image de tissus blancs, ensuite des feuilles sèches et aussi sur des cimetières. Ces premières images du film nouent déjà l'idée tragique qui traverse tout le film. En effet, le tissu blanc (en percale) est utilisé pour couvrir les cadavres, dans la culture musulmane. Dans un autre plan rapproché, on voit dans le film, deux personnes enrouler un cadavre avec un mouchoir blanc. Les feuilles mortes sont filmées en traveling plongé. La même image est montrée au dernier plan du film. Cela laisse présager le caractère tragique du documentaire. Ensuite, en plan large, la cinéaste présente un fossoyeur qui creuse une tombe. Cette monstration des cimetières est comme pour dire : "ma mère viendra ici bientôt".

Regrets au féminin

Ce documentaire est l'expression d'un regret de la cinéaste. Elle regrette d'avoir manqué plusieurs évènements de la vie de sa mère. Ce regret se manifeste à travers la façon dont l'auteure filme les scènes. En effet, Karima Saïdi ne filme pas clairement sa mère. Elle la montre en image figées et floues. Par contre, les images des figurants paraissent nettes. Avait-elle honte de montrer sa mère ? Sur une des rares plans sur sa mère, elle présente son visage. Sur un autre plan plus gros, elle filme son propre visage. Les deux visages sont pleins d'émotion, ils expriment un remord. Un remord dû à ce passé qu'elles ont manqué toutes les deux. C'est pourquoi la réalisatrice revient sur les photos d'archives de sa famille qu'elle explique tout au long du film. Le plan sur son propre visage ainsi que celui de sa mère présentent de tristes sensations et traduit le regret des deux personnages.
Par ailleurs, plus d'une fois, Karima Saïdi présente un écran noir aux spectateurs. Dans les couloirs, quand la mère veut sortir faire cent pas, la réalisatrice n'arrive pas à filmer droit devant elle. L'objectif de sa caméra rase les murs. Aussi, les plans sont longs, les propos entre les deux personnages sont sporadiques. Le silence de la mère pousse la réalisatrice à poser plus de questions à sa mère. Cette attitude de Karima Saïdi donne au film un rythme nonchalant, qui certifie la tristesse du film.

Ce film est une interpellation à tous, en tant que femme, homme, fils ou fille, en tant qu'humain sur notre responsabilité sur terre. Il est aussi une interpellation sur la responsabilité et les actes que nous commettons. En tant que géniteur, chacun est garant de la protection et de l'éducation de ses enfants, d'où la nécessité de la présence des parents auprès de leurs progénitures. En tant que fille ou fils, la présence des parents est très importante pour notre construction psychologique et mentale. L'absence de cette affection parentale peut produire un choc chez l'enfant. Le film interpelle les jeunes à l'écoute des parents et à ne pas attendre au crépuscule de leur vie pour vouloir tout rattraper.

Ce documentaire de Karima Saïdi est réalisé dans les moments de grandes souffrances de sa mère, une œuvre qui semble cruelle avec son personnage. Les derniers instants de la vie de cette mère semblent pris en otage par la réalisatrice qui la bombarde de questions sur son passé. "Où était-elle quand sa mère était en mesure de tout lui raconter ?", pourrait-on se demander.

"Parle pour que j'ai ta voix pour écouter quand tu ne seras plus là". Est-ce moral de rappeler à une personne qu'elle va mourir bientôt de la maladie dont elle souffre ? La mère de la réalisatrice finit par laisser entendre sa désolation.
Elle dit : "Dieu m'a punie". Elle pense qu'elle a assez commis d'erreurs durant sa vie. La seule chose qui la calme, c'est l'écoute de la musique andalouse. Aussi l'écoute du Coran lui permet-elle de renouer avec Dieu pour qu'Il pardonne ses péchés.
Sa fille lui dit : "Maman, Dieu m'a punie aussi. Je n'ai pas d'enfant". Tout cela atteste le regret des deux personnages du documentaire.

Ce film se révèle comme un message qui nous dit : Ne remettez jamais à demain ce que vous pourriez mieux faire aujourd'hui.

Harouna Simian (Burkina Faso)

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