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Avant le déclin du jour, d'Ali Essafi, un puissant et utile rappel des années noires
Archives de l'avant-garde marocaine et des militants chérifiens
critique
rédigé par Amina Barakat
publié le 18/11/2021
Amina Barakat (Rabat) est rédactrice à Africiné Magazine
Amina Barakat (Rabat) est rédactrice à Africiné Magazine
Ali Essafi, réalisateur marocain
Ali Essafi, réalisateur marocain
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film, avec Abdelaziz Tribak, dans les années 70
Scène du film, avec Abdelaziz Tribak, dans les années 70
Abdelaziz Tribak (témoin du film, ancien militant marxiste-léniniste), en 2020
Abdelaziz Tribak (témoin du film, ancien militant marxiste-léniniste), en 2020
Scène du film
Scène du film
Mostapha Derkaoui, réalisateur marocain avant-gardiste
Mostapha Derkaoui, réalisateur marocain avant-gardiste

Signé par le réalisateur Ali Essafi, Avant le déclin du jour (dont le titre de travail était Nos sombres années 70) a été programmé dans le cadre de la 26ème édition du festival du cinéma méditerranéen de Tétouan (FICMT 2021). Un film en lice dans le volet documentaire. En 2020, le film a remporté le Grand prix au 21ème Festival National du Film de Tanger, Maroc.

Avant le déclin du jour est le fruit d'une profonde recherche effectuée par Ali Essafi dans les archives du Centre Cinématographique Marocain (CCM). Ce travail est donc un hommage au cinéma marocain, à travers les différentes étapes que le 7ème art a traversé au Maroc. Le réalisateur revient par ailleurs sur le début du cinéma. Dans ce film au long cours, on reconnait un grand monsieur du 3ème œil (la caméra) qui a tout donné de son savoir à sa passion de faire bouger les images, il s'agit de Mostapha Derkaoui. Nous accédons à ses débuts, son entourage dont son jeune frère Mohamed Abdelkrim "Krimo" Derkaoui, directeur de la photo et également réalisateur, Nour Eddine Gounajjar et bien d'autres.



Le documentaire surligne les actions des jeunes gauchistes des années de plomb où la parole pouvait coûter très chère à son maitre.
(Il s'agit d'une période des années 1970 jusqu'à 1999, voire 1960 à 1980, selon les auteurs, durant le roi Hassan II, et marquée par une violence d'État contre les opposants, les intellectuels, les artistes et ceux qui portaient une parole jugée trop critique par le pouvoir, voir le film pionnier de Leïla Kilani, Nos lieux interdits, documentaire, NDLR).

Documentaire de 1h12mn produit en 2020, Avant le déclin du jour, c'est aussi un joli tableau qui reflète les inclinaisons des jeunes rebelles dans tous les domaines. La caméra met bien le doigt sur l'ensemble des arts culturels. On remarque clairement l'essor de la musique pop, la peinture, l'éclatement des voix qui s'élèvent dans le ciel brumeux d'un pays sous pression, telles que celle des Jil Jilala et Nass Al Ghiwane (groupes musicaux). Le film signale aussi les écrits contenus dans les revues, porte-paroles des intellectuels, telles que Anfass, Souffles, Lamalif (fondée par la journaliste Zakia Daoud, elle a publié l'essai Lamalif - vingt ans déjà, aux éditions Artdif, 2020, NDLR).
https://www.librairiealbinmichel.fr/livre/9789920390958-lamalif-vingt-ans-deja-zakya-daoud/

Dans les archives, Ali Essafi pioche aussi un micro-trottoir traduisant l'espoir des jeunes à l'époque de voir un cinéma qui répond à leurs attentes et reflète leur réel mode de vie. C'est une parole donnée à la classe ouvrière, la tranche opprimée de la population, à l'existence loin d'être stable et aisée.
Le réalisateur n'a pas omis de parler des cellules secrètes regroupant les membres des mouvements du 23 Mars (aussi appelé "Ex- Organisation B" ou "M23", NDLR) et "Ila Al amam" ("En avant", en arabe), tous interdits. Ces événements se sont déroulés pour une bonne partie dans le grand Casablanca, ville qui était aussi une destination favorite des adeptes de la chirurgie esthétique au niveau international.

Abdelaziz Tribak est un participant principal du documentaire. Il est un ex-détenu politique, membre de la formation Ila Al mam ("En avant", en langue arabe). Il est le témoin de l'ère qui enregistre la période de la répression la plus terrible des années du plomb, les enlèvements, la liquidation physique (les assassinats, NDLR), les arrestations et l'emprisonnement.

Au milieu des multiples turbulences de la société marocaine, le film revient sur les scènes de sensibilisation de la population. Ainsi la femme marocaine en djellaba traditionnelle est montrée participant à la marche verte du 6 novembre 1975, lancée par le Roi Hassan II dans le but de récupérer les territoires sahraouis colonisés par l'Espagne.
Cette partie est une magnifique occasion de leur rendre hommage, surtout qu'elles sont peu présentes dans l'ensemble du film.

Ce documentaire filmé est riche des événements qui ont marqué la société marocaine actuellement en effervescence. Il retrace clairement l'histoire du cinéma national, le passage de peintres renommés, la musique pop et l'esprit rebelle d'une génération révolutionnaire prenant au sérieux les soucis du devenir de l'avenir.

Avant le déclin du jour est un puissant et utile rappel des années noires. Par ces souvenirs filmés, il montre que beaucoup de familles ont souffert de la disparition de leurs proches à cause de leur opinion. Il n'occulte pas les tristement célèbres tribunaux qui ont rendu de lourdes condamnations à l'encontre des détenus politiques.

par Amina Barakat

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