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NAMELESS (Les Anonymes), La pauvreté est la pire forme de violence
Un film de Mutiganda WA NKUNDA, Rwanda
critique
rédigé par Rutamu Fabiola Uwera
publié le 02/12/2021
Mutiganda wa Nkunda, réalisateur et scénariste rwandais
Mutiganda wa Nkunda, réalisateur et scénariste rwandais
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Affiche française
Affiche française
Image du film "Phiona, a girl from Madrid" réalisé par le cinéaste Mutiganda wa Nkunda (2è long métrage, en cours de postproduction)
Image du film "Phiona, a girl from Madrid" réalisé par le cinéaste Mutiganda wa Nkunda (2è long métrage, en cours de postproduction)

Avec son premier long métrage NAMELESS (Les anonymes), le cinéaste et scénariste rwandais Mutiganda WA NKUNDA remporte le Prix du meilleur scénario au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) 2021, dans la compétition officielle, catégorie long métrage.

Basé sur des faits réels, NAMELESS est un film dramatique de 85 minutes qui, par son langage cinématographique, dépeint la lutte des classes dans toute sa crudité. Il suit l'histoire de Kathy et Philbert, un couple qui se bat pour réussir dans la ville de Kigali, en plein développement. Le jeune couple fait tout ce qui est possible pour survivre mais la précarité invite la détresse et la violence domestique dans leur relation.



NAMELESS est un titre inspiré d'une expression utilisée en kinyarwanda, "Mwene ngofero", qui signifie "fils de personne", sans aucune connexion de haut rang pour lui ouvrir des horizons. Le film montre comment la pauvreté est un phénomène aux multiples facettes qui prive radicalement les gens de la joie de vivre malgré l'amour qu'ils se portent. Il pose questions sur la répartition inégale des richesses au sein de la population rwandaise et peut-être dans d'autres régions du monde, soulevant la question de savoir qui est à blâmer et comment apporter un changement.

Kathy, une décrocheuse scolaire, fait connaissance avec Philbert, client d'un bar où elle a travaillé comme serveuse.
Fumer une cigarette est la façon que Philbert a trouvé pour supporter le manque persistant d'emploi malgré son diplôme. Le souhait secret de Kathy était d'allumer un jour une cigarette pour lui, puisque sa grand-mère lui avait dit que c'était un signe d'amour et de respect.

Le réalisateur illustre les inégalités de richesse qui existent encore dans la société de Philbert et Kathy. Sa caméra suit une moto se déplaçant dans les rues propres de Kigali, ornées de luxueux bâtiments et de jardins, puis dans une route boueuse d'un quartier de banlieue.

Mutiganda Wa Nkunda trouve le moyen de raconter des événements antérieurs qui sont liés aux expériences actuelles auxquelles les deux personnages principaux sont confrontés. À travers les conversations entre les deux amoureux qui tentent de mieux se connaître, le spectateur est invité dans la vie passée de Kathy. On apprend ce qui l'a amenée à abandonner le lycée, la plus grande perte qu'elle ait subie, à l'adolescence et ce que l'environnement de travail sexiste lui a coûté.

Avec les costumes simples des personnages, le paysage de banlieue, l'exiguïté du logement et le décor de leur maison, le spectateur détecte immédiatement à quelle classe sociale appartient le couple.
Le film présente des inégalités croisées à travers les défis auxquels le couple est confronté. Lorsque l'entreprise de Kathy s'effondre, la famille est obligée de vivre des revenus insuffisants de Philbert.

Le fait d'être agent de sécurité, de vivre dans une toute petite maison sans pouvoir subvenir aux besoins de sa famille est bien en-deça de ce que Philbert avait imaginé pour sa vie. Ses grands rêves de conduire des voitures que ses anciens camarades de classe conduisent aujourd'hui et de voyager dans le monde avec sa famille se sont évanouis. Son seul espoir d'échapper à la pauvreté est d'obtenir un jour une "Greencard" [permis de résident aux États-Unis] et de pouvoir vivre le rêve américain.

À travers les querelles du couple, le cinéaste aborde la question de l'argent comme conflit conjugal et les méfaits du conditionnement patriarcal. Kathy met son mari sous pression pour qu'il subvienne à tous les besoins de la famille. Elle lui reproche de ne pas faire plus d'efforts, que s'il aimait vraiment son enfant, il lui apporterait du lait et du porridge. Elle continue en l'insultant, en lui disant qu'il n'est pas un vrai homme, une insulte qui fera ressortir la partie la plus sombre de Philbert jusqu'à l'extrême.

NAMELESS est constitué d'une série de batailles que Kathy et Philbert tentent de surmonter. Avec leurs efforts conjugués, le couple a-t-il réussi à changer significativement ses conditions de vie malgré un système qui ne change pas ?

Le fait que Mutiganda wa Nkunda ait choisi de raconter l'histoire dans sa langue maternelle (le kinyarwanda), reflète son intention de s'adresser à sa communauté. Ses autres courts-métrages et séries télévisées témoignent également de ce besoin d'éveiller les consciences sur des questions qui touchent la société d'aujourd'hui.

UWERA Rutamu Fabiola (Rwanda)

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