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L'Indomptable feu du printemps, 2019, Lesotho
Des morts aux images, un champ visuel commun !
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 09/12/2021
Bassirou Niang est rédacteur à Africiné Magazine
Bassirou Niang est rédacteur à Africiné Magazine
Lemohang Jeremiah MOSESE, réalisateur lésothan
Lemohang Jeremiah MOSESE, réalisateur lésothan
Scène du film
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Scène du film
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Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
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Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
"For Those Whose God Is Dead" (2013)
"For Those Whose God Is Dead" (2013)
"Mother, I Am Suffocating. This is My Last Film About You" (2019)
"Mother, I Am Suffocating. This is My Last Film About You" (2019)
Lemohang Jeremiah Mosese, réalisateur (Lesotho)
Lemohang Jeremiah Mosese, réalisateur (Lesotho)

Comment qualifier ce film du réalisateur Lemohang Jeremiah MOSESE venu prendre sa place à la 27ème édition des JCC admirées sous le mode de "Rêvons… vivons" ? Une addition d'un faux documentaire et de la fiction ! Une convocation de la douleur des faibles face à l'arrogance des forts. Mais aussi, la beauté d'un jeu d'acteur d'un vieil personnage portant en lui toutes les stigmates historiques d'un peuple meurtri et spolié, et très attaché à ceux que la mort a alpagués et dont les tombes risquent de n'être qu'un décor dérisoire d'une nature menacée par la main de l'homme.

La beauté de ce film transparaît sans doute dans la maîtrise de l'image. Celle-ci épouse les formes les plus complètes et expressives d'une contrée chargée d'une histoire douloureuse contée, dans un style poétiquement lyrique, par un homme, flûte à la bouche, comme pour donner à ses mots la charge émotionnelle qui sied. Les morts semblent être le socle de l'image, quand celle-ci redéfinit le champ visuel commun des personnages et spectateurs.



Le destin macabre de Nazaretha, le village dénommé autrefois "la vallée des larmes", porte toute l'histoire du film marquée, entre autres, par un récit effrayant, qu'amplifie une tonitruante musique rappelant le temps des cœurs en peine. La vieille Ralichaba incarne à elle seule tout l'ombre du passé. Un passé visiblement statique, au vu du scénario, parce que lié à des images semblant éternellement vivantes dans les mémoires. "J'ai vu de mes propres yeux l'année de la poussière rouge. J'ai vu les morts enterrer leurs morts", dit le narrateur, soupçonnant le désert des âmes glacées englouties comme cette cloche de l'église que l'on entend sonner sous les eaux. Mais tout cela n'est que pour annoncer, par-delà la fausse idée d'une marche funèbre, une résurrection de ceux-là perdus dans l'inondation.

L'histoire de cette fiction se dévoile sous deux registres : celle de la vieille veuve qui refuse de se séparer de ses habits de deuil et celle de Nazaretha, même si elles sont consubstantielles. En effet, elle est frappée par la perte d'un mari, d'un fils, oubliée par la mort, refusant à la fois de dormir et d'être éveillée pour porter sur ses épaules la destinée des siens. Elle est menacée par ce que l'on appelle Progrès, c'est-à-dire "quand les hommes pointent leur doigt accusateur" sur la nature. Au risque de voir les tombes des disparus envahies par la montée des eaux entraînées par ce barrage, source prochaine d'un déséquilibre de toute la communauté.
Un déséquilibre porté par la métaphore de la case (de la vieille) consumée par le feu d'un incendie dont on ignore l'origine. Assise au milieu des ruines, entourée de ses moutons, l'image en plongée reflète l'impasse d'un peuple acculé de toutes parts par la soif de profit (désignée "Progrès"). Le summum de ce désespoir est largement rendu dans cette attitude de Ralichaba qui, après avoir creusé sa propre tombe, s'y allonge pour crier tout son mal.
Oui, "la pierre angulaire" disparaîtra pour se muer en "pierre d'achoppement", et le transistor par lequel elle écoutait les avis de décès, va se taire encore pendant longtemps. Ses piles retirées annoncent le grand silence de la perte dramatique. De celle de la communauté contrainte, en désespoir de cause, de remballer ses affaires, et même de déterrer (certains de) ses morts tout en demandant pardon à ceux laissés derrière elle. Un chemin vers l'inconnu ; et aucune mise en perspective par le réalisateur, même si vient le moment pour Ralichaba, de se déshabiller pour dévoiler le symbole de la résurrection.

L'Indomptable feu du printemps (This is not a Burial, It's a Resurrection), c'est une poésie de la souffrance ; mais une poésie d'une beauté envoûtante, dans un creuset d'histoire Humaine où s'emmêlent la mort et la vie, l'indicible et le sacré, les lieux funestes et la résurrection.

Bassirou NIANG

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