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BENDSKINS, la vie quotidienne des Camerounais
un film de Narcisse Wandji, Cameroun, 2021
critique
rédigé par Pierre Patrick Touko
publié le 21/12/2021
Pierre Patrick Touko (Yaoundé) est rédacteur à Africiné Magazine
Pierre Patrick Touko (Yaoundé) est rédacteur à Africiné Magazine
Narcisse Wandji, réalisateur camerounais
Narcisse Wandji, réalisateur camerounais

Le titre Bendskins fait penser aux motos-taxis, à l'appellation d'une danse pratiquée dans l'ouest du Cameroun et même à une expression argotique locale qui voudrait qu'une dulcinée soit prête pour son prince charmant. C'est une expression qu'on retrouve dans le langage de la société camerounaise. D'ailleurs, Tala André Marie, un célèbre musicien camerounais chanteur et guitariste, a sorti un titre à succès dénommé aussi Bendskin. La prestation d'une autre musicienne chanteuse et guitariste (Kareyce Fotso, pour ne pas la nommer) comme personnage dans ce film en dit long. Ces coïncidences sont à l'image même du contenu du film.

En 90 minutes, ce film raconte l'histoire de trois personnages, deux hommes et une femme, qui parviennent à se frayer un chemin dans la vie en exerçant le métier de motos-taxis. Entre la cohérence de leur métier et celle de leur quotidien respectif, il y a un abîme.
En effet, de fil en aiguille, à travers les passagers qu'ils transportent, le spectateur est aussi transporté par diverses histoires. Certaines sont parfois sordides, allant de la bassesse à des préoccupations sociopolitiques qui minent leur pays et leur quotidien. Les personnages s'expriment souvent en des termes crus et même maladroits, sans chercher à ménager la sensibilité de l'interlocuteur.



C'est une course au bien-être, à la recherche du bonheur, mais qui tourne à la duperie, montrant ainsi les difficultés aussi bien sur le plan sentimental que social. Chacun des personnages mène une vie tumultueuse qui vire à la recherche de facilités, au vol, aux mensonges dans le seul but de réussir. Du premier au dernier personnage, tout y passe.

Bendskins narre un amour impossible dû à la différence de classe sociale entre un conducteur de moto taxi et la fille d'un officier de police en furie qui va même virer à l'extrême face à son futur beau fils. Le film raconte aussi quotidien d'une vaillante femme au guidon de sa moto à la recherche du père de son enfant. et un dernier compagnon de moto qui arnaque, vole et cherche à s'enrichir à une vitesse exponentielle.

Sans pudeur et de manière laconique, l'histoire du film s'apparente à un''Bike Movie'' à l'image du Road Movie déjà connu dans le monde du cinéma. Le cinéphile à un moment se perd sur la trame narrative, mais retrouve ensuite la bonne humeur grâce à cet humour et ce vécu mélancolique qui questionnent et préoccupent, au plus haut point sur l'issue de ces histoires racontées de manière à couper du souffle. La direction photo est film est basée sur des contrastes et des ombres dures. Les scènes d'intérieur accentuent un effet claustrophobe, ce qui nous rappelle le film Walls du même réalisateur, une fiction de 14 minutes qui dénonce les atrocités dans le monde carcéral et la corruption au Cameroun.

Le réalisateur Narcisse Wandji signe ainsi son tout premier long métrage sur des questions et des préoccupations liées à la vie quotidienne des Camerounais. Il peint les frustrations de ceux qui exercent certains métiers parfois qualifiés de métiers de pauvres, et pose la problématique de la discrimination sociale où certains diplômés de l'enseignement supérieur sont confondus dans la rue au même titre que les badauds. Est-il un justicier social via le cinéma ?
A voir la manière avec laquelle le sujet est traité, on peut se faire une idée sur la couleur de ce film et surtout le ton et l'attitude des personnes qui ne semblent pas savoir qu'ils sont devant la caméra. Un vrai''melting pot''. Jacobin Yarro, ce dramaturge et acteur camerounais qui a déjà joué pour ce réalisateur, s'y prête à nouveau dans ce long métrage. Le témoin entre la jeune et la nouvelle génération est bel et bien visible. Le split screen n'est pas en reste pour montrer l'attachement qu'à le banc de montages des rushes sans doute dans un embarra de choix, tout cela dans une ambiance sonore bien orchestrée entre les différentes scènes et donc la différence entre le son diégétique et extra diégétique spécifie de quoi il s'agit par séquence. Bien que le cinéma soit une écriture du mouvement, les histoires qui s'y prêtent doivent d'abord séduire et ensuite donner à s'interroger sur la quête de son auteur.

Les passages de dialogues et visuels en disent long sur le parcours de l'auteur, car, Jean-Pierre Bekolo à travers son film Quartier Mozart est cité dans le film Bendskins, ainsi que l'affiche inspirée du film Touki Bouki de Djibril Diop Mambéty à travers le guidon de la moto du héro du film qui porte des cornes d'une vache. C'est aussi cela qui rassure le cinéphile, chercheur de l'innovation filmique. La question de l'identité culturelle doit être le leitmotiv de chaque réalisateur tout en gardant le caractère universel de chaque oeuvre pour qu'elle puisse être comprise partout dans le monde. C'est en ce sens que chaque œuvre parlera de son auteur et non l'inverse.

Pierre Patrick Touko (Cameroun)

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