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Residue, Réinvestir son âme noire dans un quartier américain
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 03/01/2022
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger est rédacteur à Africiné Magazine
Merawi Gerima, réalisateur américain éthiopien
Merawi Gerima, réalisateur américain éthiopien
Scène du film
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Le réalisateur Haile Gerima, père de Merawi germa
Le réalisateur Haile Gerima, père de Merawi germa
La réalisatrice Shirikiana Aina, mère de Merawi germa
La réalisatrice Shirikiana Aina, mère de Merawi germa

LM Fiction de Merawi Gerima, Etats-Unis, 2020
Sortie France : 5 janvier 2022
Dist : Capricci

Le cinéma des Afro-américains se régénère et s'affirme comme uneexpérience sociale et un champ d'expérimentation. Ce mélange et cette ambition est portée aujourd'hui par Merawi Gerima avec Residue, 2020. Il signe son premier long-métrage, décomplexé et agité, sous le parrainage de son père, le plus fameux cinéaste d'Ethiopie, basé aux Etats-Unis, Haile Gerima, auteur de films engagées dont Sankofa, 1993, et Teza, 2008.
Dans la lignée du mouvement L.A. Rebellion, animé entre autres par son père à partir des années 60, pour proposer une alternative au cinéma hollywoodien dominant, Merawi Gerima compose un film indépendant sur la place de sa communauté noire. Après des études de cinéma à Los Angeles, en 2016, il revient à Washington dont il saisit et met en scène les évolutions dans Residue.



Le récit tourne autour des impressions de Jay qui retourne dans son quartier après avoir vécu un bout de sa vie et de son cinéma ailleurs. Sa maison d'enfance est habitée par des Blancs qui se sont installés dans le secteur en le rendant plus bourgeois. Jay visite la dernière demeure familiale. Le passé lui revient par flashs. Son ex-petite amie, Blue, renoue avec lui sans apprécier ses hésitations.
Jay recherche un ami d'enfance qu'il a perdu de vue tandis que ses anciens copains le regardent comme un déphasé, coupé de sa base depuis trop longtemps. Le quartier a changé, Jay aussi. Mais son identité noire s'aiguise et ses questionnements aussi. Les actions passées s'incrustent comme en boomerang. Les questions de ceux qui sont restés le cognent. La fidélité à soi-même tourne comme un vertige.



Residue signale ainsi la gentrification d'un quartier de Washington DC où les Blancs ont accaparé les maisons des Noirs en les marginalisant. Le récit avance en désordre avec des scènes qui s'entrechoquent autour de Jay avant de prendre sens progressivement, en cours de film. Ses déambulations sont surtout le prétexte à se situer dans un environnement en évolution pour se définir une place. "Au début, les souvenirs sont vagues et flous", relève Merawi Gerima. "Au fil du temps, ils deviennent plus nets et clairs, jusqu'à ce que, vers la fin du film, on ne puisse plus faire la différence."
Le passé et le présent se mêlent dans une forme impressionniste qui s'apparente à l'esthétique du cinéma expérimental, avec des fulgurances, quelques excès. Residue s'affirme aussi comme une sorte de manifeste politique qui interpelle sur l'attitude des Noirs américains d'aujourd'hui avec leur héritage. "L'idée est que les souvenirs deviennent aussi réels que les sensations physiques", indique Gerima.



Les questions sur le passé, la fidélité, le présent, le rejet, l'influence de la famille, sont lancées dans une sorte de collage en mouvement perpétuel autour de Jay. Et l'évolution du quartier qui se blanchit en repoussant les Noirs en marge, participe à son tourbillon intérieur comme le confirme Merawi Gerima qui a conçu "le scénario comme un moyen d'exercer un pouvoir sur la situation".
Le tournage des scènes les plus documentaires a été capté par des petites caméras, des téléphones portables, tandis que les parties plus mises en scène ont été filmées avec une caméra solide par le chef op, Mark Jeevaratnan. "Le style visuel vient de ces différents types de séquences que nous avons tournées pendant trois ans, et que nous devions assembler", explique le réalisateur. "Les changements rapides qui se passaient dans la ville pendant que nous filmions nous ont obligés à être prêts à tourner à tout moment."



Cette aptitude à saisir l'instant, le mouvement, les échanges sur le vif, repose sur l'implication des habitants du quartier dans l'élaboration du film. Les acteurs principaux, Obinna Nwachukwu qui est Jay, Taline Stewart, interprète de Blue, sa petite amie, et Dennis Lindsey qui campe son copain Delonte, s'inscrivent avec naturel dans les situations provoquées par Merawi Gerima. Scénariste et monteur du film, il orchestre aussi sa production indépendante en affirmant son regard.
Residue est une fiction en impulsions, lancée vers des cibles concrètes qu'elle atteint presque sans en avoir l'air. Merawi Gerima continue l'offensive des Afro-américains dans la lignée de ses cinéastes préférés dont Shirikiana Aina et Haile Gerima, ses parents, Charles Burnett ou même Ousmane Sembène. Avec Residue qui s'affranchit des normes du cinéma mainstream, Merawi Gerima revendique l'âme noire et celle d'un citoyen révolté par le dérèglement de son quartier d'enfance, en martelant : "Espérons que cette histoire puisse être utilisée pour encourager les gens à agir."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
pour Africiné Magazine

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