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TAAJABONE - Entre solitude et culpabilité
un film de Fatoumata Bathily (Sénégal, 21'30)
critique
rédigé par Adama Aïdara Kanté
publié le 07/02/2022
Chérifa Sadany SOW, rédactrice à Africiné Magazine (Dakar)
Chérifa Sadany SOW, rédactrice à Africiné Magazine (Dakar)
Adama AÏDARA, rédactrice à Africiné Magazine (Dakar)
Adama AÏDARA, rédactrice à Africiné Magazine (Dakar)
Fatoumata Bathily, réalisatrice sénégalaise
Fatoumata Bathily, réalisatrice sénégalaise
La remise du Grand Prix National Annette Mbaye d'Erneville
La remise du Grand Prix National Annette Mbaye d'Erneville
Remise du Grand Prix National à Fatoumata Bathily
Remise du Grand Prix National à Fatoumata Bathily
La réalisatrice Fatoumata Bathily avec son trophée Annette Mbaye d'Erneville
La réalisatrice Fatoumata Bathily avec son trophée Annette Mbaye d'Erneville

De manière très astucieuse, la réalisatrice sénégalaise Fatoumata Bathily évoque l'émigration clandestine afin de mettre la lumière sur le deuil post-traumatique.
Son film a remporté le Grand Prix National Annette Mbaye d'Erneville, au Festival Dakar Court 2021.

Saly est une jeune mère qui culpabilise pour la mort de son époux péri en mer - une rupture inattendue qui enfante plein d'interrogations chez elle. Malgré le soutien mystique et moral de sa mère, elle n'arrive pas à se refaire une nouvelle vie, jusqu'au jour de la "Tamxarit", la date qui marque le nouvel an musulman, d'où le titre du film "Taajabone" [la fête du nouvel an où les gens festoient et se déguisent, au Sénégal, ndlr]. Produit dans le cadre de la troisième édition d'Up courts métrages organisée par CINEKAP (structure de production indépendante basée à Dakar), ce drame intime multiplie les connotations africaines : le xalam [instrument de musique d'Afrique de l'Ouest, avec 1 à 5 cordes, ndlr], le moulin, le tam-tam, le couscous.

"Jusqu'à ce que la mort nous sépare" : accepter ce pacte veut-il dire faire le deuil de son amour quand l'aimé est mort ? En misant sur la psychologie du personnage, la réalisatrice, dans un style pudique et épuré, arrive à nous faire réaliser l'importance d'accepter une brutale et fatale rupture amoureuse. Pour cela, Fatoumata Bathily aide le spectateur à s'interroger sur l'état émotionnel et psychologique d'une personne qui perd son partenaire amoureux. Peut-on aimer à nouveau ? Peut-on vraiment refaire une vie auprès d'un autre après avoir perdu le premier amour ? Saly va-t-elle continuer à briser le verre inutilement ou bien va-t-elle enfin pouvoir tourner la page ?

Pour elle en effet, ce qui est le plus dur n'est pas de perdre l'être le plus cher mais de se sentir responsable de sa mort. Partagée entre solitude et culpabilité, le visage de Saly témoigne (sans trop en faire) de l'intensité de son chagrin. Il fait saluer du reste la performance de l'actrice Sophie Khady Diop ("Saly"). Elle n'est pas la seule d'ailleurs. Les acteurs dans ce court métrage ne sont pas dans l'excès. Ils expriment bien l'harmonie familiale, la solidarité fraternelle et le rôle de l'oncle sur l'orphelin.
Le traumatisme illustré dans la séquence où Saly marche hâtivement dans la rue à la recherche de la maison d'une femme qu'elle pense perdue en pirogue rappelle une séquence d'un autre film sénégalais. Il s'agit de Sagar de Pape Abdoulaye Seck où Amina, l'épouse "traumatisée" par ses fausses couches, cherchait son bébé imaginaire dans un dépôt à ordure.

C'est dans ce type d'émotions que TAAJABONE est un film attachant. L'émotion est à son comble lors du générique de fin avec les paroles de la chanson à succès interprétée par la chanteuse sénégalaise Dieyla. Elles nous enseignent la beauté de l'amour et l'éphémérité de la vie dont il faut profiter (avec les personnes que nous aimons) pour avoir de beaux souvenirs, parce qu'au bout du compte ce n'est pas nous qui choisissons lesquels on garde.

Sadany Sow
Adama Aïdara
Salamata Ousmane Diallo

Article rédigé dans le cadre de l'Atelier Dakar Court 2021 / FACC.
Atelier de formation en critique cinématographique dirigé par Olivier Barlet et Baba Diop, organisé à l'occasion de la 4è édition du Festival de Dakar Court par le Festival et la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar).

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