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Festival de Cannes 2022 : le palmarès d'Africiné
critique
rédigé par Falila Gbadamassi
publié le 28/05/2022
Cannes 2022
Cannes 2022
Falila Gbadamassi, rédactrice à Africiné Magazine
Falila Gbadamassi, rédactrice à Africiné Magazine
Scène du film "Le otto montagne" (Charlotte Vandermeersch & Felix Van Groeningen, Italie)
Scène du film "Le otto montagne" (Charlotte Vandermeersch & Felix Van Groeningen, Italie)

Les films en lice pour la 75e édition du Festival de Cannes nous ont transportés du 17 au 28 mai 2022 dans des univers parallèles. Lequel de ces films, parfois trop longs (le film d'ouverture Coupez ! s'apparente d'ailleurs à un bon conseil cette année), repartira avec la Palme d'or. Voilà le très subjectif pronostic (plutôt peut-être les coups de cœur) d'Africiné Magazine.

Palme d'or : EO (Hi-Han), de Jerzy Skolimowski

Le film du réalisateur polonais est une leçon de cinéma ! Il démontre que quel soit le sujet abordé, la capacité d'un cinéaste à faire intelligemment appel à tous les outils cinématographiques disponibles font la différence, peu importe la nature des protagonistes, ici six ânes qui se relaient pour incarner Eo. Un âne arraché à un cirque pour maltraitance et dont on suit les pérégrinations entre la Pologne et l'Italie. Ce n'est pas tant le sujet - un plaidoyer pour la cause animale - que la façon dont il est traité qui rend cette fiction remarquable. Les caméras de Jerzy Skolimowski virevoltent autour d'Eo et le réalisateur offre au spectateur une atmosphère inédite grâce à un sublime travail sur la photo - les incursions de rouge à l'écran donne du punch à ce road-movie animalier -, tout comme une bande-originale très enlevée. A noter que la mise en scène de Skolimowski est si précise que quand Eo braie, il entre en parfait dialogue avec l'audience qui aurait presque envie de lui répondre. Jerzy Skolimowski réalise ainsi une prouesse : il n'est pas donné à tout le monde d'accrocher un spectateur en lui proposant de marcher, sans but, dans les pas d'un âne durant plus de deux heures.

Grand prix

Le otto montagne (Les huit montagnes) de Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (Italie) passe au crible une amitié entre deux enfants (un thème récurrent dans cette sélection mais traité sous des angles différents, dans Close, Armageddon Time et Nostalgia), puis deux adultes qui court sur plus d'une décennie.
Pietro, garçon de la ville devient l'ami de Bruno, le dernier enfant d'un village de montagne en Italie où le père du premier se livre à sa passion pour les randonnées. Les montagnes de ses étés, Pietro va finir par les détester alors qu'elles restent le refuge absolu pour Bruno.



Cette bromance dans un décor exceptionnel, raconté dans un format carré, a une délicatesse qui lui donne paradoxalement toute sa force. Le charme fou des comédiens Luca Marinelli et Alessandro Borghi qui donnent respectivement corps aux versions adultes de Pietro et Bruno contribuent également à lui donner une tendresse qui restera gravée dans la mémoire du spectateur.

Prix du jury

Boy From Heaven de Tarik Salek est une proposition intéressante qui plonge le spectateur dans un trépidant thriller politico-religieux. Épicentre du pouvoir de l'Islam sunnite, la prestigieuse université Al-Azhar devient aussi celui d'une lutte de pouvoir dont un jeune pêcheur, Adam, devient un acteur clé. De fait le pouvoir égyptien veut avoir son mot à dire dans la désignation du nouvel Grand imam après la mort soudaine du précédent. Le colonel Ibrahim, incarné par Fares Fares, trouve en Adam, stoïquement interprété par Tawfeek Bahrom, l'espion parfait. De l'espionnage, de la politique et de la religion : des ingrédients dont Saleh tire subtilement profit pour tenir en haleine son public dans Boy From Heaven.



Il y a dans Les Amandiers de Valeria Bruni Tedeschi une fraîcheur qui fait écho à la jeunesse dont elle fait le portrait. En parlant d'elle et d'une génération qui s'est formée à la comédie au théâtre des Amandiers sous la direction du dramaturge et réalisateur français Patrice Chéreau, elle fait émerger avec son joli casting une nouvelle génération de comédiens tout aussi talentueuse que la sienne. Cette chronique douce-amère, portée par une mise en abyme permanente (la tendance est d'ailleurs très forte ces dernières années au Festival de Cannes où les cinéastes parlent souvent de septième art), se caractérise par sa fluidité en dépit de la multitude de thématiques qu'elle aborde : l'amour, la drogue, le sida et surtout l'amour du jeu. Les Amandiers s'avère être un petit ravissement.

Prix de la mise en scène

Un père manipulateur, une sœur lucide et des frères désœuvrés. C'est le trio gagnant de Leila's Brothers du cinéaste iranien Saeed Roustaee qui livre une sorte de thriller familial. Chez Leila, les violentes querelles se succèdent aux réconciliations immédiates pour raconter les vicissitudes d'une famille iranienne dont le père est obsédé par un honneur qu'il croit pouvoir s'acheter au détriment de ses fils qui vivent dans la précarité.

Prix du scénario

Les crimes du futur de David Cronenberg est une histoire improbable dans un futur proche où les hommes jouent avec leur corps et font de la chirurgie du body-art quand il ne lui impose pas une alimentation pour le moins originale. Dans cet environnement, Saul Tenser (joué par Viggo Mortensen) fait figure de résistant car il n'accepte pas les nouveaux organes qui naissent dans son corps en mutation. Mais jusqu'à quand pourrait-il résister à une évolution qui semble inéluctable ? Cronenberg touche du doigt une problématique très actuelle quand on sait que du plastique a été, par exemple, découvert dans les aliments que nous ingérons.

Prix d'interprétation masculine

Benoît Magimel est d'une justesse inouïe dans Pacifiction de Albert Serra. Il campe De Roller, le Haut-Commissaire de la République, représentant de l'Etat français sur l'île de Tahiti, en Polynésie française alors que la rumeur d'une reprise des essais nucléaires se répand. Elle se fait de plus en plus persistante, au grand dam des populations locales.

Magimel incarne à merveille ces fonctionnaires français que l'on peut rencontrer partout dans les territoires où la France a des intérêts. A Tahiti, De Roller est touche à tout et surtout bien informé quand bien même il n'est plus en odeur de sainteté. Il est désormais obligé de mener l'enquête pour déterminer si la rumeur est vraie.

Dans des décors sauvages où le ciel est souvent rougeoyant, De Roller navigue ainsi sur l'île dans son costume blanc, avec des chemises bariolées assorties, et dans une voiture tout aussi blanche à la recherche du moindre indice qui confirmerait l'incurie de son employeur, l'Etat français. La politique, note le fonctionnaire désabusé, est comme "une discothèque" - lieu où semble d'ailleurs se jouer la vie de l'île d'ailleurs -, et le fait d'une élite qui n'a plus le sens des réalités. D'autant que, de nouveau, elle est prête à mettre en danger la vie des Tahitiens.

Prix d'interprétation féminine

La comédienne Ekaterina Ermishina incarne avec une désespérante intensité le personnage d'Antonina Miliukova dans Zhena Chaikovskogo de Kirill Serebrennikov. Au 19e siècle en Russie, elle interprète une femme amoureuse, prête à tout pour devenir la femme du compositeur russe Piotr Tchaïkovski. Serebrennikov orchestre avec de somptueuses scènes le désespoir d'Antonina Miliukova, alors Ekaterina Ermishina se laisse sublimement diriger.

Falila Gbadamassi, correspondance spéciale

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