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Histoires de petites gens : Le franc, La petite vendeuse de Soleil
L'éternelle vigueur du poète de Dakar
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 04/07/2022
Michel Amarger, rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger, rédacteur à Africiné Magazine
Djibril DIOP Mambéty (1945-1998), regretté réalisateur sénégalais
Djibril DIOP Mambéty (1945-1998), regretté réalisateur sénégalais

Courts-métrages Fiction de Djibril Diop Mambety, Sénégal / Suisse / France, 1994-1998
Sortie France : 6 juillet 2022 (Dist : JHR)

C'est une nouvelle étape pour saisir l'inspiration de Djibril Diop Mambety. La sortie en version restaurée, des deux premiers volets de sa trilogie inachevée, Histoires de petites gens avec Le franc et La petite vendeuse de Soleil, permet à une autre génération de découvrir en salles, l'univers du cinéaste sénégalais, né en 1945, disparu en 1998. Devenu culte avec une poignée de films courts dont Badou Boy, 1970, Djibril Diop Mambéty a déjà vu son œuvre réévaluée avec la restauration de ses deux uniques longs-métrages découverts au Festival de Cannes, le fameux road movie visionnaire, Touki Bouki (*), et l'imposante adaptation d'une pièce du dramaturge suisse Friedrich Dürrenmatt, Hyènes (**).


Histoires de petites gens - Film-annonce from JHR Films on Vimeo.



En ravivant les couleurs des Histoires de petites gens, la version restaurée de ses courts-métrages, propose une vision décapée de la pertinence toujours actuelle du regard de Djibril Diop Mambety. Et pourtant son parcours flamboyant a été tumultueux. Il se brûle aux années 70 avec Touki Bouki, rebondit dans les années 90 avec Hyènes avant d'acquérir une relative sérénité. Une époque que nous avons évoquée dans un livre, édité lorsque les Histoires de petites gens ont pu être diffusées sur d'autres supports que la pellicule (***). Aujourd'hui qu'elles regagnent les salles, on peut reprendre les lignes qui suivent pour les situer dans un temps suspendu aux visions d'un poète intemporel, innervé par l'énergie de Dakar :

"La renommée de Mambety motive des producteurs à l'aider pour matérialiser ses rêves. Il perfectionne sa méthode pour réaliser un film : un petit sujet, des collaborateurs sous le charme du projet, et du cinéaste, des producteurs qui assurent, des techniciens qui accomplissent, des artistes qui s'investissent et donnent corps à l'histoire. Mambety supervise l'ensemble, aiguille les énergies avec une nonchalance calculée. Ainsi naît l'idée de la trilogie intitulée Histoires de petites gens.
Le premier volet, Le franc, en 1994, reprend la course d'un "Badou Boy" assagi, et chanceux, dans les rues de Dakar. Le style est plus classique, le ton posé, l'ironie à fleur d'images. L'accomplissement du film calme les doutes de Mambety. Sa vie privée se stabilise. Il accompagne de son détachement aristocratique la carrière du film, une lueur malicieuse dans l'oeil. Car Mambety qui se délecte de fêter ses 50 ans l'année où l'on célèbre le centenaire du 7ème art, rêve encore de cinéma.

Il lui faut encore un peu de temps pour mettre sur pied La petite vendeuse de Soleil. Encore une héroïne, la jeunesse, des policiers... et Dakar. Mambety y régénère ses images de scènes plus lumineuses. Mais la maladie obscurcit son quotidien. Le cinéaste aborde son dernier acte en toussant. Il tourne à Dakar, en 1996, peaufine sa production en Suisse, se soigne à Paris. La maladie le cueille au chevet de La petite vendeuse... Il meurt à Paris, le 23 juillet 1998. Le montage s'achève sans lui. Le soleil y gagne un autre éclat…
Au cours de ses dernières années, le réalisateur visionnaire avait coutume de raconter aux enfants, et aux adultes qu'il pressentait avoir toujours une âme d'enfant, que le cinéma était d'abord un rêve. Il conseillait de fermer les yeux en mettant ses mains sur ses paupières, de penser très fort à une histoire, pour voir s'accomplir une belle projection de cinéma…"

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)
pour Africiné Magazine

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(*) Touki Bouki, 1973, a reçu le Prix de la Critique internationale au Festival de Cannes. La World Cinema Foundation, la Fondation de Martin Scorsese, dans le cadre de World Cinema Project, a choisi de le restaurer en 2008.

(**) Hyènes, 1992, a été projeté Festival de Cannes 2018 dans le cadre de la section Cannes Classics. Il s'inscrit dans les films du patrimoine en version restaurée 2K et 4K.

(***) Djibril Diop-Mambety ou l'ivresse irrépressible d'images, de Michel Amarger, 2000, Editions ATM-MTM. ISBN : 2-9509985-0-X. Edité dans un coffret avec deux VHS puis plus tard, un DVD, comprenant Le franc et La petite vendeuse de Soleil.

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