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Entretien avec Ousmane Boundaoné, Comité d'organisation du FESPACO
Pour un Fespaco plus tourné vers le professionnalisme
critique
rédigé par Fatoumata Sagnane
publié le 26/07/2022
Ousmane Boundaoné, membre du Comité d'organisation du FESPACO
Ousmane Boundaoné, membre du Comité d'organisation du FESPACO
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
Fatoumata SAGNANE, Rédactrice (Conakry) à AFRICINÉ MAGAZINE
FESPACO 2021
FESPACO 2021
Alex Moussa Sawadogo, Délégué Général du FESPACO
Alex Moussa Sawadogo, Délégué Général du FESPACO

Le moment est venu d'emprunter un chemin novateur et une approche efficiente pour le Fespaco, tout en capitalisant les atouts des décennies d'existence. C'est à cela que s'active M. Ousmane Boundaoné qui a intégré la nouvelle direction de ce festival panafricain international. Du sang neuf pour un nouveau souffle ! Les explications dans cet entretien réalisé lors de la dernière édition, en octobre 2021, à Ouagadougou.

Africiné : Pouvez-vous vous présenter d'abord aux lecteurs d'Africiné Magazine ?

Ousmane BOUNDAONÉ : Je suis Ousmane Boundaoné, consultant pour le FESPACO en charge des programmes pour cette 27ème Edition, directeur administratif de Génération films et le Coordinateur général de Ouaga films lab.

Comment parvenez-vous à allier toutes vos activités aussi importantes les unes que les autres ?

C'est une question d'organisation, de management ; surtout que c'est mon métier de gérer des projets. Cela suppose donc la planification, pour savoir ce que l'on doit faire en priorité à chaque moment, même quand deux activités se chevauchent, voire comment on arrive à les exécuter sans forcément avoir le don d'ubiquité ; c'est-à-dire être à la fois présent sur deux ou trois endroits en même temps. Ce qui n'est pas possible physiquement, mais faisable par la délégation des pouvoirs, par la structuration. Il est donc important d'avoir une équipe qu'il faut sensibiliser, former ; une équipe capable de coordonner à votre place.
Vous savez que l'année est constituée de douze mois, donc 365 jours. Il y a de quoi faire, si on veut se donner un peu d'engagement. Je me dis que cela est possible avec une bonne planification, car on dit souvent "qui embrasse trop mal étreint". Dans ma situation, toutes ces activités, toutes ces responsabilités n'ont pas le même poids, ni le même volume. C'est ce qui fait qu'on arrive aisément à faire ce qu'on prévoit de faire.

Comment vous vivez cette première expérience de faire partie de l'organisation du FESPACO en tant que consultant aux côtés de votre ami M. Alex Sawadogo ?

Cette première expérience se passe très bien. Comme je le disais souvent à mes amis et collaborateurs, le FESPACO nous a tous enfantés dans le sens où beaucoup d'entre nous, en tout cas ceux de ma génération, ont révélé leur vocation à travers le FESPACO, par les rencontres. Ils ont pu se faire par leur seule implication personnelle, dans l'organisation même, par la plus petite échelle, en tant qu'étudiant. On peut donc dire que ces rencontres sont déterminantes pour la carrière.
Moi, j'ai eu la chance d'être à un des carrefours importants au début de ma vie professionnelle : le centre culturel français qui fut mon premier employeur ici à Ouaga. Et en dehors du Fespaco, ce centre est un point névralgique qui a vu passer et transiter beaucoup d'énergies, d'initiatives de projets, d'activités culturelles. J'ai eu la chance de faire des rencontres qui m'ont permis d'aller de l'avant à chaque fois.

Vous êtes souvent sollicité ici au Burkina et à l'étranger. Ce qui fait que vous bougez beaucoup aussi….

Je suis peut-être demandé partout mais, je ne crois pas avoir un statut mondial de voyageur. Je suis à ma petite échelle ici au Burkina. Et j'arrive à aller en Guinée, au Mali, au Togo, en Côte-d'Ivoire, en Tunisie, au Rwanda. C'est essentiellement sur le continent africain. Je vais souvent aussi en Europe notamment dans les festivals, mais tout ça fait partie du réseau qu'on met en place et qui nous permet donc d'avancer. Juste pour dire que toute cette somme d'expériences me permet d'entrer ou de proposer de belles idées pour ce FESPACO avec la nouvelle délégation Générale.
Comme tout le monde le sait, nous collaborons avec la nouvelle direction du FESPACO, portée par mon binôme, avec qui (depuis plus de dix ans maintenant) nous faisons d'énormes choses de façon je dirai discrète ; et dont l'impact a été tout de suite reconnu, vu par des gens qui ont estimé que l'actuel Délégué Général [Alex Moussa Sawadogo] méritait de diriger cette institution.
Pour nous, il était important de tenir cette édition 2021 parce que l'année derrière déjà, sans y être, sans être membre de l'équipe permanente du FESPACO, j'ai fait une collaboration qui a porté ses fruits. Par exemple, sur la prise en compte du cinéma d'animation la sélection officielle du FESPACO. Et ça, c'est une initiative que nous avons apportée. Ce qui veut dire que le cheminement était visible. Mais, maintenant que nous avons les deux pieds liés dans la chose, on fait des découvertes.
On s'attendait à des choses qui se sont avérées vraies pour certaines, et fausses pour d'autres. Je crois que l'un dans l'autre, ce passage au FESPACO nous a permis de beaucoup apprendre. Car je suis quelqu'un d'assez critique, d'assez direct, mais, en même temps, une force de proposition. En, effet, je ne critique pas pour critiquer seulement ; à côté, je sais aussi proposer de bonnes choses.

Certaines analyses que je faisais du FESPACO n'avaient pas été prises en compte, car il se trouvait que je les faisais de l'extérieur. Et je crois que si c'était de l'intérieur, elles auraient plus de pertinence.
Être là me donne des arguments encore pour les prochaines éditions, pour des projets pas artistiques seulement, mais institutionnels pour le FESPACO. Cet établissement mérite mieux, il doit bénéficier de l'attention de tous ses fils et filles, de toutes les autorités pour mieux s'organiser parce qu'il y a du potentiel pour en faire un festival professionnel de catégorie 1, parce qu'il peut tutoyer le festival de Cannes et les autres festivals d'envergure internationale.

Pourriez-vous nous faire un état des lieux au plan organisationnel et logistique à votre arrivée au sein de l'équipe du Fespaco ?

L'équipe est restée sur place. Il n'y a que la direction qui a juste changé. L'équipe en place en gros est composée de fonctionnaires et de contractuels qui sont liés au budget de fonctionnement de l'État burkinabé. Seul le Délégué Général a été changé.
Par ailleurs, le Délégué Général, en l'occurrence M. Alex Sawadogo, a fait appel à des consultants comme moi afin de les amener à mettre à la disposition du FESPACO leur expertise pour la pérennisation et l'épanouissement de l'événement. Tout le monde le sait et personne ne le dit assez : le Délégué Général actuel est le premier non-fonctionnaire de l'État nommé à la tête de cette institution. Quand je dis non-fonctionnaire, c'est quelqu'un qui n'a pas de matricule au niveau de la fonction publique, Donc cela a tout son sens pour ceux qui savent ce que signifie un numéro de matricule. Au regard de cela, il y a une sorte de corps étranger dans quelque chose et comment ce corps étranger va prendre ses marques ou faire remonter les autres à son niveau. C'est une question d'ordre managériale, de stratégie qui est mise en place pour que les choses se passent bien.

Les moyens d'une maison comme le FESPACO se situent à plusieurs niveaux. Le premier niveau est celui des ressources humaines. Du niveau deux viennent les finances, beaucoup plus liées à l'appui étatique mais aussi aux subventions qui peuvent être mobilisées auprès des partenaires techniques et financiers et des sponsors.
Comme je le dis, il y a du potentiel pour faire de cet établissement une structure vraiment forte, à même de porter son festival. Il y a deux choses dont je parle. Il y a le festival qui est la manifestation, il y a l'institution qui doit porter cette manifestation ; donc cette articulation n'est pas encore parfaite. Je précise qu'elle n'a pas commencé avec cette nouvelle direction. Il nous faudra trouver la bonne articulation.

Certains qualifient cette 27ème édition de désertique, en termes de fréquentation et d'ambiance festive. Que leur répondrez-vous ?

Comme à l'accoutumée, ces remarques sont réelles. Au fait, c'est une volonté de réserver en 2021 la cour du siège du FESPACO aux activités essentiellement professionnelles. C'est une volonté clairement affichée par la nouvelle délégation. C'est pourquoi, il y a dans la cour du siège du FESPACO les chapiteaux montés, dédiés essentiellement aux activités du cinéma, au marché du film, à la coproduction, aux expositions, aux conférences pour nos partenaires, pour les panels etc…
Pour toutes les structures qui travaillent pour le cinéma, les espaces de rencontres favorisent effectivement le réseautage des porteurs de projets, jeunes et adultes, qui cherchent des opportunités. Donc la cour est dédiée à cela.
Il y a aussi des projections à la carte. C'est encore professionnel. Évidement on ne peut pas être là sans grignoter, boire quelque chose ; c'est pourquoi il y a quelques restaurants dans la cour du siège du FESPACO ainsi que quelques "maquis", comme on le dit par ici. Mais, tout cela ne peut être la priorité parce que le FESPACO, c'est d'abord un festival de films, et c'est dans les salles qu'il faut aller vérifier cette affluence. Les activités périphériques ne doivent pas prendre le dessus sur le principal, comme cela se faisait sur des précédentes éditions en renforçant le coté populaire qui a été institué par le feu président Thomas Sankara. Ce dernier demandait la tenue des cérémonies d'ouverture et de clôture dans les salles de cinéma avec 40 mille personnes. Bien entendu, cela avait eu son impact, car le cinéma et le FESPACO sont inscrits dans les gênes de tous les Ouagavillois. Malheureusement, aujourd'hui, les gens ne vont pas dans les salles.
Maintenant, à ceux qui pensent que cette 27ème édition est morose - même si les échos qui me sont parvenues soutiennent le contraire - je leur dis que notre but est de faire de ce festival un évènement professionnel.

Mais est-ce que ce côté populaire et festif ne pourrait pas être une vitrine pour assurer la visibilité des principaux partenaires ?

Le bailleur ne donne pas son argent à cause d'une mobilisation quelconque. Il le fait parce qu'il croit en un évènement qui a son importance et qui permet aux cinéastes de tout le continent et de la Diaspora de se rencontrer, de se parler, de faire voir leurs films, d'échanger des regards, de construire par ces regards, par ces échanges, la paix nécessaire à ce continent ; d'où la coopération mutuelle, la construction de cette Afrique que nous avons envie de voir. Alors, le partenaire donnera son argent pour juste ça, mais pas pour la fête.

Nous constatons que sur le plan sécuritaire, dans un pays fortement éprouvé par les violences djihadistes, il y a visiblement, pour cette édition, un allègement du dispositif. Quelle en est la raison ?

On croise les doigts. C'est une question intégrée dans toute notre stratégie parce qu'il a été clairement dit que la 27ème édition se tiendrait dans un double contexte de sécurité. Et sur ce, les dispositions ont été prises et respectées. C'est quelque chose sur laquelle je ne peux pas revenir, ou donner plus d'informations.

Les couleurs artistiques et culturelles annoncées à l'ouverture de cette 27ème édition du FESPACO 2021 notamment du côté du stade de Ouaga 2000 étaient appréciées de tous, surtout la participation marquante des jeunes africains et de la diaspora. Seulement, on a constaté que les discours des officiels prenaient plus d'espace qu'il n'en fallait. Quelle appréciation en faites-vous ?

Certes le Fespaco est un événement artistique et culturel. C'est aussi la vitrine du pays, donc aussi un événement politique.

Votre duo avec le Délégué Général est une belle force de proposition autant sur le plan culturel qu'artistique. Êtes-vous satisfait de cette 27ème édition du FESPACO ?

On n'a pas encore fini. On a fait une sélection artistique admirable en mettant en place un FESPACO pro qui commence à donner ses fruits avec des jeunes porteurs de projets qui vont faire des rencontres déterminantes pour leur carrière. Pour moi, c'est ce qui est important ; le bling-bling, ce n'est pas notre truc.

Propos recuellis par SAGNANE Fatoumata
Journaliste
Critique de cinéma (Guinée Conakry)

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