Le premier long métrage de Narcisse Wandji est un fabuleux road-movie, une introspection dans l'univers de la rue.
Il est assurément le film le plus intrigant de la décennie et sa génération.
Scénariste et réalisateur camerounais, Narcisse WANDJI a réalisé plusieurs courts métrages dont Walls (2016) avec Gérard Essomba et remporté de nombreux prix. Lyrique et provocateur, le cinéma de Narcisse WANDJI dénonce les difficultés sociales de l'Afrique contemporaine. Il aborde de multiples sujets comme l'absence de sécurité sociale en Afrique et au Cameroun en particulier, l'immigration et l'éducation. Toujours sur la scène internationale, Bendskins (Mototaxi), son premier long métrage (2021) rend hommage à ceux qui font le transport en commun avec les motos.
Avec ce film très artistique et plein de références thématiques et esthétiques, il intègre la grande sélection officielle de la 27e édition du Festival Panafricain de cinéma et de télévision de Ouagadougou - FESPACO 2021 parmi les 17 films en lice pour l'Etalon d'or. Auparavant, il avait été sélectionné au Festival Cinémas d'Afrique (Lausanne, Suisse, 2021).
Il poursuivra sa route au Festival Lumières d'Afrique de Besançon (2021, France), en Compétition Officielle. Au Festival Écrans Noirs de Yaoundé (17-27 Nov 2021, Cameroun), Bendskins (Mototaxi) rafle deux prix : celui du Meilleur film camerounais et le Prix du Meilleur scénario africain. Il sera primé à la 6è édition du Festival International du film de Bruxelles (édition Dakar, Sénégal | 15-18 Dec 2021) où Danilo Melande remporte le Prix de la meilleure interprétation masculine, pour son rôle de Sani.
En 2022, le festival Caravane des Cinémas d'Afrique 2022 (Ste-Foy-Lès-Lyon) le programme ainsi la 12ème édition du Festival International de Films de la Diaspora Africaine - FIFDA (Paris), début septembre. Cette année, le 22è Festival International du cinéma Africain de Khouribga - FICAK 2022 a invité deux des acteurs principaux au Maroc, en juin dernier : l'actrice Stella Tchuissei (rôle de Samedi) et Danilo Melande (rôle de Sani), ainsi que le réalisateur.
Narcisse Wandji s'offre un premier film qui mêle le grandiose au vulgaire qui transverse beaucoup de genres (policier, drame, romance, aventures,...), en 90 minutes. La route est la ligne qui rythme le fil du film. Nous sommes sur la moto. Elle circule et faufile dans les artères. Une cité pleine de bruits et de petites histoires des populations.
Bendskins est une chronique de trois jeunes atypiques (deux hommes et une femme) qui décident de chercher la pitance quotidienne via la moto. Ce mode de transport en commun est trivialement appelé au Cameroun "Bendskin". Ces trois personnages principaux ne sont liés par rien. Sauf la moto et des histoires personnelles vécues ou entendues.
Marie (l'intrépide Merveille Akamba, maquilleuse et comédienne) est la seule femme du trio de ce casting. C'est la mère d'une petite fille qu'elle élève seule, en essayant de lui assurer un avenir meilleur. Elle recherche obstinément le géniteur de sa fille qui n'est autre que son cousin. Un inceste ! Il l'avait droguée avant de commettre son forfait. La fripouille a fondu dans la nature, en allant faire de petits métiers en ville.
Sani (Danilo Melande) fait belle figure. Il est un sacré veinard. Il a réussi à engrosser Samedi, la fille du policier "l'irrésistible Chien méchant" du quartier, incarné par le doyen Jacobin Yarro. Alors que c'est lui qui la conduisait à l'école tous les matins. Recherché partout, il ne connaîtra pas la paix.
Brillant intellectuel, Frank est un grand bandit. Le diable se cache dans le détail. Sa moto lui sert à faire des coups en soirée. Tout se passe bien jusqu'au jour où il réussit à emporter le sac d'une victime. Fait majeur, à l'intérieur du sac se trouve le corps sans vie du neveu de sa nouvelle compagne.
Radio… virus
Nous voilà face à trois histoires rocambolesques. Dès le début, le film prend le temps de se construire. Le spectateur cherche la raison de ces liens autour de la moto. Au bout d'un temps, chaque personnage ouvre une réelle parenthèse sur son histoire. Tout se passe sur la route et de petites ouvertures dans les intérieurs des domiciles.
Le réalisateur construit une réalité locale avec pour matériau de base, l'exposition et le ludique. On retrouve les thématiques communes fortes : la rue, la route, l'amour et le langage bref prisé dans les dialogues. On fonce dans un micro-espace qui présente la société toute entière. En bruit de fond, un son de radio et des voix en permanence. Ce personnage omniprésent dont les citoyens se délectent des d'ébats sur les faits d'actualité, se trouve être le catalyseur principal de toutes les pensées entre les personnages et leurs passagers. C'est ce lien social à travers des révélations est une thérapie que se crée toute seule. Le film cherche à monter en intensité sur le discours politique. Mais il cherche à trouver un lien fort des plaies béantes de chacun de ses personnages. Chacun s'est détruit dans son histoire. Il faut panser les blessures.
Avec Bendskins, Narcisse Wandji fait aussi une belle présentation visuelle des clichés de la société camerounaise qui se réinvente chaque jour, par l'ingéniosité de ses populations.
Avec ce film, le réalisateur montre qu'il est un digne héritier des cinéastes iconoclastes à la Jean-Pierre Bekolo (Quartier Mozart, 1992), Djibril Diop Mambéty (Touki Bouki - Le voyage de l'hyène, 1973). Il tisse un cinéma social, à la quête d'une identité, fondu dans le questionnement permanent. Bendskins est un véritable voyage d'amour et de tribulations sociales sur une moto et dans les cœurs.
Martial Ebenezer NGUEA
