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LES HARKIS, de Philippe Faucon
Le sort des harkis en Algérie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 10/10/2022
Michel Amarger, Rédacteur à Africiné Magazine
Michel Amarger, Rédacteur à Africiné Magazine
Philippe Faucon, réalisateur et scénariste français
Philippe Faucon, réalisateur et scénariste français
Yasmina Nini-Faucon, co-scénariste & productrice déléguée du film LES HARKIS
Yasmina Nini-Faucon, co-scénariste & productrice déléguée du film LES HARKIS
Samir Benyala, co-scénariste & acteur du film
Samir Benyala, co-scénariste & acteur du film
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films
Scène du film © Jacques Reboud / Istiqlal Films

LM Fiction de Philippe Faucon, France / Belgique, 2022
Sortie France : 12 octobre 2022

Les fictions françaises sur la Guerre d'Algérie sont encore rares même si René Vautier (Avoir vingt ans dans les Aurès, 1972) et Yves Boisset (R.A.S., 1973) ont ouvert la voie. Les cinéastes abordent le sujet du point de vue des soldats de leur pays alors que les Algériens constituent une histoire nationale avec des récits volontiers épiques. Reste la délicate question des harkis, ces recrues algériennes enrôlées sous la bannière de la France pendant la guerre, de 1954 à 1962, lâchées par les autorités françaises après l'indépendance, traquées pour traîtrise par le Front de Libération Nationale.
Philippe Faucon s'empare du sujet pour Les Harkis, dévoilé à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes 2022. "Nous avons hérité de quelque chose qui s'est transmis sans toujours avoir été exprimé", justifie le réalisateur, né à Oujda, au Maroc, grandi en Algérie. Il trace son sillon dans le cinéma français depuis 1987, avec des histoires sensibles, ancrées dans le social, abordant déjà la Guerre d'Algérie dans La Trahison, 2005, parmi ses films dérangeants, ouverts aux débats.



Le récit embrasse les trois dernières années du conflit en Algérie. En 1959, les protagonistes du film intègrent une harka, unité de l'armée française constituée d'Algériens, tandis que De Gaulle esquisse la notion d'autodétermination. Un an plus tard, alors que les pourparlers se tissent avec le FLN, le lieutenant Pascal est chargé de distraire ses troupes de harkis inquiets, en les envoyant en manœuvre dans la campagne. En 1962, après le cessez-le feu, les harkis sont désarmés et le lieutenant cherche à les exfiltrer pour les soustraire aux représailles du FLN.
Ces étapes, constituant les trois parties du film, s'articulent autour du destin de quatre hommes. Salah et Kaddour s'enrôlent par nécessité de survie. L'un pourra se rapprocher des vainqueurs algériens, l'autre d'une capture fatale. Il y a aussi Krimou, un fellagha devenu harki sous la contrainte. Leur sort est scellé par le lieutenant Pascal, jeune français clairvoyant qui tente de ménager la condition de ses troupes.



"Il y a une tragédie qui se met en place, avec ses causes et ses conséquences", observe Philippe Faucon. "D'un point de vue formel, quelque chose agit, qui "tend" le film comme un mécanisme, à plusieurs niveaux, par les moyens du montage." La fiction, écrite avec Yasmina Nini-Faucon et Samir Benyala, s'attache à une poignée de harkis, représentatifs de leurs positions. Le scénario les considère tous en déroulant le piège dans lequel ils se retrouvent enfermés. "C'est une histoire d'hommes pris dans la guerre", souligne le cinéaste. "Chacun est dans un repli sur soi. Il y a peu de place pour l'épanchement."
Ces auxiliaires de l'armée française deviennent encombrants lorsque les autorités se désengagent. Alors le régime se renie, et les renie, en déjouant la question de leur rapatriement, conditionnée à des dossiers administratifs compliqués, comme le déplore le cinéaste : "On a armé des gens contre d'autres, qu'on ainsi enfermés dans une situation très risquée pour eux. Puis, quand il s'est avéré que ces gens représentaient, avec leurs familles, un trop grand nombre de personnes à faire venir et installer en France, s'ajoutant à l'exode des Européens d'Algérie, alors on a tenté de restreindre ce nombre."

En pointant le mensonge d'Etat de la France, Philippe Faucon signe une fiction réfléchie, documentée, qui évite de schématiser comme il le signale : "On ne doit pas occulter que l'une des causes, certainement importante, de l'engagement des harkis côté français, en dehors des raisons de survie, de non choix ou parfois d'adhésion, a été les violences de certains éléments du FLN, qui ont poussé beaucoup d'Algériens à rejoindre les harkas, après l'assassinat de proches. Et on ne doit pas non plus occulter que les harkis ont été, pour certains d'entre eux, des instruments parfois zélés de la répression." Il n'hésite pas à retracer les tortures pratiquées par l'armée française ni la violence des têtes décapitées ou des exactions des soldats.



"Filmer les combats demande de trouver les moyens d'un réalisme qui ne soit pas ceux d'un spectacle de la violence ou de la déréalisation de la guerre, type jeu vidéo", déclare le cinéaste, alternant les plans fixes, de près et de loin, pour accentuer la tension d'un récit dépouillé. Les Harkis vise à échapper aux clichés, mettant en scène une réalité à hauteur d'hommes. "Il ne s'agit pas de ne pas prendre parti, mais de trouver à dire la complexité, d'éviter les simplismes, les manichéismes, d'exprimer le plus possible toutes les vérités", ponctue Philippe Faucon. C'est cette approche à la fois intime, clinique et cinématographique, qui anime Les Harkis et leur destin.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / Médias France)

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