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SOUS LES FIGUES, la jeunesse tunisienne éblouissante prise dans les carcans politiques
Un long métrage Fiction de la réalisatrice Erige Sehiri
critique
rédigé par Sidney Cadot-Sambosi
publié le 31/10/2022
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice à Africiné Magazine
Sidney CADOT-SAMBOSI, Rédactrice à Africiné Magazine
Erige Sehiri, réalisatrice franco-tunisienne
Erige Sehiri, réalisatrice franco-tunisienne
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Cannes 2022
Cannes 2022
Namur 2022
Namur 2022

Sous les figues est un véritable coup de maître, candidat tunisien à la course aux Oscars et déjà vainqueur d'un grand prix international : le Bayard d'or 2022 (Namur, Belgique). Il est nominé au Tanit d'or et aussi au Prix Tahar Chériaa (Tanit d'or pour la meilleure 1ère oeuvre de long-métrage), aux 33è JCC qui se tiennent du 29 octobre au 05 novembre 2022, à Tunis.
Un grand et pur moment de cinéma, à ne surtout pas manquer : le film sera dans les salles en Tunisie le 6 novembre 2022 (par Hakka Distribution) et le 7 décembre 2022 en France (avec Jour2Fête).

Avec Sous les figues, la réalisatrice tunisienne Erige Sehiri nous offre un cinéma ancré les deux pieds dans la terre. La tête vers le haut et les mains tendues vers le ciel, un groupe de jeunes hommes et femmes cueillent des figues, métaphores de leur liberté fragile et de leur jeunesse fugace destinées à être rangées dans des cases par un pouvoir patriarcal et avare.



Un cinéma d'émancipation

La Franco-Tunisienne Erige Sehiri (tour à tour journaliste indépendante, productrice et réalisatrice) a présenté Sous les figues à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes cette année, en Première Mondiale. Elle a remporté ce 7 octobre le Bayard d'or à la 37ème édition du Festival International du Film Francophone de Namur. Son premier long-métrage documentaire La Voie normale (2018) en immersion dans le quotidien des cheminots tunisiens, avait déjà connu la reconnaissance et le succès en Tunisie où il est resté à l'affiche six semaines.

En 2022, elle nous offre un premier long-métrage de fiction magistral en passe de s'imposer comme un des films incontournables de cette année. Le film a été sélectionné au Festival International du Film de Toronto et au Festival BFI du film de Londres pour ne citer qu'eux.
Percutant et sensible, Sous les figues suit des hommes et des femmes dans les vergers du Nord-Ouest de la Tunisie, embauchés pour la récolte estivale des figues, pendant une journée. Un travail saisonnier qui leur permet de gagner un peu d'argent afin de financer leurs études, les mariages, ou tout simplement aider financièrement leurs familles.

Tourné dans le dialecte local du nord-ouest tunisien, le film présente un microcosme intergénérationnel de la société tunisienne où la beauté et l'abondance sont ternies par l'étouffement et le manque d'opportunités que la jeunesse peut subir.
Le propos est servi par une grande maîtrise de la forme : des gros plans très serrés sur les visages, un cadre strict qui maintient la focale sur les regards, les expressions et la parole des protagonistes. La caméra ne prend jamais de hauteur ni ne s'attarde sur des sujets de contemplation. Tout se passe dans l'interaction entre les personnages, sous cette canopée de figuiers, arbre symbolique par
excellence.

Un chef d'oeuvre sensible d'une grande justesse

Petit arbre originaire du pourtour méditerranéen au tronc tortueux et dépassant rarement les quatre mètres de haut, le figuier donne des fleurs mâles et femelles appelées figues. Seules les fleurs femelles sont comestibles. Peu exigeant en eau, il est robuste, résistant à la chaleur ainsi qu'au froid et peut produire très longtemps.
Une autre de ses particularités est que le latex de ses feuilles et de ses tiges contient des substances photo-sensibilisantes pouvant provoquer des inflammations voire des brûlures de la peau, parfois sérieuses. Une métaphore parfaite pour mettre en lumière les discours des femmes dans leurs velléités émancipatrices pleines de joie, ainsi que le coeur battant d'une jeunesse tunisienne avide de liberté et d'amours depuis le soulèvement de 2011, baptisé la "Révolution du Jasmin".

La mise en scène épurée et précise magnifie des acteurs et des actrices amatrices d'une justesse époustouflante. L'intimité des personnages se déploie jusqu'à nos coeurs en passant par le bruit des cagettes, le souffle du vent, le chant des oiseaux, le craquement des branches, la discrète symphonie des feuilles et le délicieux "crac" de la figue qui se laisse cueillir.
Rythmée par une musique composée par le grand Amine Bouhafa, chaque seconde de cet espace-temps du quotidien compte. Cette journée de travail, même si elle est destinée à se répéter, est filmée comme un présent absolu, unique, digne des fresques sociales les plus authentiques.
Presque tous les sujets y sont discutés : géopolitique, mépris culturel, libération des femmes, poids devenu ridicule de la religion, exacerbation des sentiments, amours contrariés, labeur…

Ancré dans la terre, ce huis clos est une fenêtre universelle sur nos émotions, nourri par le désir de la réalisatrice d'inscrire la voix et les corps de ces travailleuses, travailleurs invisibilisés dans la mémoire cinématographique mondiale.

Sidney Cadot-Sambosi

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