AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
LES RASCALS. Sang pour sang dans les bandes parisiennes
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 13/01/2023
Michel Amarger, Rédacteur (Paris) à Africiné Magazine
Michel Amarger, Rédacteur (Paris) à Africiné Magazine
Jimmy LAPORAL-TRÉSOR, réalisateur français
Jimmy LAPORAL-TRÉSOR, réalisateur français
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
Scène du film
L'acteur Jonathan FELTRE (Rudy)
L'acteur Jonathan FELTRE (Rudy)

LM Fiction de Jimmy Laporal-Trésor, France, 2022
Sortie France : 11 janvier 2023

Les cinéastes français préfèrent filmer les accrochages de bandes en banlieue plutôt que dans la capitale. Hormis de rares exceptions comme Un Français de Diastème, 2015, Paris est peu abordé comme une scène de violences, de frictions où les skinheads et l'extrême droite accaparent le terrain sur fond de racisme. C'est pourtant ce que traite Jimmy Laporal-Trésor avec son premier long-métrage, Les Rascals, 2022. Une fiction ambitieuse qui cherche à combiner spectacle et réflexion.
Le réalisateur, né en métropole d'une famille guadeloupéenne, a grandi aux abords de Paris avant d'y étudier la médecine puis la communication, et de se lancer dans l'écriture de films courts. Il passe à la réalisation avec Le Baiser, 2013, et Soldat noir qui lui vaut le César du court-métrage 2022. L'histoire de ce dernier, centrée sur un Antillais qui se radicalise pour contrer le racisme des années 80, en chassant les skinheads, préfigure celle proposée dans Les Rascals, écrit et préparé dans la foulée.



Le récit s'ouvre en 1977, quand Rudy, jeune Antillais, et un jeune Arabe qui s'opposent, font front commun contre une bande de droite dont le leader tabasse l'un d'eux. En 1984, le jeune Arabe qui se fait appeler Rico, anime la bande des Rascals avec Rudy. Chez un disquaire, il retrouve son agresseur et se venge. Frédérique, la sœur de ce dernier, qui a tout vu, s'indigne qu'il ne veuille pas dénoncer les Rascals.
Cette étudiante se rapproche alors de Adam, un étudiant activiste de droite, qui appuie la montée du Front National en le trouvant trop modéré. Séduite par Adam, Frédérique assiste aux réunions et aux expéditions punitives de l'extrême droite. Et Rudy, l'Antillais de la bande des Rascals, menacée de représailles par les sbires de Adam, se débat avec sa famille. La vengeance s'oriente vers un combat raciste où les proies ne sont pas aidées par la police. Le sang coule.



Le film brasse avec énergie, l'évocation des années 80 à Paris, la rivalité des bandes entre Rascals, skinheads, Antillais, gangs d'extrême droite ascendante. Le récit qui démarre sur les déambulations des Rascals, se concentre sur la relation entre Adam, le fasciste, et Frédérique, l'étudiante au frère battu. "Ce sont des jeunes qui étudient dans de bonnes universités. Il y a même une histoire romantique entre Frédérique et Adam", commente Jimmy Laporal-Trésor. "On plonge petit à petit dans l'enfer, avec eux." Mais le souci d'éviter la schématisation sans juger, anime le cinéaste.
Il expose la tension de Frédérique. "On réalise petit à petit qu'elle nourrit de la haine et a décidé de riposter. Le cycle de la vengeance ne donne jamais rien de bon", souligne le cinéaste, pointant la violence sociale ambiante : "Leur alchimie amoureuse devait provoquer une fascination morbide. Certaines scènes ont d'ailleurs été spécifiquement écrites pour provoquer un sentiment d'extrême malaise."

Les Rascals propose ainsi une image morcelée de l'extrême droite où des tendances s'affrontent. "C'est une nébuleuse de plusieurs petits partis plus ou moins radicaux, plus ou moins nationalistes, plus ou moins révolutionnaires. En fonction du groupe, l'activisme est plus ou moins organisé, structuré ou violent", observe Jimmy Laporal-Trésor qui s'est appuyé sur des études, des témoignages, des journaux pour documenter le scénario écrit avec Sébastien Birchler et Virak Thun.
Mais l'intrigue est aussi alimentée par les origines du cinéaste qui valorise Rudy, le jeune des Rascals, en butte avec sa mère qui a déjà son aîné en prison et son cadet qui se rebelle. En le suivant dans le cadre de sa famille guadeloupéenne, le réalisateur semble réhabiliter l'humanité des siens, confrontés aux problèmes du quotidien : "La représentation est une problématique importante pour moi, notamment la représentation de l'homme noir dans le cinéma. En France, il est souvent utilisé de manière stéréotypée, dans des rôles très secondaires. Quant aux personnages antillais, ils sont généralement là pour divertir."



Ainsi le créole s'entend avec l'argot, le Louchébem que pratique les Rascals. Ils sont habillés façon rock des années 50, d'autres personnages avec un look plus tapageur des années 80, tranchent sur les ambiances de la capitale. "J'avais envie de ce Paris coupe-gorge, avec des couleurs radicales qui ont du sens", explique le réalisateur, secondé par son opérateur Romain Carcanade. Ils multiplient les mouvements de caméra, en privilégiant des plans séquences tendus. "J'avais une ambition formelle", admet le cinéaste. "J'avais envie d'un film libre, rock'n roll."
Appuyé par une production solide qui a pu intéresser des chaînes de télé installées, participant au financement, Les Rascals révèle de nouveaux comédiens, bien entraînés par le réalisateur. Un peu chargé par le désir de combiner plusieurs sujets, Jimmy Laporal-Trésor assure : "Ce que le film montre, c'est qu'il y a des personnes qui manipulent les frustrations et les colères et les transforment en armes politiques." Affirmation teintée d'une couleur personnelle.

Vu par Michel AMARGER (Afrimages / Médias France), pour Africiné Magazine

Films liés
Artistes liés
Structures liées