AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 008 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
MASSOUD ! Les missionnaires d'Allah ?
Un film de Emmanuel R. Mbaidé (Tchad)
critique
rédigé par Flora Christelle Guéguéré
publié le 02/02/2023
Flora Christelle GUÉGUÉRÉ, Rédactrice (Ouaga) à AFRICINÉ MAGAZINE
Flora Christelle GUÉGUÉRÉ, Rédactrice (Ouaga) à AFRICINÉ MAGAZINE
Emmanuel ROTOUBAM MBAÏDÉ, réalisateur tchadien
Emmanuel ROTOUBAM MBAÏDÉ, réalisateur tchadien

Emmanuel ROTOUBAM MBAÏDÉ, jeune cinéaste tchadien, a réalisé en octobre 2021 Massoud !, un long métrage de fiction de 100 minutes. Ce film a remporté le grand prix du meilleur film fiction catégorie internationale au Festival International du Cinéma et de l'Audiovisuel du Burundi (FESTICAB). Il a aussi reçu la mention spéciale du jury au Festival International du Film de Zanzibar (ZIFF) en 2022.

Massoud !, c'est l'histoire d'un étudiant, fils d'un imam, qui rend visite à ses parents en campagne, précisément à Gamdjo. Ce village est sous l'emprise de Abdoulaye, un chef terroriste connu en tant qu'entrepreneur. Le jeune homme dont le prénom est Massoud est en fait un pseudonyme en référence à l'Afghan Ahmed Chah Massoud plus connu sous l'appellation Commandant Massoud dont il partage les convictions, finit par rejoindre le groupe armé terroriste d'Abdoulaye. Mais Massoud se voit confier la mission d'éliminer un imam dit tolérant qui n'est autre que son père.



D'un point de vue discursif, le film traite d'un sujet très délicat. La religion y est indexée comme étant la base du terrorisme car les terroristes disent agir au nom d'Allah. Rotoubam Mbaidé attribue ainsi des propos déconcertants à Abdoulaye, le chef terroriste. Il lui fait dire : "Si ton bras droit t'empêche de t'approcher de la parole, débarrasse-toi de lui".
Mais, comme pour d'adoucir les choses, le réalisateur attribue à ses personnages des propos susceptibles de susciter la sympathie des spectateurs. En témoignent les supplications (en langue dioula) d'une mère inconsolable, comme beaucoup d'autres, dont le fils a été arrêté par l'armée pour une enquête. Elle crie "Pardonnez, pardonnez, ne tuez pas nos enfants ils ne sont pas des semeurs de trouble".

À la sensibilité du sujet de cette œuvre filmique, l'auteur ajoute un autre choix, tout aussi osé. Il attribue un genre au terrorisme. Pour lui, tous les terroristes sont des hommes. Aucune femme n'est dans le groupe des terroristes. Même dans le service de renseignement, elles sont absentes. Par extension, les non-terroristes semblent perçus comme des femmes. Le réalisateur crée ainsi une opposition hommes-femmes qui laisse voir, d'un côté, des hommes (terroristes armés) et de l'autre côté des femmes (population désarmée). Les hommes armés exercent un pouvoir sur la population qui ne sait à quel saint se vouer.
Le cinéaste introduit une seconde opposition d'ordre générationnel. La majorité des terroristes présentés sont des jeunes. Ceux-ci sont opposés aux enfants et aux personnes du troisième âge. Cet état de fait montre que le terrorisme est un phénomène qui demande une certaine vivacité, un effort physique considérable. Les séances d'entraînements en sont une illustration.

D'un point de vue technique, l'éclairage est fluide. On peut percevoir, aisément, les moments du jour, le matin, le soir et la nuit. Le décor, très réussi, nous plonge dans l'univers du film qui transporte le public et lui fait vivre les scènes comme étant présent sur les lieux du déroulement. De plus, l'assemblage des différents types de plans (gros plan, plan américain, plan d'ensemble, …) met en exergue les personnages et permet de mieux comprendre le message du réalisateur. Les personnages filmés en contre-plongée et en plongée établissent des rapports de force, de domination, d'impuissance et de faiblesse. Tous ces aspects concourent à mieux élucider le sens du film. La sensibilité des scènes entraîne forcément de l'émoi et une compassion chez le public.

Massoud ! est un film à caractère sensible qui traite de l'extrémisme violent dans un environnement sahélien et montagneux. Il décrit une crise sociale à travers des scènes hypersensibles qui ne peuvent laisser indifférent. En raison de la délicatesse du thème traité, on peut reprocher au réalisateur d'avoir donné une religion et un sexe au terrorisme. Cette indexation pourrait créer des frustrations et des divergences.
Au-delà de la terreur décrite, l'auteur fait une sensibilisation de la jeunesse tout en posant le problème de sa participation à l'édification d'une nation. C'est également un message d'amour pour sa famille et son prochain qui est mis en exergue parce que l'amour est le seul gage d'une vie sociale paisible et épanouie.

Flora Christelle GUÉGUÉRÉ

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés