Le Red Sea Souk est une opportunité de voir se concrétiser bon nombre de projets cinématographiques nourris par de nouveaux talents, qu'ils soient du monde arabe, d'Afrique ou d'Asie.
Madame Myriam Arab est la co-manager depuis juin 2022 de ce rendez-vous entre réalisateurs, producteurs et financiers internationaux. Elle est riche d'expériences emmagasinées lors de ses passages au Festival de Cannes où elle a assuré, de 1990 à 1997, le lien entre l'industrie du cinéma et le festival de Cannes, en qualité de prestataire extérieur, et aussi en tant que directrice des opérations, du marketing et des ventes monde, de 1997 à 2014.
En 2018, elle participe au processus de création du premier pavillon saoudien à Cannes puis du pavillon africain dont elle est la Marraine…
Elle est Directrice de la société de conseils en cinéma, Villa 134, qu'elle a créée il y a quatre ans. Dans cet entretien, elle nous dresse le bilan de ce Red Sea Souk 2022.
Myriam Arab nous livre les tendances dominantes des centaines de projets qui avaient postulé tout en évoquant les perspectives.
"Logiquement, la 3ème édition du Souk devrait…accueillir plus de projets Africains, et c'est une bonne nouvelle !"
Le cinéma n'est pas qu'images, caméras et réalisateurs derrière. Différents métiers, tous importants les uns que les autres, gravitent autour de cet art de l'image et des histoires qu'il porte. Le management y joue un rôle important quant à l'économie et les relations clients qu'il favorise. C'est ce travail foncièrement utile que fait Mme Myriam Arab dont l'expérience par son parcours indique clairement l'apport qu'elle a apporté, en tant que Co-manager, à l'organisation et à la réussite de la deuxième édition du Red Sea Souk dans le cadre du Red Sea International Film Festival (1er - 10 décembre 2022 à Djeddah). Elle nous livre dans cet entretien les détails instructifs sur ce temps de mise en relation entre talents et industrie du cinéma.
Africiné : D'abord, qui est Myriam Arab ?
Myriam Arab : Je suis Co-Manager du Red Sea Souk depuis Juin 2022. Je dirige une société de conseil en cinéma, Villa 134, que j'ai créée en 2017. J'étais directrice des opérations, du marketing et des ventes monde au Festival de Cannes de 1997 à 2014 (de 1990 à 1997, j'ai assuré le lien entre l'industrie du cinéma et le Festival de Cannes en qualité de prestataire extérieur). J'ai développé le Marché du film et, en autres, initié la création du Village International. J'étais en charge de la relation avec les acteurs de l'industrie mondiale et les institutions. En 2018, je participe à la création du premier pavillon saoudien à Cannes, puis du Pavillon africain dont je suis la Marraine…
"Saluons parmi les industry guests 94 producteurs, 8 fonds dont pour la première fois le FOPICA (Sénégal), SORFOND (Norvège) et QUMRA (Qatar), 17 agents de ventes et 18 festivals/marchés''
Africiné : Mme Arab, quel bilan faites-vous de cette deuxième édition du Red Sea Souk ?
Myriam ARAB : Les équipes du Red Sea Souk ont fait un travail remarquable pour consolider les fondations de notre plateforme inaugurée l'an dernier et ainsi asseoir la relation avec les talents et l'industrie. Plus de 50 % des professionnels présents cette année venaient pour la première fois à Djeddah. C'est une édition réussie portée par une très belle sélection de projets : 12 projets en développement et 6 projets en post production de réalisateurs africains et arabes.
Les Films de notre sélection 2022 abordent des sujets universels, ils abolissent les frontières créant des ponts entre l'Afrique, le monde arabe, l'Europe et les Etats Unis. Les professionnels présents au Souk du 3 au 6 décembre ont souligné la qualité de la Sélection. Venus de 46 pays, tous ont activement participé aux sessions de "One to One meeting "pour un cumul de plus de 600 rendez-vous sur 3 jours, ce qui est tout à fait exceptionnel !
Précisons que les 11 projets du Red Sea Lodge étaient également présentés aux cotés des projets du Souk. Environ 200 décideurs de l'industrie ont répondu présents à notre invitation créant un dialogue fructueux avec les porteurs de projets en vue de la coproduction et la diffusion de ces films et donc une dynamique forte pendant ces 4 jours de Marché.
Saluons parmi les industry guests 94 producteurs, 8 fonds dont pour la première fois le FOPICA (Sénégal), SORFOND (Norvège) et QUMRA (Qatar), 17 agents de ventes et 18 festivals/marchés dont le Fespaco, Ethiopian international film festival, Locarno, Lisboa doc et Cinefertil (Argentine), Arab film Rotterdam, Oslo Arab Film Days et Institut d'Art Contemporain de Londres (ICA).
Parallèlement aux projets de films, notre programme de conférences et de networking a eu un vif succès : "Red Sea 360°" a réuni 54 panélistes autour de 13 discussions entre professionnels régionaux et internationaux auxquelles l'Afrique était bien évidemment présente avec l'Afrique du Sud et le Sénégal. Nos conférences ont attiré un public moyen de 250 personnes par panel et notre programme de Networking Sessions proposant un parcours du développement à la distribution pour aspirants-réalisateurs, a eu un franc succès pour un total de 398 rendez-vous, avec en moyenne 28 experts aux tables de rendez-vous.
Nous avons donc amplement rempli l'un des objectifs du Souk qui vise à accompagner les jeunes réalisateurs, en proposant des programmes d'éducation et de formation au cinéma.
Nous avons relancé le programme "TALENT DAYS", 2 jours dédiés à l'émergence de jeunes cinéastes saoudiens. Les réalisateurs des courts-métrages internationaux en compétition ont également participé à ce programme d'ateliers et de conférences, avec pour Marraine la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania dont la générosité et la disponibilité pour les participants nous ont enthousiasmés et comblés.
Autour des conférences ouvertes à tous les accrédités (Festival et Souk), 40 jeunes réalisateurs ont ainsi profiter d'expertise et d'un dialogue soutenu avec 5 mentors, tous experts du Cinéma en compléments de rendez-vous pré-organisés pour leur apporter toute la connaissance et la compréhension des mécanismes du cinéma.
Dernier volet du Souk, les exposants dont le nombre à plus que doublé cette année (+125%), avec 40 exposants de dix pays, et pour la première fois un stand Africain initié par le Sénégal qui assure la présidence de l'UEMOA. C'est très important pour nous que les institutions et sociétés africaines du cinéma puissent profiter de la dynamique du Souk et des outils mise à la disposition de l'industrie pour développer leurs réseaux, collaborations et activités.
Enfin le Souk a totalisé 1.351 accrédités, un excellent résultat pour une deuxième année d'existence.
"Les discussions entre les financiers, producteurs et les porteurs de projets sont confidentielles"
Quels ont été les critères mis en avant par les jurys pour faire leurs choix de projets à soutenir à travers le Red Sea Fund ?
Le Red Sea Fund est une entité indépendante du Souk. C'est au sein de la fondation, l'organisme qui finance des films de réalisateurs africains et arabes autour de 4 cycles : 1 pour le développement, 1 pour la production et 2 pour les films en post-production. Le Red Sea Fund n'intervient pas dans la sélection des projets présentés au Souk. Le Red Sea Souk à son propre comité de Sélection.
Les "Red Sea Souk Awards" sont effectivement financé par le Red Sea Fund. Et comme il est de coutume, nos 2 Jurys ("Project Market" et "Work In Progress Showcase") ont fait leur choix dans la confidentialité la plus totale. (voir ci-dessous, la liste des lauréats du Red Sea Souk 2022)
Quelles ont été les exigences des financiers et producteurs venus du monde entier pour accompagner les projets ?
Là encore les discussions entre les financiers, producteurs et les porteurs de projets sont confidentielles, comme vous le savez. Nous aurons d'ici quelques semaines des informations sur les accords initiés ou signés durant les 4 jours de notre "Project Market". Les projets que nous avons présentés étaient à différents stades de développement et certains déjà en production. Bien entendu, tous les producteurs des projets sélectionnés sont à la recherche de financement, y compris les producteurs des 6 films en post-production que nous avons aussi sélectionnés dans le cadre de notre "Work In Progress Showcase (WIP showcase)".
Les négociations autour des films de la sélection 2022 ont démarré avant l'ouverture officielle du Souk et 2 projets ont été acquis pour la distribution arabe : The Burdened de Amr Gamal et Yunan d'Ameer Fahker Eldin, d'autres étaient déjà en lice pour une sélection à Rotterdam ou Berlin avant même que nous n'inaugurions cette seconde édition ; preuve d'une certaine vitalité du Souk et de la qualité de notre sélection.
Pour information, notre travail de sélection a démarré courant juillet et fût annoncée le 8 octobre dernier. J'en profite pour préciser que de nombreux projets de la sélection Souk 2021 ont démarré une jolie carrière dans les festivals tels The Cemetery of Cinema (Au Cimetière de la pellicule) de Thierno Souleymane Diallo (Guinée) présenté à Final Cut Venise 2022 [auparavant sélectionné au Takmil lors des JCC 2021 et récemment nominé à la Berlinale 2023 et au Fespaco 2023, NDLR] et AKASHINGA de Naishe Hasan Nyamubaya (Zimbabwe) sélectionné à L'atelier/Cinéfondation Cannes pour ne citer que les projets africains.
"Nous réfléchissons à des passerelles et collaborations pour soutenir les films africains, hors les murs du Souk et promouvoir nos activités au plus grand nombre"
Quelles ont été les différentes tendances en termes de choix thématiques remarquées dans les différents projets qui ont postulé ?
Cette année, 196 projets ont soumis leur dossier pour notre "Project Market" dont 25 projets africains et 47 films en post-production, pour la sélection "Work In Progress Showcase" dont 6 films africains.
Notre ligne éditoriale a favorisé un cinéma autorial et cinématique [d'auteur, avec une qualité de cinéma, NDLR], documentaire et fiction confondus. Tous les projets portent un regard singulier sur notre monde, l'Humanité, ses douleurs, ses espoirs. Un regard de cinéaste, homme et femme, sans complaisance et vital. Documentaire, Documentaire de Création, Longs-métrages de fiction, Western, Comédie et Drame social ont constitué notre sélection éclectique en genre et en écriture.
Êtes-vous satisfaite de la qualité des projets lors de Red Sea Souk ?
Cela va de soi, nous avons choisi des projets qui nous ont touchés voire bouleversés et que nous voulons voir à l'écran, en salles, partout dans les villes du monde et dans festivals. C'est bien un des objectifs du Souk dans le soutien à la production des films et à leur diffusion à l'international. Nous sommes sur ce point très satisfait de la présence de nombreux distributeurs du monde entier et des responsables des festivals de Venise, Berlin et Locarno, acteur majeur. Bien entendu les festivals Africains et Arabes étaient aussi représentés, comme déjà évoqué plus haut.
On a le sentiment que les projets venus d'Afrique Noire n'ont pas été nombreux à concourir. Est-ce vrai ?
La création des pays africains est bien représentée au sein de la sélection, avec 3 projets africains : I am coming for you de Cyrielle Raingou (Cameroun), "Vagabonds" de Amartei Armar (Ghana) et Where is the Healer de Tebogo Malebogo (Afrique du Sud) et 2 films en post production : Banel et Adama de Ramata-Toulaye Sy (Sénégal) et Jewfro de Jack Markovitz.
Comme précisé plus haut, les producteurs ont soumis 31 projets africains (Projets et WIP confondus). C'est un résultat honorable ! Nous savons que nous devons poursuivre nos efforts de communication pour atteindre les réalisateurs et producteurs de l'ensemble du Continent. C'est la deuxième année du Souk. Nous avons privilégié la relation avec les festivals et réfléchissons à des passerelles et collaborations pour soutenir les films africains, hors les murs du Souk et promouvoir nos activités au plus grand nombre. Il faut être patient. L'Afrique est dans l'ADN de la fondation et nous sommes très attentifs à ses talents. A partir de 2023, le Red Sea Lodge s'ouvre aux projets Africains. Jusqu'à maintenant, cette résidence était réservée aux projets arabes et saoudiens uniquement. Logiquement, la 3ème édition du Souk devrait donc accueillir plus de projets africains, et c'est une bonne nouvelle !
Globalement, quelle est la somme totale déboursée cette année dans l'accompagnement des projets ?
Une partie de notre budget est consacré à l'organisation du Project Market et du WIP Showcase qui nécessite une équipe sur plusieurs mois. L'ensemble des équipes des films sélectionnés sont invités pour 5/6 jours (producteurs et réalisateurs) au même titre que l'industrie, environ 180 personnes. Les participants bénéficient d'un atelier avec un coach pour réaliser un vidéo-clip de présentation pour les films en développement et production, et un atelier de conseils en montage pour les WIP d'une durée de 1 mois chacun.
Le Souk dispose d'infrastructures au sein du Festival qui avait lieu pour la première fois cette année au Ritz Carlton, un ancien Palais Royal situé le long de la Corniche de Djeddah. Un lieu parfaitement adapté aux besoins du Souk : salles de conférences et de réunions, zone d'exposition, Cinéma et espace de convivialité (le Souk Café et le Festival Garden). Le tout, à proximité des Hôtels et des restaurants.
Le Red Sea Fund a consacré une enveloppe de 400 000 dollars US pour les "Souk Awards". Le Loutien de nos partenaires pour les Souk Awards en cash et en service (post-prodution) a représenté respectivement une enveloppe de 430 000 dollars USD, avec notamment un apport de 3 prix en numéraires de la part du partenaire historique du Festival, MBC Academy/Shahid d'une valeur de 230 000 dollars Us et 126 000 dollars us pour la valeur des prix techniques.
Est-ce que l'enveloppe du Red Sea Fund va augmenter au fur et à mesure que le Festival va grandir ?
J'avoue que je n'ai pas la réponse ; il faudrait interroger les dirigeants de la Fondation qui chapeaute le Red Sea Fund et le Festival.
Est-il prévu une innovation du Red Sea Souk pour l'édition 2023 ?
Le Red Sea Souk est une innovation à double titre : il a 2 ans et c'est une nouveauté que d'avoir une plateforme de ce type dédié au Cinéma dans la région et basée en Arabie Saoudite. Nous allons poursuivre nos efforts et capitaliser sur nos réussites ; nous avons beaucoup à accomplir pas à pas. Rendez-vous en 2023 !
Entretien réalisé par
Bassirou NIANG
Les lauréats du Red Sea Souk 2022 sont les suivants :
Red Sea Souk Work-In-Progress Award (35 000 Dollars US)
Vainqueur : The Mother of All Lies, de Asmae El Moudir (Maroc)
Red Sea Souk Special Jury Prize Development Award (35 000 Dollars US)
Vainqueur : Trip to Jerusalem, de Gaby Zarazir et Michel Zarazir (Liban)
Red Sea Souk Development Award (35 000 Dollars US)
Vainqueur : Wolfmother, de Ismael El Iraki (Maroc)
Red Sea Souk Production Award (100 000 Dollars US)
Vainqueur : Vagabonds, de Amartei Armar (Ghana)
Red Sea Lodge Award for an Arab Project (100 000 Dollars US)
Vainqueur : Aisha Can't Fly Away Anymore, de Morad Mostafa (Egypte)
Red Sea Lodge Award for a Saudi Project de 100,000 USD
Vainqueur : Scapegoat, de Feras Almusharrie (Arabie Saoudite)
Liste des Souk Partners Awards "en nature et en espèces" :
https://redseafilmfest.com/en/red-sea-souk-awards/
