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Interview avec Josza ANJEMBE, réalisatrice camerounaise
"J'ai décidé de raconter mes propres histoires, avec mon propre point de vue."
critique
rédigé par Martial Ebenezer Nguéa
publié le 23/02/2023
Josza Enjambe, réalisatrice française et camerounaise © Manu Dorlis, pour Quartiers Lointains
Josza Enjambe, réalisatrice française et camerounaise © Manu Dorlis, pour Quartiers Lointains
Martial NGUÉA (Yaoundé), Rédacteur à Africiné Magazine
Martial NGUÉA (Yaoundé), Rédacteur à Africiné Magazine
BALTRINGUE, 2018
BALTRINGUE, 2018
Scène du film documentaire MASSAGE À LA CAMEROUNAISE (2011)
Scène du film documentaire MASSAGE À LA CAMEROUNAISE (2011)
Scène du film MASSAGE À LA CAMEROUNAISE (2011)
Scène du film MASSAGE À LA CAMEROUNAISE (2011)

Josza Anjembé, née en 1982 à Paris, est une réalisatrice française d'origine camerounaise, documentariste, scénariste et journaliste.

Après une belle carrière de journaliste dans les médias français et panafricains, elle décide de se lancer dans une carrière de réalisatrice au cinéma. Josza ANJEMBE est un grand talent dont les œuvres ont été présents à plusieurs rendez-vous majeurs du cinéma mondial ; notamment la prestigieuse cérémonie des Césars du cinéma en France. Le Bleu Blanc Rouge de mes cheveux qui interroge sur cette quête identité est sélectionné pour l'édition 2018 des César. En 2021, Baltringue (2019), son second film court connaît le même parcours, sélection officielle César 2021.

Préoccupée par plusieurs sujets, la question de l'intégration des africains est au centre de son débat non pas comme un combat mais un débat permanent sur cette question et de l'identité des immigrés africains en France. En 2022, elle intègre le jury des LFC Awards (Le Film Camerounais Awards), une prestigieuse cérémonie de distinction des films camerounais et africains, mise sur par la réalisatrice camerounaise Françoise ELLONG-GOMEZ. Elle a commencé à travailler sur son premier un long métrage fiction (A moi aussi ça fait mal). ENTRETIEN

Concrètement, qui est Josza Anjembe ?

Je suis une femme de 41 ans, née en France de parents camerounais. Je suis aussi plein d'autres choses, mais la liste est longue !

Après plusieurs années de pratique du journalisme, vous avez décidé de vous lancer au cinéma. Qu'est-ce qui vous a décidé de faire du cinéma ?

Je n'ai pas fait d'études de cinéma. D'ailleurs, enfant comme jeune adulte je n'y allais pas, par manque de moyens et parce que le cinéma n'était ni une option ni ma préoccupation. Mais ce que j'ai toujours aimé, c'est de raconter des histoires. C'est comme ça que je suis arrivée au journalisme. Mais après plusieurs années de pratique, j'ai décidé de raconter mes propres histoires, avec mon propre point de vue. C'est comme ça, par hasard, que je rencontre le cinéma et la puissance des récits qu'il permet de faire advenir.
Ayant pratiqué le journalisme, j'ai une conscience aigüe du privilège que j'ai de pouvoir faire des films et de m'adresser à de larges publics. C'est une responsabilité que je prends très au sérieux et qui implique une exigence esthétique, un engagement politique et intellectuel en effet.



Votre premier film de fiction, intitulé Bleu blanc rouge de mes cheveux, réunit des symboles forts qui évoquent la question de l'intégration en France. Si vous en parliez un plus en profondeur ? Quelle aura été la véritable raison de cette écriture ?

Je suis une femme "noire" qui évolue dans un contexte où cette identité est sans cesse mise à l'épreuve. Et c'est cette mise à l'épreuve qui a été l'élément déclencheur de ma volonté de faire du cinéma. À l'époque, c'était inconscient. J'exprimais une forme de lassitude face au racisme que je pouvais vivre ici et là.

Ce film a été sélectionné pour la cérémonie des Oscars.

Il a été short-listé mais n'a pas atteint le stade des cinq films retenus pour concourir.

Votre deuxième court métrage Baltringue (2019) a des relents autobiographiques. Est-ce véritablement un aspect pris en compte dans votre écriture ?

Tous mes films ont des relents autobiographiques et tous évoquent la question des droits humains, quels qu'ils soient. Plus largement, ce que j'aime explorer, c'est la question du rapport de force entre les dominants et les dominé.es, et de voir comment ce dernier peut être renversé. C'est une question de dignité.

Faut-il comprendre que vous aussi avez souffert des affres des jeunes des enfants issus des parents migrants ? Ou encore vous continuez de payer le prix de cette question de la double nationalité voire d'une certaine intégration ?

Je ne peux pas répondre au nom de toutes ces personnes. Je ne peux que parler de mon expérience. J'ai grandi dans un pays où être noir.e est un problème. Tout l'enjeu pour moi - et ça a pris des années - était de comprendre que ce problème n'est pas le mien, de m'en émanciper et de faire de toutes mes identités une fierté.



Après ces propositions dans les courts métrages, est-à dire que vous êtes sur le chemin d'un long métrage ?

Oui. Je suis sur ce chemin. Ce n'est pas une question de court ou de long. Un film est un film. Il se trouve simplement que ce que je souhaite développer s'inscrit dans une narration plus longue.

Le cinéma africain brille de plus en plus avec l'apport de sa diaspora. Où vous situez-vous dans ce combat ? est-ce une préoccupation pour vous ?

Je pense que les moyens ne sont pas les mêmes pour tout le monde et sur tous les territoires. En étant en France, je suis très consciente que je bénéficie d'un système et d'une industrie qui me permettent d'avoir accès à plus d'opportunités, ne serait-ce que pour le financement des films par exemple. Et en même temps, de manière globale, je ne fais pas partie, ni des privilégiés, ni de ceux qui ont le plus d'opportunités.

À mon échelle, mon combat se situe donc à deux niveaux :
1 / Me tenir informée de ce qui se fait sur le continent et par mes confrères et consoeurs de la diaspora.
2 / Soutenir, à tous les endroits ceux qui font, osent et tentent, sans jamais me substituer à qui que ce quoi et sans nier les réalités de chacun.

Vous participez depuis l'année 2022 au jury des LFC Awards. Comment trouvez-vous les films ? Et comment avez-vous vécu cette première expérience sur le continent ?

C'est la première édition à laquelle je participe. Je n'ai pas d'éléments de comparaison pour pouvoir mesurer les diverses évolutions des dernières années. Ce que je note, et c'est valable pour chaque film que j'ai vu, c'est qu'il y a une réelle détermination, une véritable envie et une grande sincérité dans un contexte rien n'est simple.

Concernant ma participation au jury, c'était très enrichissant à plein de niveaux. J'ai pris conscience de certaines réalités que j'ignorais et ai rencontré de très belles personnes. Mais dans l'ensemble, je suis très honorée de contribuer même un peu à ce mouvement qui consiste à valoriser les cinémas camerounais et africains. Et cela va dans les deux sens : je donne ce que je peux donner et apprends de celles et ceux qui font les LFC. C'est en cela que je prends l'invitation de Françoise Ellong à participer aux LFC : c'est une collaboration, un échange qui est nécessaire pour tous.

Plusieurs initiatives comme celle-là se multiplient sur le continent. Quel est votre regard ?

Je ne peux que me satisfaire de ces initiatives puisque l'enjeu est de faire grandir et de valoriser "nos" cinémas.

Avez-vous également des projets pour le continent africain ?

J'y réfléchis beaucoup ces derniers temps, parce que qu'on le veuille ou non, mon histoire commence sur le continent. Mais il ne s'agit pas d'arriver avec mes gros sabots, faire où d'imposer mon regard et de faire comme s'il n'y avait pas une histoire, un savoir et des énergies sur le continent, comme certains le font. Alors, pour l'instant, j'observe, j'apprends et le reste viendra.



A quand votre prochain film ?

Seuls les dieux du cinéma savent !

Entretien mené par
Martial Ebenezer NGUEA, Cinepress -Cameroun

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