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73° FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE BERLIN (16-25 février)
Sira et son destin
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 27/02/2023
Azzedine MABROUKI, Rédacteur (Oran) à Africiné Magazine
Azzedine MABROUKI, Rédacteur (Oran) à Africiné Magazine

Drapée de sa melhfa de couleurs vives, pieds nus sur le sable, Sira court vers son destin. Sira, jeune femme peulhe (jouée par l'actrice burkinabée Nafissatou Cissé), a de la volonté et du courage à revendre. Elle et ses proches ont subi une attaque de milices armées dans le désert du Burkina. Sira, enlevée et laissée pour morte, parvient à se sauver et découvre au bout d'une marche interminable le campement des groupes terroristes. Parvenue sur les lieux, l'armée parvient à mettre ces criminels hors d'état de nuire.
Montré dans la section Panorama, le long métrage fiction d'Apolline Traoré remporte le Prix du public du festival de Berlin. Sira est un travail d'écriture et de mise en scène audacieux, une épopée frénétique, avec des images et des acteurs remarquables. Le film tourné a été dans le désert de Mauritanie, faute de pouvoir le faire au Burkina, pays de la réalisatrice.
Ce n'est pas le premier film d'Apolline Traoré. Après des études à Boston et des essais documentaires à Los Angeles, Apolline est revenue à Ouaga pour tourner pour la télévision et le cinéma : Le Testament (2008), Moi Zaphira (2012), Frontières (2017), Desrances (2019), enfin Sira (2023).



C'est l'histoire bouleversante d'une jeune nomade peule qui prépare son mariage et doit rejoindre le village où l'attend son futur mari. On voit d'abord les scènes joyeuses des préparatifs du mariage : robes, bijoux, coiffures, maquillages, conseils des amies moins jeunes sur ce qu'il faut faire ou ne pas faire la nuit de noce, scènes chaleureuses, féminines, parfois trés osées...Et soudain, le drame arrive. Pillage, meurtres, vol de troupeaux, Sira enlevée et abandonnée pour morte.
Sira se relève, court dans le désert et parvient à donner le signal du lieu des criminels. On croit à cette histoire de bout en bout. C'est un film d'espoir. Apolline Traoré montre que les milices sanguinaires sont des traitres à l'Islam, des voyous vulgaires et corrompus.

Le festival de Berlin est de retour à la normale après le Covid. Carlo Chatrian, directeur artistique, a programmé 400 films et sélectionné 18 films pour la course à l'Ours d'Or. Cette année, un jury présidé par l'actrice américaine Kristen Stewart a remis l'Ours d'Or à Nicolas Philibert, pour son film documentaire tourné à Paris : Sur L'Adamant. Une plongée dans une péniche ancrée dans la Seine en plein centre de Paris qui fait office de clinique de soins psychiatriques. Un documentaire saisissant qui permet de tout savoir sur les nouvelles méthodes de la psychiatrie.
L'Ours d'Or va donner à ce film documentaire français une résonnance mondiale, alors que depuis toujours la fiction règne sur les prix et les compétitions.

Le jury de la Berlinale a oublié pourtant d'autres productions admirablement mises en scène, à commencer par Totem de la Mexicaine Lila Aviles. Une très belle réflexion sur la vie, la famille, la mort à travers le regard d'une enfant de 11 ans (superbe jeune actrice Naima Sentis, probablement d'origine syrienne).
On prépare la fête d'anniversaire d'un peintre. Fête et tristesse à la fois car les jours de l'artiste sont comptés. Mais une fête tout de même, à la Mexicaine, joyeux chaos et exubérance, embrassades et pleurs à gogo. C'est une unique journée où la jeune héroïne cherche à voir son père, ne sachant pas qu'après la fête c'est le deuil qui se prépare. Cette œuvre mexicaine dégage une incroyable puissance de vie, de joie et de tourments. Le spectateur est entrainé dans un tourbillon d'images, de paroles, de chants, de musique, de rires, de pleurs. On n'oublie pas de sitôt le beau travail de Lila Aviles en sortant du Berlinale Palast.

Philippe Garrel a décroché l'Ours d'Argent pour son film Le Grand Chariot. Il a dédié son prix à Jean-Luc Godard. Il a filmé ses enfants qui fabriquent des marionnettes et font des tournées de spectacles. Une vive émotion se dégage de cette histoire quand l'aventure de la petite troupe sent sa fin prochaine : manque de moyens, faute de public, changement de temps. Le message du film est clair : les artistes sont des êtres fragiles, la vie est dure, elle cogne trop fort…



Rabah Ameur Zaimèche a montré Le Gang des Bois du Temple au Delphi Palast dans le cadre du Forum de la Berlinale. Un vrai polar mais très drôle, braquage, poursuite…Une bande loufoque de petits gangsters d'un lieu situé à Clichy-sous-Bois dans la banlieue de Paris cherche à braquer le convoi d'un roi arabe du Golfe, de passage dans cet endroit insolite, qui n'est pas les Champs Elysées. Tout va de travers. Un western à la manière d'un autre film de RAZ : Wesh Wesh qu'est ce qui se passe ? RAZ est un habitué de la Berlinale où il a déjà présenté son pur chef d'œuvre : Histoire de Judas, tourné à Biskra, Lambèse, El Kantara et Roufi.

Un beau film coréen, oublié du palmarès, celui de Céline Song : Past Lives. Grâce à Internet, deux amoureux se retrouvent des années plus tard. Deux enfants de Séoul, fille et garçon de 11 ans à peine, dans la même classe. Aujourd'hui, à 30 ans et quelques, la femme vit à New York, mariée à un écrivain américain, elle-même scénariste. Son ex ami n'a pas émigré. Il demeure et travaille en Corée. Céline Song dit c'est une histoire basée sur sa propre vie. Elle a réussi à en faire un film ravissant :mise en scène, images, interprètes, dialogues. Les images de New York ressemblent aux films de Woody Allen.

Le film australien The Survival of Kindness de Rolf de Heer a laissé les journalistes très perplexes. De quoi s'agit-il ? Un mystère absolu règne dans les longues séquences du début du film où une femme aborigène est enfermée dans une cage de fer au milieu de nulle part du désert de Tasmanie. Le film est quasiment muet et au fil des images très dures, très brutales, on se demande si une guerre atroce est passée par là. La femme brise ses liens et ressort libre. Mais c'est pour découvrir la répression blanche, toute l'horreur du monde. Alors elle retourne dans sa cage pour mourir. Une histoire éprouvante, inhumaine, on sort de là anéanti.

Le film chinois de deux heures, passablement ennuyeux mais filmé dans le vieux Pékin avec brio : The Shadowless Tower de Zhang Lu. Sujet intéressant sur le culte des ancêtres. Ou comment un Pékinois tente de retrouver les traces de son père et de ses liens familiaux. Journaliste, divorcé, prenant soin de sa petite fille, et vivant chez sa sœur. Il rencontre une très jeune et mystérieuse photographe grâce à laquelle il retrouve finalement son vieux père. Le film est donc filmé à Pékin, drôle de ville où on circule tout le temps, à vélo, en train, en bus, en voiture, à pied…Car Pékin, c'est aussi le sujet de ce film plein de mélancolie, de tristesse et de solitude.

Azzedine Mabrouki

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