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XALÉ, LES BLESSURES DE L'ENFANCE, de Moussa Sene Absa
Un mélodrame sur la violence et la justice sociale
critique
rédigé par Pierre Patrick Touko
publié le 13/03/2023
Moussa SÈNE Absa, réalisateur sénégalais
Moussa SÈNE Absa, réalisateur sénégalais
Scène du film
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Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec les actrices Rokhaya Niang ("Fatou") et Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec les actrices Rokhaya Niang ("Fatou") et Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")
Coulisses du tournage, avec l'actrice Nguissaly Barry ("Awa")

De prime abord, le titre de ce film n'a aucune explication notoire pour quelqu'un qui ne sait pas que, c'est un film sénégalais, s'il n'y avait pas la phrase qui accompagne le titre : les blessures de l'enfance. En 101 minutes, le réalisateur Moussa Séne Absa plonge le cinéphile dans une image d'ouverture forte évocatrice. Un gros plan sur la lèvre d'une femme, mettant du rouge à lèvres de manière enragée. On peut lire cela comme un appel au danger. Ce sont des signes énonciateurs qui vont se confirmer lors du déroulé du film.

C'est l'histoire d'Awa, une jeune adolescente violée par Atoumane qui n'est autre que l'ex-fiancé de sa sœur ainée. Cette dernière a rejeté Atoumane pour un autre, parce qu'elle ne l'aimait pas. Le violeur quitte le village suite au verdict du tribunal coutumier qui l'exclut du village pour une durée de 10 ans.
Après la palabre du tribunal coutumier, il est hué par les villageois d'avoir commis un acte odieux et chassé, car on peut voir comment il est lapidé avec des chaussures de plusieurs marques. Le viol n'est pas sans conséquence immédiate, encore plus quand Atoumane revient dans son village après son exil en Allemagne comme chauffeur taxi.



Ce film a beaucoup de rebondissements. On sent que, la gente féminine réclame sa place dans une société où le patriarcal ne cesse de s'imposer et la femme mise au second plan. On se croirait dans une comédie musicale En effet, il y a des chanteuses et chanteurs (habillées en rouge et blanc) évoluant autour des protagonistes soit, en les jugeant, soit en les moralisant ou tout simplement en les chahutant. Des séquences pareilles sont multipliées dans le film. C'est une espèce de mélodrame qui vient attirer l'attention du public sur une nouvelle façon de réaliser les films à l'Africaine. On dirait une copie diluée du film L'Avocat du diable (The Devil's Advocate) du réalisateur américain Taylor Hackford sorti en 1997 ; sur le plan de la construction de l'histoire. En effet, la fin du film nous est montrée, avant même qu'il ne soit achevé.

Cette technique plonge le cinéphile dans une espèce de remise en questions et de curiosités. Par ailleurs, le sang versé et les injustices qui minent la société sont mis en relation. Le réalisateur nous le montre via des images bien cadrées, des gros plans pour exprimer la stupeur de l'actrice principale, Awa, appuyée d'une bande sonore originale qui a l'air de venir de loin dans une cadence on ne peut plus réaliste. Les lumières dévoilent clairement un travail pointu de la direction photo du film. Le jeu d'acteurs dans ce film est porté par Awa qui crève l'écran par l'évolution de son personnage qu'on trouve assez abouti de par ses expressions, son tact et surtout son rôle à la fois de fille naïve qui va évoluer en rebelle.

La dépravation sexuelle est montrée ici avec beaucoup de pudeur mais explique l'état d'esprit quand la revanche nous tenaille. Le sort d'Atoumane vient ici poser la problématique de la justice sociale, des droits de la gente féminine, des sévices subis malgré la sanction qui semble ne pas être à la hauteur de la victime.
Devrions-nous alors nous faire justice ? Qu'est-ce que le réalisateur veut démontrer ? Est-ce une rétrospection de la lutte des classes, des genres ou juste une interpellation sur l'esprit de la loi du plus fort sur le plus faible lorsque le moment est approprié ?

En définitive, ce film nous interpelle tous, lorsqu'on voit comment la recrudescence du pouvoir masculin continue de minorer le pouvoir féminin qui, sans doute, contribue à sa manière pour un monde sans violence. Mais lorsque c'est la femme qui se rend justice en estimant qu'elle est victime, comment est-ce que cette situation doit être réglée ? Nos jugements personnels sauveront-ils cet état de chose lorsqu'on sait que les points de vue restent et demeurent subjectif ? C'est en langue wolove (majoritairement parlée au Sénégal) que le film est tourné, puis sous-titré en français.

C'est un signal identitaire sur la nationalité du film et la valorisation de la culture par la langue qui est un gage de souveraineté à ne pas négliger.

Pierre Patrick TOUKO (Cameroun)

Article paru dans Africiné Magazine, No1, Jeudi 02 mars 2023, page 03 /// 28è FESPACO

Ce magazine est publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC / AFFC, Dakar).
Avec le soutien du Fespaco (Burkina Faso), Ascric-B (Burkina Faso), ISIS (Burkina Faso)

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