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AIWFF 2023 - Festival du Film de la Femme d'Assouan : Salma Baccar, honorée
La réalisatrice tunisienne raconte comment elle fait ses castings et choisit ses acteurs
critique
rédigé par Neïla Driss
publié le 17/03/2023
Neïla DRISS, Rédactrice (Tunis) à AFRICINÉ MAGAZINE
Neïla DRISS, Rédactrice (Tunis) à AFRICINÉ MAGAZINE
La réalisatrice tunisienne Salma Baccar et le réalisateur et producteur égyptien Sherif Mandhour, lors de l'atelier de casting, à AIWFF 2023
La réalisatrice tunisienne Salma Baccar et le réalisateur et producteur égyptien Sherif Mandhour, lors de l'atelier de casting, à AIWFF 2023
Néjib Belkadhi et Souad Amidou dans le film "Habiba Msika, la danse du feu" (1994)
Néjib Belkadhi et Souad Amidou dans le film "Habiba Msika, la danse du feu" (1994)
Les actrices Sawsen Maalej et Rabia Ben Abdallah dans le film "Khochkhach, Fleur d'oubli"
Les actrices Sawsen Maalej et Rabia Ben Abdallah dans le film "Khochkhach, Fleur d'oubli"
L'actrice égyptienne Maryhan, dans le film "Cairo Exit"
L'actrice égyptienne Maryhan, dans le film "Cairo Exit"
Scène du film "Cairo Exit", avec Maryhan Magdi, actrice égyptienne
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Affiche du 7e Festival international du film de femmes d'Assouan (AIWFF 2023, Egypte)
Affiche du 7e Festival international du film de femmes d'Assouan (AIWFF 2023, Egypte)
Neïla DRISS, avec la réalisatrice tunisienne Salma Baccar, à la Cérémonie d'ouverture du Festival International du Film de la Femme d'Assouan.
Neïla DRISS, avec la réalisatrice tunisienne Salma Baccar, à la Cérémonie d'ouverture du Festival International du Film de la Femme d'Assouan.
Neïla DRISS, avec l'actrice Boshra, au Festival International du Film de la Femme d'Assouan (AIWFF 2023)
Neïla DRISS, avec l'actrice Boshra, au Festival International du Film de la Femme d'Assouan (AIWFF 2023)
Salma Baccar, réalisatrice tunisienne
Salma Baccar, réalisatrice tunisienne

Le Festival International du Film de la Femme d'Assouan est une initiative qui vise à promouvoir l'égalité des genres dans l'industrie cinématographique et à offrir des opportunités pour les jeunes de la région d'Assouan, en particulier les filles, qui sont souvent confrontées à des obstacles pour poursuivre leur passion. Depuis sept ans, le festival organise des ateliers de formation pour initier les jeunes aux métiers du cinéma et les aider à réaliser des courts métrages.

Les sessions de formation commencent environ sept mois avant l'édition du festival, et un groupe mixte de jeunes filles et garçons est constitué. Les jeunes apprennent tout ce qui est nécessaire pour faire un film, du début à la fin : de la création d'une histoire à l'écriture d'un scénario, en passant par le découpage, le casting, la réalisation, et le montage. Les ateliers sont animés par des spécialistes dans chaque domaine, tels que des scénaristes, des réalisateurs ou des monteurs.

Une fois la formation terminée, environ 6 à 8 projets sont sélectionnés pour être réellement filmés et présentés en compétition pendant le festival. Ces courts métrages sont produits par le festival, qui s'occupe également de leur promotion et de leur distribution. L'année dernière, deux courts métrages ont été sélectionnés en compétition dans des festivals de cinéma en dehors d'Assouan, l'un au Festival du Film d'Auteur de Rabat (Maroc) et l'autre aux Journées Cinématographiques de Carthage en Tunisie.

Le festival ne se limite pas seulement à offrir des ateliers de formation aux jeunes. Les organisateurs travaillent également avec les participants pour les aider à entrer dans la vie professionnelle. Ils sont encouragés à rester dans la région d'Assouan et à contribuer à la création d'une industrie cinématographique locale. Cela permet également aux jeunes de travailler dans leur propre région, sans avoir à quitter leur domicile familial, ce qui est souvent un obstacle pour les jeunes filles.

Le festival travaille également avec les parents pour les convaincre de la valeur de cette initiative. Les parents sont impliqués dans le processus de formation de leurs enfants et sont informés des activités organisées pour les jeunes. Au fil des années, le festival a réussi à établir une relation de confiance avec les familles et les communautés locales, qui reconnaissent maintenant la valeur de cette initiative pour l'avenir de leurs enfants et permettent de plus en plus aux filles d'y participer. Grâce à cette collaboration, les jeunes filles qui étaient "enfermées" dans leurs familles et leurs villages ont pu s'ouvrir au monde.

En plus des ateliers de formation, le festival offre également des opportunités de rencontre avec les professionnels invités. Lors de la 7ème édition qui s'est tenue du 5 au 10 mars 2023, les jeunes ont eu la chance de rencontrer la réalisatrice tunisienne Salma Baccar et les réalisateurs égyptiens Shérif Mandour et Magdy Ahmed Aly et le producteur égyptien Safei Eldin Mahmoud, qui ont partagé leurs expériences et leurs points de vue sur les castings.

Lors de son intervention dans cet atelier de casting, Mme Salma Baccar a partagé son parcours et sa méthode de casting pour ses films. Ces dernières années, comme elle vit en Tunisie, un petit pays où elle connaît tous les acteurs professionnels, elle a pris l'habitude de penser à l'acteur ou l'actrice qui jouera le rôle principal dès le début de l'écriture du scénario, ce qui influence d'ailleurs également la création du personnage. Cependant, elle peut changer d'avis pendant les longues années qui séparent l'écriture et la réalisation.

Pour les rôles secondaires, elle se fie aux suggestions de son assistant, pour lui proposer des acteurs, qui peuvent être des professionnels ou pas.

Mais la méthode est la même pour tous : elle donne la même scène à jouer à tous les candidats, puis elle reste en tête-à-tête avec chacun d'entre eux et les filme elle-même. Elle prend son temps pour se décider et attend de voir toutes les vidéos tournées, laissant la caméra décider.

Mme Baccar a raconté l'exemple de son film Habiba Msika, la danse du feu (1994) où elle avait engagé une actrice marocaine résidant à Paris, Souad Amidou, pour le rôle principal. Bien qu'elle ait vu de nombreuses actrices tunisiennes, aucune ne l'avait convaincue. En plus de cela, l'actrice choisie ressemblait à la vraie Habiba Msika, une chanteuse, danseuse et actrice juive de l'époque où les juifs étaient les artistes en Tunisie, en raison du conservatisme des familles tunisiennes musulmanes.



Mme Baccar avait inscrit cette actrice dans une école de danse orientale à Paris pour qu'elle apprenne à danser. Cependant, elle a regretté cette décision car elle a réalisé qu'il était important pour un acteur ou une actrice de baigner dans la culture du personnage pour pouvoir le transmettre avec authenticité. La danse orientale ne se résume pas seulement à des techniques, mais aussi à des manières, des expressions et du charme.

Madame Salma Baccar a partagé une autre anecdote qui a captivé l'audience. Elle a raconté comment elle a découvert le talentueux acteur, réalisateur et producteur Néjib Belkadhi.

Toujours dans le cadre de son film Habiba Msika, la danse du feu, Madame Baccar avait lancé un casting pour trouver l'acteur qui incarnerait le rôle principal masculin. Son assistant lui avait proposé 70 candidats, qu'elle avait commencé à rencontrer un par un. Cependant, un jour, elle avait remarqué un jeune homme aux yeux magnifiques qui n'était pas là pour le casting. Malgré cela, elle a tenu à le rencontrer et à discuter avec lui. Elle avait été immédiatement impressionnée par sa connaissance approfondie du monde cinématographique.

Après avoir vu les 70 premiers candidats, Madame Baccar avait décidé d'en rencontrer 35 autres. Parmi ces 105 candidats, elle avait sélectionné 10 finalistes, dont ce mystérieux jeune homme aux yeux magnifiques qui s'appelait Nejib Belkadhi. Elle a décidé de faire passer le même test d'interprétation à tous les finalistes, consistant en une scène d'amour à jouer. Cependant, lorsqu'il était temps pour Nejib de passer le test, il n'avait pas appris son rôle. Au lieu de cela, il avait improvisé une scène d'amour qui avait immédiatement touché Madame Baccar. Elle était séduite par son talent naturel et son charme.

C'est ainsi que Nejib Belkadhi a été choisi pour jouer le rôle principal masculin dans Habiba Msika. Depuis lors, il a connu une brillante carrière dans l'industrie cinématographique tunisienne et internationale, remportant plusieurs prix et distinctions pour ses réalisations. Cet exemple illustre comment une rencontre fortuite peut changer le cours de la vie d'une personne et la conduire à un succès incroyable.

Madame Baccar a souligné l'importance de la passion et du don naturel. Elle a précisé que le talent d'acteur ne pouvait pas être enseigné, mais qu'il devait être cultivé et soutenu. Cela montre également que les compétences techniques peuvent être apprises, mais qu'un véritable talent ne peut être enseigné et doit être découvert et encouragé.

Mme Salma Baccar a relaté un 3ème exemple de casting, qui concerne son film Khochkhach, Fleur d'oubli (2005) pour lequel elle avait trouvé des difficultés à dénicher l'actrice idéale pour incarner le personnage de la jeune mère.

Après des semaines de recherche et des dizaines de tests, Mme Baccar était tombée sur une scène de l'actrice Rabia Ben Abdallah dans le film La saison des hommes (2000) de Moufida Tlatli et avait décidé de la contacter. Rabia, qui vivait à Lyon, avait reçu le scénario et dès le lendemain avait envoyé à Mme Baccar un rapport sur sa manière de concevoir son interprétation du personnage. Impressionnée par sa sensibilité et sa profondeur, Mme Baccar avait décidé de se rendre à Lyon pour la rencontrer en personne.

Mme Salma Baccar va d'abord loger à l'hôtel, mais elle finit par accepter l'invitation de Rabia de l'héberger. Pendant trois jours, elles discuteront de tout sauf du rôle, Rabia étant en deuil après la mort de sa sœur. Cette proximité leur a permis de se connaître davantage et Mme Baccar de réaliser que Rabia est l'actrice idéale pour le rôle.

Ce moment passé chez Rabia a été crucial pour Mme Baccar car elle a pu mieux comprendre le personnage qu'elle avait créé et voir en Rabia les qualités nécessaires pour l'incarner. Cette rencontre a également eu un impact sur Mme Baccar, qui a été touchée par la sensibilité et l'émotion de Rabia lorsqu'elle parlait de sa sœur. Cette anecdote illustre la complexité du processus de casting et comment un choix peut être influencé par des facteurs personnels et émotionnels.

Lors de ce même atelier de casting, le réalisateur et producteur Shérif Mandhour a partagé une anecdote intéressante. Il avait été le producteur du réalisateur égyptien Hesham Issawi qui avait vécu à l'étranger pendant 30 ans et ne connaissait pas les acteurs égyptiens. Mandhour avait proposé l'actrice Ruby pour l'un des rôles de son film. Lorsqu'il l'avait appelée, elle lui avait répondu qu'elle était au centre-ville du Caire avec sa sœur, qui n'était pas actrice, et qu'elle portait un voile pour ne pas être reconnue. Malgré cela, elles étaient venues au rendez-vous. Le réalisateur avait remarqué la sœur, Maryhan Magdi, et l'avait engagée pour jouer dans le film Cairo Exit (2010). Cette opportunité avait lancé la carrière de Maryhan, qui avait ensuite remporté plusieurs prix d'interprétation.



Shérif Mandour a expliqué que les critères de sélection d'un acteur comprenaient généralement l'apparence, l'âge et des caractéristiques spécifiques pour le rôle, telles que la voix ou le regard. Les scénaristes et les réalisateurs ont souvent une image du personnage qu'ils cherchent à incarner et ils recherchent l'acteur qui correspond le mieux à cette image. Il est également important que les personnalités de l'acteur, du réalisateur et du personnage soient en harmonie. En fin de compte, un véritable coup de foudre doit s'opérer entre le réalisateur et l'acteur pour qu'ils puissent travailler ensemble efficacement.

Le producteur Safei Eldin Mahmoud est également intervenu lors de cet atelier de casting en ajoutant : "J'ai commencé ma carrière en visitant les bureaux de casting, mais je n'aimais pas cela. J'ai donc commencé à fréquenter les théâtres, et c'est là que j'ai découvert les meilleurs acteurs. Mon conseil aux jeunes est le suivant : "Faites du théâtre, car c'est là que vous serez le plus visibles, même dans les théâtres amateurs. C'est sur scène que votre talent sera révélé. L'actrice Abla Kamel a été repérée sur scène, tout comme Salwa Ali. Ne méprisez pas le théâtre en pensant que vous préférez le cinéma. Commencez par le théâtre, car cela vous donnera une expérience extraordinaire. Il vous apprendra à bouger, à parler et à occuper l'espace...".

Neïla DRISS

Article paru sur Webdo (Tunis), le Mardi 14 Mars 2023. Repris ici, avec l'aimable autorisation de l'autrice, Neïla DRISS :
www.webdo.tn/fr/actualite/culture/festival-international-du-film-de-la-femme-d-assouan-salma-baccar-raconte-comment-elle-fait-ses-castings-et-choisi-ses-acteurs/203928

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