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CONVERSATIONS avec Kaouther BEN HANIA, Réalisatrice tunisienne
"Le cinéma est pour moi un moyen de se venger, mais une vengeance civilisée"
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 18/03/2023
Kaouther BEN HANIA, réalisatrice et scénariste tunisienne
Kaouther BEN HANIA, réalisatrice et scénariste tunisienne
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à AFRICINÉ MAGAZINE, correspondant spécial au Red Sea FilmFest
Bassirou NIANG, Rédacteur (Dakar) à AFRICINÉ MAGAZINE, correspondant spécial au Red Sea FilmFest

Le Red Sea IFF (Djeddah, 1er - 10 décembre 2022) a permis le croisement de regards, de points de vue, de communiquer des sentiments dans sa section appelée "Conversations". Beaucoup de personnalités du cinéma mondial y sont venus pour parler de leur expérience professionnelle, avec des détails sur leurs débuts, sur leur consécration, sur leurs collaborations, ou encore sur leurs rêves et projets. Mme Kaouther Ben Hania, réalisatrice tunisienne, n'a pas dérogé à la règle. Son passage a été marquant, surtout lorsqu'elle donne sa compréhension de l'écriture d'un scénario, de la place du personnage et des relations entre la réalisation et la production.

Le documentaire a semblé servir enfin de refuge artistique pour Kaouther Ben Hania, la réalisatrice tunisienne. Après une tentative infructueuse à mettre son nom sur un roman, elle, issue d'une famille qui ne s'est jamais acoquinée à l'art. Le coupable : un "manque de style" qui la poussa à ressasser ces moments pendant lesquels ses grands-parents "racontaient les choses avec beaucoup de scénographie", sorte de rideau ouvert sur les planches. La tentative naîtra pour vite mourir, se laissant substituer par la tentation de la caméra. Logique, à entendre le récit de Mme Ben Hania : dans le quartier de son enfance, à la place des salles des cinéma, l'on trouvait des ciné-clubs. Ce fut pour elle la conscience de la découverte d'un nouveau langage : celui visuel à "l'aspect émotionnel". Et aussi des films de Bollywood et de cet opus de Brian de Palma qu'est Carrie au bal du diable (1976), l'histoire d'une jeune appartenant à une famille conservatrice comme elle.

Puis, combattant le diktat des limites, naîtra d'elle, en 2005, le premier court-métrage. Quand bien même elle voulut abandonner parce que jugeant le cinéma difficile et adversaire tenace de sa propre timidité, elle poursuit malgré tout son chemin ; surtout après la rencontre amoureuse - si l'on puis dire - avec le documentaire, "laboratoire libre" pour elle. Dans le documentaire, "on crée du sens à partir de choses fragmentées", explique-t-elle.

Poursuivant ses échanges avec le public averti du Red Sea Souk (IFF), la réalisatrice tunisienne confie cette prise de liberté à travers la caméra qui lui a permis de façonner son "regard" vis-à-vis du groupe. "Avec une caméra, on a comme une loupe ; ça m'a permis de diriger mes acteurs", dit-elle. Et à un niveau plus élevé d'exprimer sa colère, pour elle qui dit avoir été en proie à ce sentiment à ses débuts. "Le cinéma est pour moi un moyen de se venger, mais une vengeance civilisée", croit-elle.

Quant au personnage d'un film, il représente, selon elle, une opportunité de connaître les différents moi en soi, d'exprimer toutes les personnes en soi. En somme, pour résumer, une chance de découvrir le "Je" pluriel débusqué par les critiques littéraires dans bon nombre de romans. "Même le policier fait partie de moi ; je pourrais être un policier, un artiste contemporain…", dit Ben Hania. "Lorsqu'on aime un personnage, appuie-t-elle, on essaie de sonder les profondeurs de ce personnage". Relativement à sa fiction long-métrage La belle et la meute, Kaouther Ben Hania pense que le (la) réalisateur (trice) peut, grâce à la musique et au montage, faire d'un acteur modeste un vaillant personnage.

Ce parcours passe par la case scénario, identifiée par Ben Hania comme "la mère" qui doit être livrée, après l'étape "difficile" de réécriture, au producteur, "le père du film". Puisque, à son avis, on ne peut pas être réalisateur et en même temps son propre producteur. Une manière pour elle d'appeler à une certaine modestie, surtout quand on choisit de faire un documentaire, au contraire de la fiction dans laquelle "le réalisateur est une sorte de roi". "Les documentaires que je fais, c'est sur des personnages qui ont vécu une histoire réelle", confie-t-elle.

Il est donc important pour la réalisatrice de soutenir l'effort d'écriture" ; ce, "jusqu'au moment du tournage". Se mettre, en fin de compte, dans la peau d'un chef d'orchestre et tâcher de réussir le début et la fin, moments les plus importants dans un film.

Bassirou NIANG

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