Rabah Ameur-Zaïmeche a présenté Le Gang du Bois du temple (The Temple Woods Gang), son nouveau film, à la soixante-treizième Berlinale (16-26 février) dans la section Forum. Fidèle à son style, le cinéaste de la banlieue continue d'explorer le jeu sur les lignes de démarcation.
Construit dans le genre du film de gangster, le nouveau film de Zaïmeche a un arrière-plan social et politique qui suscite la réflexion avec finesse et subtilité. Il trace une ligne de démarcation entre le monde régulier qui est corrompu et le celui de la cité qui est présentée comme le monde des vrais sentiments humanistes.
Dans la banlieue que peint Zaïmeche, la vie joviale de la jeunesse marginalisée est de règle. Bien qu'elle soit défavorisée socialement et économiquement, la société des cités baigne dans la gaieté. Pourtant, un pressentiment lugubre pèse sur l'atmosphère empreinte de mystère que Zaïmeche déconstruit petit-à-petit. La mort ouvre et clôt le film dans un silence qui donne aux événements une orientation tragique.
La trame de fond suit monsieur Pons, un vétéran des missions spéciales de l'armée française à l'étranger. Du haut de son balcon qui surplombe le Paris intramuros, il apparaît comme un personnage venu d'un autre temps, le type de gangster à la retraite qui ne veut plus être mêlé aux affaires du présent. Quoi qu'il soit bien ancré dans l'ici et le maintenant, le film a comme des lignes de fuite qui lui donnent une profondeur qui serait à chercher du côté des légendes et des mythes.
En avant plan, un groupe de jeunes paumés d'une cité qui semble être aussi un espace en dehors du temps. La bande à Bébé évolue dans la marge de tout. Le casse que les jeunes réalisent a lieu sur le périphérique parisien, à la lisière du monde régulé. Ils ne s'attaquent pas à une banque mais à un fourgon transportant un trésor de prince saoudien, lui aussi venu d'un autre temps.
Tout se passe à la frange du monde. Les propriétaires du butin ne portent pas plainte. Ils se vengent des brigands en les exécutant eux-mêmes. Monsieur Pons venge aussi ses amis de la cité. Tout se passe en hors système.
En présentant son film lors de la Berlinale, Zaïmeche a dit avoir voulu rendre hommage à une certaine jeunesse française qui, bien que marginalisée, ne baisse pas les bras. Cet hommage passe par une sorte de mythification. En s'essayant au film de gangster afin de peindre cette jeunesse, il la fait sortir du joug des stéréotypes.
Les jeunes qu'il peint ne sont pas des petits voleurs, ni des petits dealers s'adonnant à de petits trafics à la frange de la sociétés. Ce sont plutôt des bandits au bon cœur, hissés à un niveau de légende et de mythe.
Il y a en eux un aspect de justiciers venus des temps lointains qui punissent les grands féodaux corrompus. Ils tentent de rétablir la justice à leur manière et à leur niveau. Ils ont perdu toute espérance en la société qui parait dès lors comme étant le monde de la corruption. La bande à Bébé et monsieur Pons, sont une variation sur le thème du Robin des bois avec en plus la note tragique du film noir.
Hassouna MANSOURI
