AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 004 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
BANEL ET ADAMA de Ramata-Toulaye Sy. Une tragédie sénégalaise
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 23/05/2023
Hassouna MANSOURI, Rédacteur (Amsterdam) à AFRICINÉ MAGAZINE, envoyé spécial à Cannes 2023
Hassouna MANSOURI, Rédacteur (Amsterdam) à AFRICINÉ MAGAZINE, envoyé spécial à Cannes 2023
Ramata-Toulaye SY, scénariste-réalisatrice sénégalaise et française.
Ramata-Toulaye SY, scénariste-réalisatrice sénégalaise et française.
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA
Scène du film BANEL & ADAMA

La sélection de Banel et Adama de la Sénégalaise Ramata-Toulaye SY en compétition de la 76ème édition de Cannes (16-27 mai 2023) s'inscrit dans la perspective de la place importante qu'à la femme dans cette édition. Le thème s'articule particulièrement sur la présence des cinémas africains et arabes au festival de cannes de cette année. Outre la présence de deux cinéastes femmes venant du Sénégal et de la Tunisie dont le sujet est la femme dans leurs pays respectifs, le thème se retrouve aussi dans le film jordanien, Inchallah Walad d'Amjad Al-Rasheed et le film soudanais, Goodbye Julia réalisé par Mohamed Kordofani. C'est un aspect intriguant qui mettrait un point d'interrogation autour des critères de sélection des films du Sud.

Quand on découvre Banel et Adama, la première impression est de penser au poids des séréotypes qui enferment les films africains dans le cadre de certains thèmes porteurs. A cela, on ajoutera la structure du film en "conte africain", une démarche qui commence à perdre son originalité tellement elle est fréquente. Or, Ramata-Toulaye Sy parvient, paradoxalement et dans ce même cadre d'idées, à nous offrir un film bien digne d'intérêt.

Certes, le personnage principal est Banel, est une femme qui se bat pour son amour. Toutefois, elle n'est pas confrontée à un système patriarcal au sens où il serait dépositaire du pouvoir de l'homme. En pleine complicité avec Adama, son mari, elle cherche à se libérer du carcan de la vie en collectivité dans lequel ils étouffent tous les deux. Ce qui signifie que Banel n'est pas seulement confrontée aux hommes de son village mais particulièrement aussi aux femmes, et principalement à sa belle-mère.
Celle-ci se présente comme la voix dépositaire des lois ancestrales et de l'autorité sociale. C'est elle qui ne cesse de rappeler Adama à son rôle dans la communauté qui est en opposition avec la tentation de liberté incarnée par son épouse. C'est elle aussi qui ne cesse de vouloir ramener Banel au statut que lui réserve les normes du village: travailler dans les champs, faire la cuisine, faire des enfants. Or, Banel s'entête à accompagner son mari qui garde les vaches, fonction purement masculine.



Le combat de Banel transcende celui des discours féministes. Le personnage prend des airs qui débordent le cadre de l'opposition féminité/masculinité. C'est une épouse aimante et tendre avec son mari. Mais en même temps, elle ne veut pas avoir d'enfant et elle a un instinct de chasseuse. Ce qui définit ce personnage c'est surtout un élan non négociable vers la liberté. Tout le film tourne autour de son combat pour emporter Adama avec elle vers un monde libéré de toutes attaches que représente symboliquement les maisons ensablées que le couple essaye de déterrer.

Ce qui fait la richesse du personnage de Banel c'est qu'il étouffe dans sa condition humaine. Cela donne au film une dimension tragique qui transcende les thématiques sociales. Quand Adama finit par céder face à l'insistance de sa mère et des dignitaires de la communauté en acceptant d'assumer le rôle de chef du village, Banel perd le dernier lien qui l'attache aux autres. Elle décide de partir seule vers les maisons ensablées pour y affronter une tempête de sable.
L'impasse tragique, digne des personnages sophocliens, hisse le film au-dessus des thématiques que l'on attache souvent aux films traitant des contes africains. Ramata-Toulaye Sy échappe au piège dans lequel tant de cinéastes sont facilement tombés.

Par notre envoyé spécial à Cannes
Hassouna MANSOURI

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés