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Ouaga Saga : pari gagné sur le hasard
Ouaga Saga, de Dani Kouyaté (Burkina Faso)
critique
rédigé par
publié le 10/07/2005

Festival Ecrans Noirs du cinéma d'Afrique francophone (FENCAF, Yaoundé, Cameroun), 2005. Bulletin n°2.

En ouverture, une plongée sur une rue de Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso : effervescence, taxis, motos, foule. Car Ouaga Saga, écrit par deux Français y ayant vécu, plonge dans la ville, et en fait un personnage à part entière : ce film est délibérément urbain, exclusivement tourné en extérieurs et bien souvent la nuit. Le choix du numérique haute définition permet à Dani Kouyaté et son équipe d'éviter nombre d'éclairages trop coûteux, et leur permet par contre une série d'effets spéciaux. Ce qui arrive à cette bande d'adolescents des quartiers défavorisés de Ouaga est un véritable conte de fée. On est loin de l'image misérabiliste habituellement plaquée sur l'Afrique : leur solidarité et leur vitalité les sauve. Comme le dit Kadou (le jeune Thomas Ouédraogo, déjà brillant dans Voyage à Ouaga de Camille Mouyeke) : "C'est le ciel qui décide, mais il ne nous empêche pas d'avoir des idées".

Et des idées, ils en ont ! Et pas seulement les plus morales : une moto traîne, ils la chapardent pour la revendre et les voilà pleins aux as. Ils ne seront ni poursuivis, ni inquiétés : Dani Kouyaté encouragerait-il le vol impuni comme solution aux problèmes des jeunes ? Ou bien ne nous décrit-il pas plutôt simplement une jeunesse qui cherche à s'en sortir par tous les moyens, qui saisit ses chances, bonnes ou mauvaises, un constat en somme de ce à quoi nous sommes confrontés en Afrique aujourd'hui : faire des paris sur le hasard !

Le film s'aventure ainsi régulièrement dans les rues de Ouaga en de cocasses images d'ambiance, documentant la débrouille de tout un chacun. Et ainsi, il reste positif jusqu'à son heureux dénouement, "pour donner un peu d'oxygène", indique le réalisateur. C'est vrai qu'il recharge bien les batteries, mobilisant l'humour, les clins d'œil de tous styles aux ironies du quotidien, grâce à un montage efficace en contrepoint : un des jeunes boit dans un gobelet et le même gobelet retourne à une cuvette d'eau sale à l'image suivante ! Les plongées sur la ville alternent ainsi avec la focalisation sur des personnages qui y trouvent toute leur dignité. Ce sont des êtres humains que Dani Kouyaté décrit, même s'ils sont un peu malfrats. Avant tout des jeunes en quête d'avenir. C'est là que le rêve intervient. Que la magie cinéma opère ! Et voilà que, comme la fée Clémentine que nous montrait la Crtv, les étoiles d'une baguette magique opèrent des miracles.

Ouaga Saga débute avec la fascination du western et se termine par la création d'un multiplexe : ce n'est pas seulement un hommage à la jeunesse et à Ouaga, c'est aussi une célébration de ce que la ville fait pour le cinéma. Est-ce seulement au cinéma que les rêves se concrétisent ? Ouaga Saga n'est pas le premier film qui fait gagner ses héros à la loterie : Wariko, le gros lot (Fadika Kramo-Lanciné, Côte d'Ivoire, 1993), Le Franc (Djibril Diop Mambety, Sénégal, 1995), Dôlè (L'argent, Imunga Ivanga, Gabon, 1999), Le Pari de l'amour (Didier Aufort, Côte d'Ivoire, 2002) le faisaient déjà, mais toujours de façon problématique. Dans Ouaga Saga, les jeunes vivent d'abord la dure réalité de la chanson : "Si tu veux moto, patienter, si tu veux gâteau, travailler. Mais le PMU viendra à leur secours pour réaliser leurs rêves. Pour que le hasard les serve, il faut y mettre la foi !

Janvier NJIKAM (Cameroun)

en lien avec le travail de l'atelier AFRICINE sur la critique de Yaoundé 2005.

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