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Vers un renouveau du cinéma en Afrique
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 14/09/2005

Le 62ème Festival International du Film de Venise.

Bien que l'Afrique soit complètement absente de la sélection officielle, et même des sections parallèles, il en a été question lors d'une conférence en marge des grands événements de la 62ème Mostra de Venise 2005. Encore une fois il a été question de coproduction, question éternelle, et fatale semble-t-il, qui se trouve soulever dès que le cinéma et le continent noir sont mis en relation.


Il y a un an, lors de la 61ème Biennale, s'est tenue une première rencontre entre le ministère italien de la culture d'un coté et la Fondation Nationale (sud-africaine) du Cinéma et de la vidéo de l'autre coté. Elle a abouti à la signature d'un accord bilatéral de coproduction. Cette année, la rencontre se tenait dans l'esprit de la mise au point. En fait, un an durant, les choses n'ont pas évolué d'un pouce. C'est le constat général qui s'est dégagé.



Il y a lieu de comprendre à quel point il y a une vraie volonté de développement. La conférence a en effet, pris une dimension plus générale. Le constat du dysfonctionnement de l'accord étant admis par tous, le débat a tourné autour des politiques d'aide au cinéma en Afrique. Il s'en est dégagé une idée importante : le cinéma en Afrique est toujours considéré comme étant mineur et aurait besoin de tutelle.



La coproduction est toujours vue comme une forme de charité, camouflée par les slogans de soutien et d'aide au développement. Elle n'est jamais (du moins pas encore) comme un partenariat économique et artistique. Ceux, du Nord qui se mêlent de la chose cinématographique en Afrique sont rapidement mis dans le ghetto du militantisme culturel. Il est vrai qu'il reste toujours difficile de s'en détacher. Il est encore difficile d'admettre que le cinéma en Afrique est aussi une question d'affaire au sens économique du terme. Certains le font sans l'admettre ; c'est pourquoi ils ne font pas de travail constructif et ne regardent que le bout de leur nez se contentant de la gestion au cas par cas.



Mais comment comprendre, encore l'esprit des fonds d'Aide à la production ? Le constat a été fait par le représentant de l'un des fonds européens les plus importants actuellement qui opèrent dans le Sud, le World Cinema Fund Berlinale. Comme tant d'autres, presque tous, ce fonds souffre de l'incapacité de répondre à la demande extrêmement grandissante des cinémas du Sud. Sur 350 projets, seuls 15 sont retenus pour l'année en cours.



C'est dire à quel point les structures mondiales d'aide à la production se trouvent face à une stratégie complètement erronée. Il y en ceux qui accordent une subvention à fonds perdu et laissent aux producteurs du Sud le soin de la gestion. D'autres accordent des aides en nature (pellicule, laboratoires, postproduction, tirage de copies, médiatisation…). Il y en a par contre qui ne confient la subvention qu'à un producteur du pays d'où vient la structure d'aide et impose un contrat de coproduction. Ceci pour dire à combien de contraintes le cinéaste du Sud doit faire face, en plus de celles qu'il rencontre dans son propre pays.



Dans ce sens le projet d'un accord bilatéral politico-économique entre l'Italie et l'Afrique du Sud pourrait donner l'exemple d'une voix à suivre. L'Italie a toujours développé des projets isolés : des studios en Tunisie, une école au Maroc etc. Pour la première fois une volonté politique se laisse voire. L'Afrique du Sud est considérée comme un partenaire économique. C'est là une nouvelle orientation de la politique culturelle dans ce pays.



Ceci s'explique par le profile du pays en question. Il ne s'agit pas de potentiel économique seulement, qui est évident, mais surtout de politique culturelle. A travers la Fondation Nationale du Cinéma et de la Vidéo, l'Afrique du Sud s'érige en exemple de politique d'aide à la production cinématographique. Cette structure gère le fond national mais elle œuvre pour promouvoir des projets de coproduction, en mettant en place un système d'assouplissement des démarches administratives. La fondation intervient pour faire profiter les productions des facilités financières et fiscales. Elle fait de même avec les coproductions dans la mesure ou il y a toujours un partenaire Sud africain dans le projet : producteur ou réalisateur.



Grâce à cette politique, l'Afrique du Sud est apparue les dernières années comme le porte flambeau du cinéma africain. Nul ne peut contester la place que plusieurs films sud africains ont sur la scène mondiale, dont la plus représentative est celle de l'Ours d'or pour U-Carmen (EKhayeslitsha) de Dornford May à la dernière Berlinale. Eddi Mbalo, directeur de la Fondation n'a pas manqué de rappeler la présence des films sud-africain dans plusieurs grands festivals pour l'année en cours, dont une nomination à l'Oscar du meilleur film de langue étrangère en février 2006.



Le fait est que l'Afrique du Sud se trouve dès l'ors le premier représentant du continent d'autant plus que le pays se propose de jouer un rôle de leader. Depuis des années, l'Afrique du Sud se fait de plus en plus présente dans la région de l'Afrique de l'Est. L'ambition actuelle est de jouer un rôle encore plus important à l'échelle de tout le continent. Un accord de coopération bilatérale est signé avec le Nigéria : Ce pays, avec le Cameroun est un grand marché anglophone. Il est aussi une partenaire intéressant en terme de coproduction en considérant l'expérience nollywoodienne et le boom de la vidéo.



Par ailleurs, le Festival de Cap Town, connu sous le nom du "Sithengui", est en train de développer une politique de coproduction d'une grande importance. En partenariat avec le fond Néerlandais, Hubert Bals Fund, des forums de formation des producteurs de cinéma sont organisés dans plusieurs capitales africaines : Campala, Nairobi, Lagos et Hararé. Ils convergent tous vers un grand forum au Sithengui. L'idée est de former des producteurs dans le sens de la professionnalisation du métier.



C'est dans ce sens aussi que le festival abrite le sommet du cinéma africain. La prochaine session, en novembre, invite le congrès de la Fédération Panafricaine des Cinéastes FEPACI, dans l'espoir de lui redonner un nouveau souffle après des années d'hibernation et surtout après la crise de la dernière édition du FESPACO où devait se tenir l'Assemblée Générale. L'Afrique du Sud est un pays qui s'érige en exemple en matière de politique d'aide à la production cinématographique, il est en train de jouer le rôle de locomotive du cinéma en Afrique.



En tout cas une nouvelle voie s'offre aux professionnels africains. Un nouvel esprit doit désormais se développer pour que la coproduction soit plus utile. Pas de charité culturelle, plutôt du partenariat économique. Il est temps de remplacer les injections de calmant par une vraie politique de développement en implantant des structures de production et une législation économiquement viables.



Hassouna Mansouri