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La critique africaine décortiquée au 19ème FESPACO
critique
rédigé par Laure Sawadogo
publié le 21/11/2005

"La critique et le cinéma africain au regard du cinquantenaire d'Afrique Noire : Comment peut naître et se développer une branche de la critique africaine ?"

C'est ce thème aux sens multiples et très porteurs en cette période où l'Afrique fête les cinquante ans de son cinéma, qui a était l'objet d'un intéressant débat sur la critique cinématographique africaine, l'après midi du 03 mars 2005, à Ouagadougou. Ce panel placé sous le haut patronage du ministre burkinabé de la culture des arts et du tourisme, a été rendu possible grâce à une initiative de l'Association Burkinabé des Critiques de Cinéma (ASCRIC-B) et de la toute jeune Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC) créée en octobre 2004, à Tunis, à la faveur des Journées Cinématographiques de Carthage (JCC).


La direction des débats a été assurée par Mohamed Bakrim, Vice-Président de la FACC, qui a distribué tour à tour la parole à Clément Tapsoba (Président de la FACC), Ouro Justin (universitaire effectuant des recherches sur la critique cinématographique) et Tahar Chickaoui (critique et universitaire tunisien). Le Délégué Général du FESAPCO, Monsieur Baba Hama qui a eu l'honneur d'ouvrir cette séance. Il a salué l'idée de cette manifestation qui s'inscrit dans le cadre de la célébration du cinquantenaire du cinéma d'Afrique noire, et situé toute l'importance d'une telle session pour l'accompagnement du cinéma africain. Il a par ailleurs souhaité "que la FACC puisse trouver sa place au sein de la critique Internationale de cinéma à travers sa relation avec Fédération Internationale de la Presse Cinématographique (FIPRESCI)."

La suite des débats s'est déroulé autour de trois axes essentiels :
- Les fondements historiques de la naissance d'une critique africaine ;
- L'éclairage sur la nécessité pour la critique africaine d'avoir une "assise scientifique" pertinente ;
- La prise en compte de l'indispensable subjectivité qui entoure tout travail de critique.

Dans cette perspective, Clément Tapsoba a fait un travail d'explication de texte sur les écrits de Paulin Soumanou Vieyra, qui déjà en 1972, avait souhaité que "la critique cinématographique ait sa branche africaine." Plus critique que réalisateur, Paulin S. Vieyra avait abordé dans ses nombreux commentaires tous les thèmes de société auxquels pouvaient être liés le cinéma africain. Convaincu qu'il "n'est pas permis de parler de cinéma sans en connaître les dessous" il avait lui-même une grande culture cinématographique et ne manquait pas d'occasion d'écumer les couloirs des différents festivals à travers le monde. Son épouse présente lors de ce panel, interviendra d'ailleurs pour confirmer le fait que son illustre mari fut d'abord "un critique de cinéma, avant d'être un critique de cinéma africain."
Cela amènera l'universitaire à se demander s'il "faut inventer une critique africaine ?"
Après avoir fait la genèse de la critique cinématographique depuis 1911 en se référant à l'Italien Canudo Ricciotto, Justin Ouro a insisté sur le fait que "l'objet de la critique cinématographique, ce n'est pas le cinéma, mais la "cinémacité". Selon lui, les films africains doivent être des films avant d'être africains. Poursuivant un raisonnement méthodique, riche en références bibliographiques, il a terminé ses propos en affirmant que le critique ne saurait ignorer le fait que le cinéma africain, est une création issue de l'esprit "d'un être hybride", toute chose qui entache sa thématique, sa technique, sa vision du monde…"

L'universitaire tunisien Tahar Chickaoui qui estime "qu'il faut se méfier des adjectifs" apportera un intéressant approfondissement à l'exposé de son prédécesseur. "Le public, le cinéaste et le critique sont trois éléments d'un tout indivisible". Le critique selon l'intervenant, "n'est pas un juge, mais quelqu'un qui accompagne le film, qu'il soit d'accord ou pas avec son contenu" C'est pourquoi, les critiques africains, devraient tenir compte de la dimension économique du film, de ses conditions de production et de diffusion… Car "la situation du cinéma en Afrique est telle que, c'est son existence même qui pose problème."

Une telle vision ne devrait cependant pas annihiler tout esprit de critique, rigoureux et pertinent, capable d'accompagner le cinéma africain dans le bon sens. Il faut, de ce fait, éviter de s'enfermer dans des catégorisations culturalistes surannées, parce que "ce qui donne un sens à un concept c'est la réalité." Les nombreux intervenants présents dans la salle, auront par la suite d'intéressants échanges avec les conférenciers qui se résument à la quintessence de l'idée que l'on devrait se faire de la critique cinématographique africaine. L'impression générale des membres de la FACC et de l'ASCRIC-B à la fin des débats, est que les bonnes graines jadis semées par le regretté Paulin Soumanou Vieyra, sont en train de porter fruits.

Ludovic O. KIBORA
Laure SAWADOGO

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