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Vivre et mourir libre
1802, l'épopée guadeloupéenne, de Christian Lara (Guadeloupe)
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 24/06/2005

Christian Lara est un réalisateur très prolifique. Avec 1802, l'épopée guadeloupéenne, il signe son treizième long métrage.

Grande fresque historique retraçant la lutte d'un peuple pour sa liberté, ce film nous replonge dans la douloureuse mais fabuleuse histoire de cette île.

Il s'ouvre sur une magnifique vue en plongée d'une vaste clairière, qui s'efface peu à peu pour laisser place au palais du gouvernement. Là se déroulent les tractations pour rétablir l'esclavage aboli en 1794. Mais, ce que ne savent pas, ou feignent d'ignorer les colonisateurs, c'est que après avoir goûté aux délices de la liberté, on répugne à rentrer dans les fers.



Lorsque le premier consul, Bonaparte, envoie son général qui a "toujours envié Monsieur de Lafayette" à Basse Terre, ce dernier est très loin d'imaginer la capacité de résistance des Guadeloupéens, emmenés par le commandant Joseph Ignace, et surtout le colonel Louis Delgrès. La résistance est féroce et les troupes françaises mises en déroute. C'est alors que va survenir une récurrence de l'histoire, que le réalisateur dénonce dans la deuxième partie du film, celle qui voit l'entrée en lice du général Magloire Pelage, un Noir. Qui va se battre contre les siens. Sans état d'âme.

A partir d'ici se pose la question de ce qui peut apparaître comme une malédiction congénitale: la trahison du Noir par le Noir. Au-delà du film historique qu'est cette "Épopée guadeloupéenne", Christian Lara s'attèle à dénoncer ce comportement, en faisant voir Magloire Pelage dans toute sa cruauté. Contre ses frères. Par ce fait, le réalisateur a voulu attirer l'attention de tous les Magloire Pelage de la terre, pour qu'ils ne se rendent plus complices des exactions et des crimes perpétrés par les autres contre leurs frères. Car il en a toujours été ainsi. Du film historique, 1802, l'épopée guadeloupéenne se révèle donc être une leçon de morale.

Remarquablement filmée, avec de très belles images, cette belle réalisation montre cependant les limites de la caméra numérique. Celle-ci, par moments, ne sachant pas restituer la beauté des paysages. En arrière-plan, ils apparaissent figés. Néanmoins, cette relative restitution du décor est rattrapée par la somptuosité des costumes et le jeu des acteurs. Le réalisateur ayant, dans certaines séquences, réussi à faire lire la détermination et la colère d'un peuple dans les yeux de certains comédiens, tel Marthe Rose.

Au final, ce "film de guerre et d'action", pour reprendre les mots du réalisateur, est suivi comme une histoire qu'on raconte. A la limite du documentaire, il laisse peu de place à la fiction. Mais, pouvait-il en être autrement, quand on veut faire connaître "ce pan d'histoire longtemps ignoré, même des Guadeloupéens" ?
Emporté dans cet univers du début du 19è siècle, le spectateur admire béatement le courage de ces hommes et femmes qui avaient choisi de "mourir libres" plutôt que de "redevenir esclaves". Parce que la plus grande conquête de la liberté est de pouvoir choisir sa mort, ces héros sont encore plus grands morts que vivants. Et "chaque jour de notre progrès est fait de chaque jour de leur sacrifice".

Jean-Marie MOLLO OLINGA (Cameroun)

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