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Quel film ! Quel casting !
Visa, Brahim LETAIEF (Tunisie)
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 25/06/2005

Le court métrage du Tunisien Brahim Letaief qui a été primé en octobre 2004 à Carthage [Tunisie] et en janvier 2005 à Ouidah [Bénin], pose un problème d'une actualité brûlante.

Pourquoi, dès lors qu'on est confronté à quelque difficulté chez soi, on trouve toujours que le bonheur est en face, que le ciel n'est bleu qu'ailleurs, que l'herbe n'est verte que chez le voisin? Autrement dit, pourquoi de plus en plus d'Africains, au lieu de se battre sur place pour sortir de la pauvreté, préfèrent s'exiler, pour rechercher un Eldorado souvent hypothétique, en faisant toujours litière des humiliations subies? Tel est exposé le problème de Visa, un simple cachet apposé sur un passeport, pour permettre l'entrée au "paradis terrestre".

Et parce qu'ils sont progressivement envahis, ceux qui détiennent les clés de ce "paradis" multiplient les obstacles pour en limiter l'entrée.

Brahim Letaief, dans un pamphlet qui ne dit pas son nom, tant il manie aussi bien l'humour que l'ironie - ce qui rend par moments le film comique -, montre à souhait l'absurdité des motifs de limitation des déplacements d'une catégorie d'habitants de la Terre.

La dictée ! Vulgaire exercice (pré-enregistré) d'acquisition de l'orthographe. Mais qui s'avèrera déterminant pour la modification des comportements et des habitudes. Désormais, Rachid et son épouse mangent français et regardent à la télévision l'émission "Des chiffres et des lettres". Au détriment de leur cuisine traditionnelle et de leur feuilleton national préféré. Rachid, musulman, va même prier le Christ.

Servi par un casting juste, le film de Letaief fait preuve d'une très grande force démonstrative. Le réalisateur utilise beaucoup d'images (par exemple la répétition sur la feuille de Rachid d'un mot butant sur une bande défectueuse), et très peu de discours.

"En attendant le bonheur" de Rachid et de ses semblables, Visa, pour paraphraser Denis Marion, passe de son statut de film à celui d'une oeuvre, tant il est criant de vérité et de poésie.

Jean-Marie MOLLO OLINGA (Cameroun)

Correspondant permanent Afrique Magazine (Paris)

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