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Delwendé, S. Pierre Yaméogo (Burkina Faso)
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 07/07/2005

En voulant parodier Jean de la Fontaine, ne pourrait-on pas dire de Delwendé, le dernier long métrage du Burkinabé Simon-Pierre Yaméogo, que selon que vous êtes femme, vieille et pauvre, ou mère d'un fortuné ou d'un chef, les jugements des hommes vous rendront blanche ou noire ?

Inspiré d'un documentaire qu'il avait tourné pour "Envoyé spécial", magazine de la chaîne de télévision France 2, le film du réalisateur de Dunia, Laafi, Wendemi (sélectionné à Cannes en 1993 dans la section "Un certain regard"), Silmandé et Moi et mon Blanc, vient s'incruster dans la catégorie du cinéma d'intervention sociale qui a pour objectif de bousculer les comportements dans lesquels on tend à se complaire.

Dès la scène d'exposition, Yaméogo montre une réunion d'hommes. Ce n'est pas un hasard. Le spectateur peut à partir de ce moment s'interroger sur la place des femmes, tant leur absence est criarde, dans une société (machiste) quelles doivent cependant, fatalement, partager avec leurs semblables du sexe opposé. Ces derniers qui, très souvent, trichent pour résoudre des problèmes personnels, ou protègent les femmes socialement bien placées.

En ce début de troisième millénaire où les féministes de tout poil font de plus en plus entendre leurs voix, des traditions ancestrales ont encore une forte emprise dans certains pays. Notamment au Burkina Faso, le pays des hommes (et pas des femmes?) intègres. Ici, on a construit ce que Simon-Pierre Yaméogo a appelé "les camps de concentration" pour vieilles femmes accusées d'être des "mangeuses d'âmes". Ce phénomène, révélateur de l'analphabétisme de cette communauté villageoise, interpelle la prise de conscience des pouvoirs publics. Comment, en 2005, peut-on construire en plein centre de Ouagadougou, des foyers pour marginaliser des femmes victimes d'une tradition aussi barbare ? Avec un minimum de formation et d'information, ne peut-on pas remédier à de telles pratiques ? Dans un village où des enfants sont décimés par une épidémie de méningite – ils meurent en se tordant le coup -, seul le fou en est informé. Par voie – et voix – de radio. Mais, qui peut écouter un fou, considéré pourtant comme celui-là qui "sait tout"? Au lieu de cela, les femmes, faibles et vieilles, sont désignées comme boucs émissaires.

Delwendé, sous-titré Lève-toi et marche prend alors toute sa signification lorsque le film apparaît comme un véritable parcours d'éducation physique pour le sexe faible. Dans la forêt ou en ville, elles marchent. D'un pas décidé. Interminablement filmé.



Tourné à Kienfangué, à 7 km de Ouagadougou, le film de Yaméogo qui montre avec force et gravité les images pathétiques d'un camp de rassemblement de ces exclues, peut être considéré comme foncièrement ethnographique, mais il demeure utile, car militant en faveur de la "démolition des traditions africaines" qui avilissent encore l'être humain. Sous-tendu par l'ambition de corriger ces comportements en les montrant, il a remporté le prix de l'Espoir dans la section "Un certain regard" au festival de Cannes 2005, et le prix du jury œcuménique attribué en marge de la sélection officielle.

Jean-Marie MOLLO OLINGA
CINE-PRESS, Cameroun

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