Vue d'ensemble d'une partie de Johannesburg, la plus grande ville sud-africaine. Un puissant fusil à lunette de pointage. Une montre-bracelet. Un très gros plan d'un œil rivé à la lunette. Un coup de feu. Un Noir tombe. Un cri. Il est mortellement touché. Tel est ainsi planté le décor de L'homme en costume marron, le long métrage de la Sud-Africaine Sara Blecher, réalisé en 2004.

Retenu en compétition officielle à la huitième édition du Festival international du film de Zanzibar (1-10 juillet 2005), ce film de genre arrive comme un pavé dans la marre de l'ensemble de la production cinématographique sud-africaine, et partant, du cinéma africain tout court.

Basé sur les séries TV baptisées "Tolérance zéro", ce polar de la plus pure tradition hollywoodienne est davantage utile par la césure qu'il opère au sein d'un cinéma connu jusque-là par des œuvres d'auteur, ou des reconstitutions historiques des années d'apartheid. The man in brown suit n'en est cependant pas très éloigné. On peut y relever la résistance de certains marginaux de voir à jamais révolue cette période qui avait consacré le développement séparé des races. Car l'élément déclencheur dont se sert Sara Blecher est l'assassinat d'un innocent, un Noir, le quatrième de la série, par un sniper blanc, un Afrikaner.

Dès lors s'engage une course folle, une course contre la montre, pour s'assurer un assassin convaincu de la prédiction messianique qu'"un homme en costume marron descendra de la montagne pour libérer les Afrikaners". Il faut donc agir vite, avant qu'un autre innocent ne tombe. Cela, d'autant que la police ignore la signification du chiffre "15" laissé comme une marque sur les lieux de ces crimes. Le spectateur se retrouve alors embarqué dans une investigation intégrant tous les ingrédients d'un polar classique. Rythme accéléré servi par un montage serré passant rapidement d'une scène à une autre ; focalisation de la recherche sur une fausse piste, policiers en état d'alerte permanente, suspense, etc.

Techniquement bien réalisé (images, son, cadrages corrects), avec une direction d'acteurs remarquablement assurée, L'homme en costume marron ne vient-il pas s'inscrire parmi les œuvres pionnières d'un cinéma africain purement et simplement commercial ? Si la linéarité de cette l'histoire un tantinet banale n'offre pas beaucoup d'intérêt au spectateur, la manière dont elle est menée ne le laisse guère indifférent. Au final, The man in brown suit ne pourrait-il pas apparaître comme le brouillon de la rédaction du scénario des films qui constitueront demain la cinématographie sud-africaine ?

Jean-Marie MOLLO OLINGA, Cine-Press, Cameroun.

The man in brown suit ("L'homme en costume marron"),
de Sara BLECHER, Afrique du Sud, 2004, 80 min.