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Un long métrage témoignage
Hôtel Rwanda, de Terry GEORGE (USA)
critique
rédigé par Zouhour Harbaoui
publié le 10/09/2005

"Quand le monde a fermé ses yeux, il a ouvert ses bras". "Il", dans le film réalisé par Terry George, à savoir Hôtel Rwanda, ne correspond pas au monde, mais à Paul Rusesabagina.

Hôtel Rwanda est l'histoire véridique de ce floor manager au Sabena Hotel Mille Collines de Kigali (capitale du Rwanda) qui a sauvé plus de mille personnes - la plupart d'origine tutsi - du génocide rwandais, en 1994.


Terry George a eu à cœur de retracer, à travers son long métrage, cette poignante histoire, avec néanmoins, et ce à notre avis, un léger parti-pris.

A la projection d'Hôtel Rwanda de Terry George, nous nous sommes demandée si nous étions capable de le regarder jusqu'au bout. Capable non pas parce que le long métrage est ennuyeux - loin de là - mais tout simplement parce que l'émotion nous a étreinte dès la première demi-heure, même si certains déclarent, à propos de ce film, que c'est un show à l'américaine.

Point question de sensiblerie ici, mais il existe certains films qui, comme Ali Zaoua du Marocain Nabil Ayouch, feraient fondre les cœurs de glace. Tel est le cas de Hôtel Rwanda, un long-métrage témoignage.

La véritable histoire d'une terrible vérité

"Le film est honnête, il est authentique à 90%. Tout ce que vous voyez à l'écran, c'est la réalité. Mais chaque chef, quand il prépare un mets, ajoute un peu de sel, de poive et d'épices pour rehausser le goût de son plat", avait déclaré Paul Rusesabagina à propos de Hôtel Rwanda et de Terry George. Et Paul en sait quelque chose puisque c'est son histoire, celle de sa famille, celle de plus de mille personnes qu'il a sauvées du massacre, du génocide rwandais.

Paul (Don Cheadle) est directeur d'un des plus prestigieux hôtels de Kigali : le Sabena Hotel Mille Collines. Il est Hutu. Sa femme, Tatiana (Sophie Okonedo) est Tutsi. Il mène une vie plutôt tranquille entre son poste et sa famille. Mais voilà qu'à couvert, quelque chose de désagréable se prépare.

D'abord, le principal fournisseur de l'hôtel lui donne une chemise aux couleurs hutu en lui déclarant qu'il fallait qu'il se décide à rejoindre sa "famille". Puis, un animateur radio argue les Hutus à se débarrasser des Tutsis. Quelque temps plus tard, celui-ci annonce que le président rwandais a été assassiné par les Tutsis, alors qu'en fait c'était un complot hutu.

Cette annonce sera le détonateur du génocide.


Et pendant que le monde ferme ses yeux, Paul ouvre ses bras et les portes de l'hôtel, d'abord par "accident", puis de son propre gré. Il ne peut laisser ses frères Tutsis -même si lui est Hutu - se faire massacrer par "ceux qui résistent ensemble", cette milice Interahmwe formée et entraînée par l'armée rwandaise. Volonté, ruse, peur vont être les atouts de Paul pour sauver les Tutsis qui se sont réfugiés à l'hôtel.

Près de 1200 personnes entre hommes, femmes et enfants auront la vie sauve grâce à lui. Un grain de sable quand on sait que, sur une période de cent jours, presque un million de Rwandais ont été tués.

Mise à nu pudique et poignante

Ceux qui pensent que Hôtel Rwanda est un film d'horreur à l'hémoglobine facile se leurrent complètement.

Terry George a su montrer l'horreur, à la fois, de manière poignante et pudique.

Peu d'images de massacres proprement dits, car là n'est pas l'intérêt du film, mais beaucoup de symboles qui déchirent le cœur et nouent l'estomac.

Pour nous, l'image la plus symbolique est celle où l'on voit des miliciens hutus arriver sur une camionnette devant l'entrée de l'hôtel. On aperçoit parmi eux un homme tenant un fusil-baïonnette au bout duquel est embroché un petit nounours. Par cette image, le spectateur devine l'honneur.

Presque toute la bêtise humaine est présente dans ce film. L'agressivité des uns, l'indifférence des autres sont le moteur vers une réflexion, des questions pouvant rester sans véritables réponses. A quoi sert l'ONU, représentée dans Hôtel Rwanda par le colonel Olivier (Nick Nolte) ? Celui-ci souhaiterait intervenir mais l'administration des Casques bleus ne souhaite pas s'impliquer dans un conflit inter-ethnique.

Le colonel Olivier est tiraillé entre sa nature humaine et sa fonction, en quelque sorte, d'observateur. Lui sait qu'il s'agit d'un génocide mais pour le monde- suivant les Etats-Unis- ce n'en est pas un. Rappelons que le 28 avril 1994, Christin Shelley, alors porte-parole du Département d'Etat américain, avait refusé le terme "génocide" et que, le 17 mai, la résolution du Conseil de sécurité des Nations unis admettait que "des actes de génocide pourraient avoir été commis".

Désinformation médiatique

La mise à l'index s'est faite aussi sur le rôle des médias à travers une équipe de télévision venue filmer les événements et qui s'installe à l'hôtel. Le journaliste télé symbolise la désinformation. Il ne voit rien, n'entend rien et se tait. Pour le contrebalancer, Jack (Joachim Phoenix), le cameraman, donc l'œil toujours à l'affût. Pendant que le journaliste est bien planqué, lui va faire son métier jusqu'au bout pour qu'éclate la vérité.

Quand les Casques bleus évacueront les touristes de l'hôtel, le cameraman sera obligé de partir sous les yeux des réfugiés. Il lance alors un "J'ai honte !". Une phrase presque assassine englobant le fait qu'il a honte en tant qu'homme de ne pouvoir agir et en tant qu'élément d'un monde qui refuse de réagir.

Hôtel Rwanda est un beau film de par son histoire, la manière simple de filmer, le bon jeu des acteurs.
Evidemment, comme c'est toujours le cas, il n'est pas parfait à 100%. Sa petite imperfection vient du fait que le réalisateur (ou le scénariste) n'est pas resté neutre. Il a pris partie pour une catégorie de la population rwandaise, les Tutsi, faisant de tous les Hutu des méchants. Or, il se pourrait que des Hutu, à l'instar de Paul, aient aidé leurs frères Tutsi. Dommage que cela soit passé sous silence.

Le film rappelle que ce qui est arrivé aux Rwandais peut arriver à n'importe quel peuple. La nature humaine est souvent complexe…

Zouhour HARBAOUI (Tunisie)

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