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Tel père, telle fille
Ultime Résolution, par Eloi BELA NDZANA
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 17/03/2006

Jean Giono n'écrivait-il pas que "les jours sont des fruits et notre rôle est de les manger" ? A quoi sert-il dès lors dans ce monde aux lendemains toujours incertains, d'amasser des fortunes, si l'on ne peut en jouir ? Tel est le problème que posent Bertrand Désiré Nohotio et Eloi Bela Ndzana, ainsi que le dilemme auquel sont confrontés les spectateurs de Ultime Résolution, le dernier-né des productions cinématographiques camerounaises.

Au pays des Lions Indomptables existe une tribu connue pour son dynamisme et sa prospérité économique. Paradoxalement, ses ressortissants ont la fâcheuse réputation – bien qu'elle tende visiblement à disparaître – de ne profiter que très chichement des fruits de leur labeur. Inspirée donc d'une histoire vécue, cette fiction qui tient du film d'action vient étaler au grand jour, la question de la gestion des biens matériels par certains parents, Harpagon des temps modernes, au détriment du devenir de leur progéniture.

Gaston est un homme riche, très riche même. Pourtant, "il ne travaille ni pour lui, ni pour nous", se désole sa fille Amandine, dont le rêve, à défaut d'avoir obtenu de son père le financement d'un atelier de couture, est de partir pour l'Europe, cet ailleurs porteur de tous les espoirs, mais dont l'ouverture de la porte d'entrée est conditionnée par l'obtention d'un visa. Comment l'obtenir sans argent, une denrée si proche et si lointaine à la fois ? Pour y parvenir, Amandine, aussi butée et entêtée que son avare de père, commence par négocier, avant de s'engager dans "un chemin de non retour". C'est à partir d'ici que le film montre où peut conduire la rupture de dialogue entre parents et enfants, faisant resurgir le sempiternel problème du conflit des générations, et travestissant ces derniers en fauves prêts à toutes les épreuves, fussent-elles irresponsables. Il prend alors les allures d'un combat sans merci entre un père et sa fille, entre un homme et une femme, entre un riche coincé et une fille ambitieuse, qui ne demande qu'à s'en sortir. L'émotion et le suspense sont convoqués, soutenus par des accélérés lors de la fouille de la chambre du père par la fille, et par des montages parallèles lors de la même séquence, ou encore pendant la prise d'otage de l'ami du père. Au fur et à mesure que l'action progresse, la ressemblance entre le père et la fille, paradoxalement, se fait de plus en plus évidente. D'où le plus grand mérite de ce film, qui tente par cette approche, de camper psychologiquement des personnages apparemment différents, mais pourtant si proches.



Amandine et Gaston ne sont certes pas des personnages surhumains. Mais, tous deux luttent férocement, et brutalement, sans complexes ni scrupules, avec les mêmes arguments pour s'imposer l'un à l'autre. Bénéficiant de complicités, tous deux ne sont pas non plus des héros désespérément solitaires, car entourés de gens qu'ils tiennent (l'amour de Christian pour Amandine) ou manipulent (Gaston grâce à son argent).

A ce niveau, on peut percevoir l'influence des productions hollywoodiennes, et partant, le double souci de la génération montante des cinéastes du continent noir de se démarquer, dans un premier temps, des "belles digressions" africaines, et de se plonger directement dans le sujet, un sujet qui, par son traitement, ne laisse suffisamment de place ni au rêve, ni à la réflexion, et dans un deuxième temps, de tracer sa voie grâce à des histoires de proximité, et dans lesquelles leur entourage immédiat peut se reconnaître.

Par ailleurs, comme inspirés de l'époque de Hollywood des Studios, certains rôles de Ultime Résolution semblent avoir été écrits sur mesure, notamment celui de Gaston, magistralement interprété par Marcel Mvondo II, "un revenant" (*) que le public a revu avec joie ; et celui de Daniel, joué par Poulibe. "Je les avais en tête en écrivant mon scénario", avoue Bertrand Nohotio.

De même, la répartition des tâches dans la confection de ce premier film n'augure-t-elle pas de la sortie du carcan de cinéma d'auteur, où le cinéaste était homme à tout faire, et qui semblait avoir définitivement fait son lit dans la cinématographie africaine ?



Cela étant, l'interprétation enthousiaste du rôle d'Amandine par Corinne Kameni et le professionnalisme de Marcel Mvondo II (Gaston), n'ont pas suffi à calfeutrer les lacunes techniques du film. L'éclairage y est parfois approximatif, rendant certaines images inexpressives. La direction de certains acteurs (les amis de Gaston) insatisfaisante ; le son par endroits inaudible et la musique inappropriée et peu parlante pour un film qui se veut d'action. Mais, ces quelques réserves ne suffisent point à jeter le bébé avec l'eau du bain.

Jean-Marie MOLLO OLINGA
Président de Ciné-Press,
Cameroun.

Ultime Résolution - Un film de Bertrand Désiré NOHOTIO - réalisé par Eloi BELA NDZANA - Cameroun - 2006 - 55 mn Fiction -

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