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Ouarzatywood
Le cinéma de Ouarzazate
critique
rédigé par M'barek Housni
publié le 22/07/2006

La lumière de la création

Au début était la lumière. Unique, captivante, directement jaillie de la nuit des temps. Celle qui embrasse les étendues infinies de la spiritualité ; celle qui est au source de la vie.
Au début il y eut le choix de la lumière et donc de Ouarzazate brune et claire, calme et accueillante. Loin, bien loin de tout regard malhonnête et incapable de comprendre le vie antérieure qui y assiste le désir de créer des images inédites, les plus proches de la réalité à saisir et à capter. La réalité d'avant la modernité, gorgée d'histoires ou initiatique ou révélatrice des lois divins.

Ouarzazate est ce point de géographie lointaine où la révélation se révèle à l'œil et où le corps retrouve ses incarnations premières. Parce qu'en réalité deux aspects originaux coexistent ici bas, dans l'infini des sables et les grandeurs architecturaux. La première concerne la religion et la spiritualité et la deuxième a plus à voir avec l'exotisme et les voyages d'apprentissages. Mais toujours le désert insufflant la volonté et façonnant et les caractères et les décisions.

Le cinéma mondial ne s'est pas trompé en l'élisant comme studio naturel. La ville en est transformée de fond en comble devenant une gigantesque tanière de cinéma. L'étonnement est de mise pour le visiteur. Car imaginer une cité marocaine oubliée aux confins du Sahara, adossée aux majestueux montagnes du Haut-Atlas, l'imaginer lieu d'inspiration artistique pour l'art le plus cher du monde risque de perturber nos citadins des capitales !!

En tout cas la muse du cinéma trouve son accomplissement dans les poussières brunâtres illimitées ainsi que le mélange des hommes et pierres, et son plongeon original dans les lumières incomparables.


Les studios

C'est à l'extérieur de la ville, tout ce dehors naturel à quelques kilomètres du centre animé en bordant une route élancé. Un rempart aussi large que vaste.

L'exemple plus édifiant est donné par les studios Atlas. Des constructions et un "terrain" désertique, rocheux par endroits et qui se perd majestueusement aux pieds de monts nus et bibliques. Le tout couvert de cet éclat lumineux des premiers temps. En fait ces constructions qui a priori ne charment point deviennent en s'approchant des vestiges de traits et signaux "civilisationnels" laissées là intactes après l'aventure grandiose d'un tournage ressemblant plus à une réelle aventure épique. Et cet étendu qui saisit le regard et le cloue à ses visions intérieures propres, cet étendu est la scène gigantesque de ces mêmes civilisations ou aventures.
Là, à chaque détour se hissent les portails olympiens et les statues pharaoniques grandioses se déroulent aux pieds les grosses pavages où roulèrent les carrosses impériales et les soldats antiques. A l'autre coin, les restes nobles et seigneuriaux d'un assemblement bouddhique imaginé par le grand Martin Scorsese du film Kundun. L'architecture d'une Asie spirituelle plongée dans la contemplation profonde. Des statues géantes de lions "dragoniques" et des toits et portes cloutées et infrangibles, reflétant dans le scintillement du soleil ourzazi son rouge sang gorgé de sublime lyrisme.

Un peu plus près, des baraques de couleur rouge se dressent comme un village oublié. Ce sont les habitats de combattants latino-américains compagnons du Che dont un dessin avec le célèbre béret orne un mur à côté de slogans célébrant la liberté et la lutte. Un film de l'époque a été joué laissant un morceau de cette histoire récente qui, quand on la contemple dans le silence de la fin du tournage, ne perd guère de sa valeur de vraisemblance si véridique.

Mais partout et entre les décors en cartons et faux-murailles des petits ateliers en plein air ou dans des hangars confectionnent au besoin les réalités sorties de l'imaginaire des cinéastes, de la petit aiguille qu'une esclave utilisait pour le drap doré d'une princesse jusqu'au monumental bateau roman qui conquit le monde. Des ruches incomparables qui aboutissent à ces innombrables pellicules de rêves qui restituent un univers et un désir.


La ville/studio

De l'autre côté se dressent la ville d'entres ses ruelles étroites et sa face architecturale spécifique faite de tours élancées et murailles et forteresses ou maisons traditionnelles se penchant l'une sur l'autre en une interminable file enroulée et circulaire que trouent partout de minces fenêtres et lucarnes en fer peint. Et au centre s'érige solennel et imposant le palais du pacha Glaoui, telle une tentation continuelle face à la caméra. En effet le nombre de films tournés ici est important et il suffit de citer Pasolini et son Œdipe Roi (en 1966). C'est une bâtisse caïdale en tout rapport, faite de pierres travaillée, de bois et d'argile. Elle est fabuleusement étonnante par le nombre de chambres, les étages juxtaposés et imbriqués et qui y conduisent des escaliers étroits, par les différents couloirs qui mènent aux structures variées tels les bains, le harem, les chambres à coucher, les balcons.
Mais la ville toute entière est une continuité d'originalité qui s'offre à l'art du cinéma. Car il faut ajouter à l'emplacement les sons, les mélodies, les habits et la bonhomie ancestrale des ourzazis. Tout ça concoure à procurer à cette cité sa place cinématographique de choix.


Quel cinéma ?

Ainsi elle cadre implacablement avec les exigences de trois genres de cinéma. Le film historique ou religieux, le film d'aventure et d'action et les films de voyage initiatique. C'est une réalité palpable que le nombre de films où elle a figuré démontre largement. Il ne passe pas de jour sans qu'il y est tournage quelque part. Et on s'en doute toute la ville et la population en sont transformées. Il faut passer au grand rond-point du centre vers deux heures du matin, pour voir des dizaines d'hommes et de femmes endormis sur le long muret attendant le moyen de transport qui les mèneront vers les plateaux. Ce sont les figurants marocains. Ils louent leurs corps après avoir loué leur ville et leur environnement. Pour cette Ouarzazate là le cinéma est une manne financière qui paraît-elle ne fait pas le bonheur de tout le monde. Le cinéma installé là un beau jour par des fous de cinéma a vu le jeu de tractations et de convoitises aussi différentes selon les intérêts divers. Il faut un jour penser à équilibrer les choses. Le CCM, haute autorité cinématographique devrait prendre en considération le facteur local dans le futur. Un exemple : le visiteur ne manquera pas de constater un paradoxe extrême : la ville compte une seule salle de cinéma ; mais elle est fermée depuis belle lurette !!!

Ourzazate est un patrimoine national qui existait avant le cinéma qui s'y est installé et qui l'a redoré selon sa propre vision étrangère, exotique ou autre. Ce cinéma devrait contenter un tant soit peu et les gens du pays et les gens du cinéma et les cinéphiles. Le cinéma de Ourzazate, Ourzatywood n'en sera que plus rehaussé au rang d'une vrai ville cinématographique, celle de Scorsese et Pasolini entre autres.

M'barek HOUSNI

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