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Amour, sexe, drogue et immigration
Le goût des jeunes filles, de John L'ÉCUYER
critique
rédigé par Martial Ebenezer Nguéa
publié le 19/09/2006
Martial E. Nguéa
Martial E. Nguéa

Le film du réalisateur québécois, John L'ECUYER dénonce les déviances de la société haïtienne à l'ère du dictateur Duvallier, père.

Point besoin de se sentir assez détendu pour consentir, le film de John L'Ecuyer, réalisateur québécois, qui de passage à Haïti - le premier pays noir indépendant grâce à Toussaint Louverture, le mythique et charismatique général noir qui fit baver de façon magistrale les régiments des armées blanches lors de la traite négrière, suite à une révolte fort remarquée - vous transpose directement dans les rues et les ambiances de Port-Gentil, la capitale à l'ère du président dictateur Duvalier.
Ouverture en plan serré sur un entretien entre le jeune Fanfan interprété par Lansana Kourouma et sa mère, psychologiquement libérée après la mort de son époux, le dictateur de père de son fils, qui de connivence avec le système en place, était devenu un véritable gladiateur, broyeur de vies à la solde de l'Etat. L'entretien entre mère et fils est mélancolique et au sortir une ferme résolution est prise de protéger absolument le fils. Comment élever dignement un enfant, dans ce monde où danger rime avec air, le bon est rarement distingué du mauvais. La question est toute posée et le réalisateur, par exposition dans le genre se lance à trouver le pourquoi.

Reflets

Le film s'emballe alors dans les rues, ambiantes de la ville. Les filles tenues sur de longues jambes, fringuées à souhait montent et descendent, sans cœur avec les tueurs à gage du pays. On est comme dans le Bronx aux Etats-Unis, la drogue, le sexe, se nouent comme des lianes sur les arbres en forêt. L'accord est parfait. Les filles donneuses de vies se regardent droit dans un miroir et se demandent bien ce à quoi elles servent dans ce mouroir, à défaut de mieux, c'est-à-dire d'immigrer, on se contente de ce dont on dispose.
Dans la petite famille, la mère le couvre et tant de bonheur et tant à le faire suffoquer. Trop d'amour tue l'amour. Le fils Fanfan tente une échappée curieuse dans la rue, à l'insu de sa mère. Il tombe sur Gégé, le petit délinquant du coin, qui l'entraîne dans les endroits les plus lugubres de la ville. Un tour chez les prostituées de "la rue rouge" et où rodent les Tontons macoutes, les éléments des services secrets où cette nuit, un incident malheureux surviendra avec les coups de feu. Qui en est le commanditaire ? Pour quel intérêt attente-t-il à l'autorité du pays? Une chasse à l'homme est organisée.
Le film connaît son second temps fort, avec la fuite in extremis de Fanfan chez sa voisine, Miki, (interprété par Koumba BALL) l'une des trois filles du trio des filles de pouvoir, qui lui confirme une sécurité" plus que à l'ambassade". C'est trois jours où sa vie est intentée à tout moment. il vivra de ce pas, les saveurs de l'amour par les soins de sa voisine , qui pour le protéger des havres des tontons macoutes, non moins sans le présenter comme "son petit frère" et en jouira après de sa peau douce et belle.
Dans cette petite jouissance d'un amour inattendu, Fanfan, se délie des cordes de la peur. Il est désormais, un homme et prêt à en jouir.

Le film du Québécois frappe droit dans le système Duvalier et ses dérives peu contrôlées, sur les plans larges qui exposent la ville, le pays. Comment vivre dans un pays où le respect, la valeur a foutue le camp ? Le film passe au crible sexe, homosexualité, pédophilie.

Le goût des jeunes filles est un film complexe. Un peu dans la mièvrerie. L'option narrative retenue par le réalisateur s'aventure sur un style de figure peu développée- sur un corps de description sociale peu exploitée, qui franchit les paliers divers sans grande démonstration. Le film se présente comme le descriptif d'un vilain touriste de passage dans une ville, le temps d'une visite dénonçant sans grand effort la dérive sociale et ses effets d'entraînements.

On peut déplorer cela mais toujours est-il que ses petites et jolies histoires réussissent toujours à arracher le sourire au spectateur. Les plans larges et récurrents planchent sur l'état de violence existant dans ce pays. Un peu à la Casablanca story de Amadou Gaye à travers cet espace qui abrite les différentes vies, Les Saignantes de Jean Pierre Bekolo dans son côté déhanchement, peu pudique, et puis à la Une Couleur café de Henri Duparc, Le goût des jeunes filles est une belle exposition de la société haïtienne, époque 1971. Ses belles musiques nous emportent. Et tout cela fait que c'est beau et simple.

Martial E. Nguea

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