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Un verre de thé marocain avec Brad PITT
Tournage du film Babel à Casablanca…
critique
rédigé par M'barek Housni
publié le 24/07/2006

Babel est une superproduction américaine dont une partie a été tournée au Maroc durant le mois de mai 2005. Car une tranche de l'histoire est sensée se dérouler à Ouarzazate et à Casablanca. Car le film raconte racontera quatre histoires entremelées se déroulant au Maroc, la Tunisie, le Mexique et le Japon. Le lancement se fait au Maroc à travers un drame qui touche un couple en vacances, la femme sera blessée par une balle et évacuée par hélicoptère dans un hôpital. C'est un film d'action et d'actualité dirigée par le réalisateur mexicain Alejandro González Iñárritu. Les rôles principaux sont tenus par les stars Brad Pitt, Cate Blanchett et Gael Garcia Bernal.

L'auteur de ce papier a eu l'occasion chanceuse d'être sur le plateau improvisé à Casablanca et y a tenu le très petit rôle de figuration spéciale, une silhouette dans une multitude, ou plutôt au sein d'une petite foule. Une expérience riche de tant d'enseignements. Une aubaine pour un critique de cinéma.
L'une des usines de fabrication du rêve hollywoodien a eu, durant deux nuits pleines à se faire aider par les "faveurs" modernes de la métropole marocaine. Et du même coup révéler à l'œil du tout métropolitain une minime part de son secret créateur. Elle réside en fait et tout simplement dans le travail soutenu et fort continu, avec moultes répétitions, préparations, et de tournages renouvelables à souhait jusqu'à ce que l'oeil du cinéaste capte avec satisfaction la scène qu'il a imaginée au préalable. Il en résulte une forte impression de réel, le réel se confond fortement aux aléas du jeu au point que ce jeu même devient réalité tellement le sérieux dans le jeu prédomine. Car au mot "action" le monde se transforme en une entreprise de création et vers un monde autre, qu'il est difficile de ne pas y succomber et de s'oublier totalement.

Escale dans un hôpital ou la " petite guerre"

En fait, Casablanca ne sert qu'à être une escale dans un itinéraire, de voyage et de tournage, et elle est la scène d'une scène majeure. Faire descendre un hélicoptère sur une aire héliport d'une clinique casablancaise avec à son bord la femme blessée accompagnée de son compagnon, à savoir Brad PITT. Une scène de nuit sortie directement des milliers de films et de séries américaines, l'une des scènes sans cesse jouée, vue et reprise. La voir sur grand écran ou la voir "in vivo" revient au même car il n'y avait pas le moindre écart au stéréotype. Eblouissant cette fidélité à l'original !
Toutefois il y a l'autre côté de la réalité : l'hélico descend en plein Casablanca, au quartier des hôpitaux et des résidences là où un calme doucereux règne en principe. Le bruit des hélices et du moteur tient en éveil la nuit de la ville et les habitants. Toutes les fenêtres étaient ouvertes et les têtes ne cessaient de se tourner afin de percer le secret de sa présence là, surtout qu'il y a marqué dessus "marines". Une sorte d'invasion militaire américaine mais par le biais du cinéma. Mais l'idée demeure néanmoins très séduisante, car l'invasion n'est-elle pas la même qu'elle soit par le moyen de la fiction ou par celui de la réalité crue ? Les superproductions américaines, notamment celles relatives aux films de guerre, ne préparent-t-elles pas le monde, inconsciemment peut être, mentalement à la domination des USA ? Oui mais plus séduisant encore est le fait que le cinéma réussisse une telle chose démontre une fois encore la part du magique dont il est capable. Or c'est une magie où le jeu est pris tellement au sérieux et au plus haut degré, ne laissant aucune chance au hasard ou au fortuit. Pour y parvenir toute l'équipe du film a fait le déplacement. Ingénieurs, opérateurs, coachs, acteurs, figurants, assistants, ouvriers et une armée d'aides. Américains, mexicains, ourzazis et casablancais, le tout se communiquant sans arrêt par talkies-walkies dans l'enceinte de la clinique où tout l'étage supérieur a été retenu ! Il faut ajouter en plus toute la ruelle adjacente avec pas moins de sept véhicules grand format… ce cinéma là ressemble, par cette logistique persévérante, fort à une petite "guerre", mais pour la perpétuité d'une image, d'un idéal... Du travail bien fait et bien fini.

Une star à Casablanca ou la popularité indéniable du cinéma américain

Du haut de la terrasse d'atterrissage rien ne filtrait. Des gardes de corps, des vigiles et moult projecteurs tout autour dirégés vers les terrasses et immeubles avoisinantes. Les coups de flashs indiscrets sont contrés par les fortes lumières aveuglantes. Ça frôle un peu une outrecuidance digne d'une Amérique conquérante. Car il faut une réelle dose de confiance en soi pour qu'un tournage en pleine métropole tiers-mondiste se déroulât au vu de tous et discrètement à la fois ! La vérité est que réellement rien n'est sorti de ces deux jours. Les quotidiens ont parlé d'un hélicoptère qui a gêné le sommeil des Casablancais et d'un tournage sans aucun détail de plus ! Mais il est vrai que l'enjeu cinéma ici est de taille. Avec essentiellement la présence d'une star. Avec ce qui s'ensuit d'assurances, de contrats, de limites de temps à honorer et de capitaux faramineux engagés, ce lot d'une major de cinéma !
Habillé d'un pantalon et chemise ensanglantée, sali de poussières et de taches diverses, une barbe de trois jours, le visage hagard, Brad Pitt a fait irruption sur la terrasse de la clinique. Il a créé un tollé engendré par les vivas et les cris enthousiastes de jeunes spectatrices collées aux murets des immeubles avoisinants. Elles n'en croyaient pas leurs yeux qu'un tel adonis des temps modernes soit là, tout près et non pas une image idéalisée sur l'écran ! Comme quoi nos villes et Casablanca en particulier sont bien des villes du monde n'en déplaît aux intégristes de tous bords, et que l'Amérique est bien ancrée dans les esprits et les mentalités de tous à travers ses icônes !
Brad Pitt était à la hauteur de sa renommée. Sérieux, discret, silencieux mais non moins soucieux de son jeu. Les quelques cinq ou six prises qu'il fallait faire ou refaire n'ont en aucun cas entamé la qualité de ses gestes d'acteur professionnel. Il suivait à lettre les recommandations multiples du réalisateur ou de son premier assistant. La fatigue ne dessinait aucune ride sur son visage. Voilà ce qu'être star voulait dire. De minuit jusqu'à sept heures du matin !
Il revenait sans cesse sur le "plateau" jouer son rôle, flanqué de son garde de corps, après avoir entre temps ingurgiter debout ou adossé à quelque machine, deux verres de thé bien chaud servi dans une petite thiére d'argent. L'homme n'a pas manqué de saluer de sa main furtivement une admiratrice de l'ombre proche qui lui criait : " Brad, I love you" ! Sans s'en étonner un peu car l'homme remontant le couloir où le brancard devrait glisser, s'est retourné en entendant son prénom ! C'était la seule fois où ses yeux avaient marqué un ton autre. Ne s'attendait-il pas à avoir des midinettes fans ici de l'autre côté des Amériques ? Car il avait un regard mi chaud mi froid, presque neutre s'il n'y avait cette lenteur qui oblige au respect et l'attention, et qui est forcement le fruit d'une longue éducation sur les plateaux de tournage à travers le monde. Il faut y ajouter sûrement l'apport de sa personne elle-même qui a sa propre séduction innée.

Un bol de soupe marocaine au secours du matin d'un cinéaste

À vrai dire, le duo Pitt et Alejandro marche comme une machine très bien huilée, rodée, et allant de soi puisque au mot "action" la scène naît réelle et vivante. Et ce qui peut se dire sur la star est valable aussi pour le cinéaste mexicain. Car la machine cinéaste/acteur se déclenche à la fin d'un processus de préparation pointilleuse répartie entre l'appartement louée pour l'habillage, le bas étage de la clinique, la ruelle adjacente et la terrasse. La fourmilière d'un film américain ! Ainsi le duo donne en réalité la dernière touche à une entreprise organisée au détail près. Et nous, ces silhouettes d'un décor de nuit, on était obligés de rester campés sur nos pieds, habillés pour la circonstance demandée, et contraints à refaire les mêmes gestes demandés à chaque prise. On était, pour notre bonheur, bien placés pour sentir le degré de professionnalisme exigé. Il n'était guère question de rouspéter, loin de là, du moment que le plaisir est plus fortement ressenti malgré la fatigue d'un nuit sans sommeil. Et puis est-il admissible de "laisser tomber" face à ces Américains qui travaillent à cent à l'heure (des Américains créateurs en tous cas). La scène de l'atterrissage de l'hélicoptère a exigé presque douze heures ! Et quand l'assistante apporte au cinéaste un bol de harira, cette soupe marocaine à la recette complexe et variée, il la savoure, debout et à petites gorgés avec beaucoup de satisfaction et il déclare juste après la fin du tournage créant une avalanche d'applaudissements de la part de tous. Une libération qui suit un plaisir. Et la silhouette que je suis peut aller dormir. J'ai eu un matin de fin de tournage nocturne qui se manifestait tel un vrai moment de mérite.

M'barek HOUSNI (Maroc)

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