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Que de déchéance !
La Déchirure, de Alphonse Béni
critique
rédigé par
publié le 02/10/2006

Le réalisateur Alphonse Béni tente de dénoncer les maux de la société.

Les bandes-annonces interminables sur les chaînes camerounaises ont proclamé la sortie du film l'année dernière en grande pompe. Les thèmes foisonnaient. Une pléiade d'acteurs défilait devant les yeux intéressés du public pour découvrir la sensation, La Déchirure.

Déchirure il y a eu. C'est vrai qu'à l'origine, ce sont les mésaventures d'une famille que le spectateur vit, une famille déchirée par divers maux tels la sorcellerie, l'inceste, la soif aveugle du pouvoir, l'infidélité. À cela, il faut ajouter la corruption, le viol, l'éducation, la tolérance, l'amour, la foi chrétienne. Le spectateur en perd quelque peu son patois devant un tel labyrinthe de sujets.

Le nom du héros principal Atangana Wamba Kotto, interprété par Alphonse Béni en personne, est un symbole. C'est un nom qui regroupe plusieurs régions du pays, et qui prouve la volonté du réalisateur camerounais d'interpeller tous ses compatriotes sur les vices de la société. Cela est tout de même remarquable. Cette symbolique est une donnée très importante dans un environnement où l'on parle d'unité nationale, mais qui vit au rythme du tribalisme et autres ségrégations.

Désorganisation

Mais la véritable lacune du film réside dans la distribution. Il n'y a pas de délimitation claire dans la hiérarchie des rôles. Où sont les personnages principaux ? Où sont les seconds rôles ? Les figurants ? En fait, tout le monde a un rôle d'avant-scène.

Le film puise beaucoup dans le théâtral. Il y a d'abord la cumulation de plusieurs rôles par des comédiens qu'on ne prend pas la peine de maquiller correctement, afin de faire la part des choses entre les deux personnages qu'ils incarnent. C'est le cas de Ali Mvondo qui se retrouve en train d'interpréter deux personnages, un procureur et un curé. Un autre, condamné, se retrouve quelques scènes plus loin sur le fauteuil de la famille Wamba Kotto, dans la peau d'un de leurs amis. Ensuite, le jeu des acteurs laisse à désirer. Raides, sans expression, ils se contentent de réciter, et pire, d'ânonner leurs textes. A l'instar du président du tribunal et de son épouse.

Alphonse Béni tombe dans une dérive religieuse. Pour le témoigner, ces scènes de messe et de chant choral qui interviennent brusquement, sans rapport logique et en rupture avec le cours de l'histoire filmée. Cela donne l'impression que le réalisateur promeut les églises rachetées de Dieu. La profusion des thèmes est un grave handicap pour le film qui manque de profondeur et qui renvoie à une bande publicitaire interminable.

Pourtant, La Déchirure est au départ une bonne intention de dénonciation. Mais, au lieu de cela, le film tel que conçu est une résultante du dysfonctionnement de la société camerounaise. L'œuvre est en elle-même le reflet d'un pays malade. Malade comme les effets spéciaux ratés d'Alphonse Béni quand il veut simuler des éclairs de tonnerre qui renvoie à une société qui manque cruellement d'imagination. Malade comme la mauvaise distribution et la direction pitoyable des acteurs qui prouve que, dans notre pays on ne met pas les bonnes personnes à la bonne place.
Ainsi, même si l'on ne retient rien de vraiment bon du contenu de La Déchirure, la forme est édifiante quant à la décrépitude du système social qui s'étend aussi à l'art, et ça, c'est un véritable déchirement.

Rita Diba

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