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L'or des Younga, de Boubakar Diallo
Un western sahélien
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 08/10/2006
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Marie Mollo Olinga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga
L'or des Younga

Boubakar Diallo est de la nouvelle vague des cinéastes africains. Celle qui ne s'embarrasse guère de considérations, et qui, avec des bouts de ficelle, réussit à tourner des films. Des films proches de la préoccupation majeure des jeunes de leur âge : le divertissement.
Journaliste et écrivain, il est très marqué, au regard de ses productions, par la vidéo nigériane. Après Sofia, une comédie sentimentale, et Traque à Ouaga, un film policier réalisés tous deux en 2004, Diallo a tourné en 2005 un thriller (Dossier brûlant) et une satire politique (Code Phénix). En 2006, il commet L'or des Younga, un autre film de genre, un western en version sahélienne.

Et le western, on le sait, a pendant longtemps été considéré comme "le cinéma américain par excellence". Ce qui les a amenés - les Américains - à accueillir avec condescendance ce qu'ils ont appelé "western spaghetti", parce que fait par des immigrés italiens. Quid donc de la version sahélienne ?
Pour casser les codes d'un art, il faut déjà le maîtriser, dit-on souvent. Bien que son évolution ait apporté quelques nuances, Vincent Pinel fait remarquer qu'il n'existe pas de genre cinématographique aussi codé que le western. L'or des Younga en épouse-t-il les caractéristiques ? S'en émancipe-t-il ?

Transposé dans la région du Sahel, le western de Boubakar Diallo est certes un conte relatant sur le mode héroïque la difficile résistance d'un héritier face à usurpateur, mais il n'en indique pas l'époque. Celle-ci est capitale par rapport à son influence sur les autres composantes du film western. Dans L'or des Younga, le thème est simple. Il s'agit d'un conflit relatif à la lutte pour la propriété. Paco est un hors-la-loi qui dicte sa loi au pistolet en corrompant les forces de police et de l'administration. Par un acte illégal, il s'est approprié le terrain des Younga, dont le sous-sol est riche en or. Il l'a exploité sans problème, jusqu'au jour où Tom, l'héritier, est rentré au bercail, après moult pérégrinations à l'étranger.

Le film de Boubakar Diallo soulève plusieurs interrogations quant à sa forme. Le réalisateur burkinabé a-t-il fait un film western, ou bien a-t-il fait un film sur le modèle du western ? Cette double interrogation peut se justifier par exemple par le flou que Diallo entretient sur la désignation du chef de la police. Il est tantôt commissaire, tantôt shérif. Ceci apparaît comme une incongruité quand on se situe dans une catégorie filmique bien définie. De plus, on est éberlué de constater que ce shérif-commissaire arbore, quand même, une étoile… de shérif.

Par ailleurs, concernant toujours les accessoires, nous nous interrogeons sur la présence d'une moto et d'un véhicule, fût-il 4X4, dans un décor typique de western. Si nous nous trouvons en face d'un film western…
Quant à la technique de filmage, Boubakar Diallo a utilisé à bon escient le plan cuisses, mais, certainement du fait de sa caméra numérique, il ne pouvait jouer avec les profondeurs de champ, si caractéristiques de ce genre cinématographique.
En outre, la direction des acteurs semble lui avoir échappé. Ses premiers rôles apparaissent soit coincés, soit hésitants, soit encore peu spontanés. Finalement, on pourrait devenir nostalgiques de ces westerns aux dialogues percutants et empreints d'humour, et se distinguant par la diction fluide et naturelle de leurs personnages.

Boubakar Diallo en deux ans a réalisé cinq films. Il travaille beaucoup, mais surtout, il travaille vite. Et les choses que l'on fait vite ont souvent beaucoup de lacunes. Conséquence, L'or des Younga apparaît comme une parodie de western. Autrement dit, c'est un film de divertissement sur le modèle du western américain. Est-ce là l'originalité du western sahélien, un western prélevant sur Hollywood, et introduisant dans sa sauce des spécificités de l'époque actuelle ? Certes, c'est le choix du réalisateur. Il en est souverain. Cependant, le western c'est à la fois une époque, un lieu, des décors, des personnages, des accessoires et des thèmes spécifiques. Le réalisateur peut s'en inspirer pour dérouler son film par rapport à une époque précise, par rapport aux réalités qu'il vit, et par rapport à sa région. Et pour que Diallo impose le western sahélien, si tel est son ambition, il doit pouvoir redéfinir, entre autres, ses propres spécificités esthétiques au lieu de reprendre celles du western spaghetti à la Sergio Leone, sa propre musique, au lieu de servir la country music jouée avec un harmonica, etc. Le mélange embrouille forcément le spectateur.

Jean-Marie MOLLO OLINGA,
Cameroun

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