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Moolaadé, de Sembène Ousmane
La tradition fléchée
critique
rédigé par Godefroy Macaire Chabi
publié le 06/11/2006

Sur les douze œuvres de la filmographie de l'homme à pipe, Moolaadé, sorti sur les écrans en 2005, a une résonance particulière.
Avec un film-événement assez décapant sur une pratique qui a la vie dure en Afrique, l'octagénaire Sembène Ousmane dans Moolaadé donne un coup de pied dans la fourmilière. Moolaadé sonne comme un rejet d'une tradition rébarbative, dénaturante et déshumanisante. Nous sommes dans ce film au cœur d'un village sénégalais, et Collé Ardo, ici incarné par Fatoumata Coulibaly s'interdit de soumettre sa fille unique à l'épreuve du couteau, dans une société où l'excision passe comme étant la règle et le passage obligé. L'opposition de Collé Ardo (l'actrice principale) fait école dans une société en passe d'une révolution des mentalités, et à la recherche d'un meneur. Quatre fillettes en position de purification sollicite le droit d'asile, et donc, le Moolaadé dans la maison de Collé. Ainsi se déclenche un affrontement ouvert entre traditionalistes et modernistes.

Un film à plusieurs étages

Que de films n'a-t-on pas encore faits sur l'excision ! Seulement, soyons honnête, peu de films portant sur la thématique ressemblent à Moolaadé. Quelle rage ! Quel allant ! Quelle détermination ! En réalité, dans Moolaadé, Sembène Ousmane fait un grand film, qui va en opposition frontale à un vrai mal. Peut-être son film le plus célèbre et le plus sensible de toute sa carrière, car s'installant au cœur de la société et de ses habitudes, même les plus répréhensibles. En fait, le message qui est diffusé est celui de la lutte. Lutte contre l'avilissement et la négation de l'humain dans ce qu'il a de cher et de digne. Un combat féroce pour enlever une chape de plomb.
On est en droit d'observer qu'il s'agit d'une œuvre de réhabilitation de la valeur humaine.
La bravoure et l'héroïsme ont été une fois encore appelés à la rescousse dans l'œuvre du grand maître, même si, reconnaissons-le, ce n'est jamais à la manière de ce qu'on a pu observer dans Camp de Thiaroye". Ici, pas d'armes qui tonnent, seules les conceptions et les visions s'entrechoquent pour, in fine, dégager "le nec plus ultra. À juste titre, les hommes qui fâchés passent arracher aux femmes leurs postes radio pour empêcher qu'elles se laissent fasciner par les idées venues d'ailleurs.
100 minutes empreintes de passion, au cours desquelles, Sembène stratifie le message et passe avec dextérité de thématique en thématique.

Multiculturalisme

Il est facile de s'apercevoir que le film est parlé en dioula, et que Moolaadé lui-même est un vieux mot pulaar. Les touches de l'œuvre sont apportées par des techniciens du cinéma sénégalais, béninois, ivoiriens, maliens et nigériens. Le tournage s'est déroulé à Banfora au Burkina Faso, habité qu'il est par le nouveau contexte d'une loi contre l'excision. Ce à quoi Sembène fait subtilement référence dans ce film. La caméra a été promenée aussi dans les brousses de la Côte d'ivoire et du Mali.
Une façon de présenter Moolaadé comme un vrai chef-d'œuvre, mettant en lumière une réalité transversale à tous ces pays. Et au-delà comme un bébé de l'ensemble des peuples du continent
Le vieux lion avec son Moolaadé passe donc l'examen avec brio.

Godefroy Macaire CHABI

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