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Indigènes, de Rachid Bouchareb
Une pédagogie de bravoure bien ficelée
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 14/11/2006
Fortuné Bationo (1971-2011)
Fortuné Bationo (1971-2011)
Rachid Bouchareb
Rachid Bouchareb

Projeté à l'ouverture de la 21ème session des Journées Cinématographiques de Carthage en Tunisie (du 11 au 18novembre), le long métrage Indigènes du réalisateur franco-algérien Rachid Bouchareb est un film de guerre où les nerfs n'occupent jamais le haut de l'affiche. Des calculs humains compromettent à tout moment son ascension pour faire de ce cours d'histoire une jolie page d'humanisme. Le film a été projeté au cinéma Le Colisée de Tunis.

Quelque part en Algérie, au fond de la misère, une voix fait trembler les mansardes d'un appel à la résistance :"Il faut laver le drapeau français avec notre sang". Le mot d'ordre est lancé et va bientôt fructifier les inscrits au chevet de la France occupée par les troupes nazies. Saïd (Jamel Debbouze), Yassir (Samy Naceri), Messaoud (Roschdy Zem) et Abdelkader (Sami Bouajila) font partie de la troupe des indigènes.



Entraînés à la sauvette et postés aux premières lignes pendant la Seconde Guerre Mondiale, les Tirailleurs d'Afrique et du Maghreb découvrent l'enfer de la guerre et son lot de corps déchiquetés, de cadavres fumants à la vue desquels l'angoisse conseille de s'enfuir avec toute l'agilité offerte à celui qui s'est trompé de combat. Les indigènes ne fuiront pas. Ils résistent, escaladent une montagne pour ravir un poste stratégique à l'ennemi. La France jubile. Autre cauchemar, nouvelle victoire de la "mère patrie" au prix du sang versé par des centaines de milliers de volontaires venus d'Afrique. L'idéal de liberté leur donne même une voix martiale pour scander La Marseillaise à bord du navire 402. Pour rendre plus ferme le cordon ombilical, on distribue à Said et à ses frères des chaussures respectables de la démarche de la métropole à leur arrivée en France. D'impeccables tenues achèvent de les dépouiller de leur passé. Seulement en apparence. Puisque les tomates au cours du repas sont du côté des Français, et les lettres d'amour entre un Indigène et une Française atterrissent dans les tiroirs de la censure.

Le culte de la liberté sait enterrer les rivalités. De plus, les grades défilent d'un seul coté, laissant de béantes frustrations dans le coeur des indigènes, à l'image des obus qui, eux, ne font pas le tri. Désabusés, quelques indigènes le sont, mais pas au point de bouder le champ d'honneur. C'est ainsi qu'une poignée d'entre eux se retrouvent en mission pour aller occuper un hameau alsacien servant de point d'appui pour stopper la dernière contre-offensive des troupes allemandes. Braves et courageux, les indigènes ne gardent pas moins le galon bariolé d'hommes, avec leur faiblesse inhérente à toute nature humaine.

Amour, argent, pillage de cadavres s'alternent pour donner aux différents personnages une profondeur humaine. Rachid Bouchareb ne met pas seulement en lumière un devoir de mémoire. Le drame épluche tout un tas de sentiments opérant dans les bas fonds de la cohabitation, que des clins d'oeil assidus à l'actualité embaument d'une humanité retrouvée. Tolérance entre les religions, fraternité, loyauté et humanisme se côtoient sans jamais se lorgner et font de ces soldats oubliés des sentinelles inoubliables de la victoire sur l'absurde.
"Nous avons élargi l'histoire de France" a simplement résumé le réalisateur de ce film qui a raflé le prix (collectif) de la meilleure interprétation masculine au Festival de Cannes 2006.

Fortuné Bationo,
Tunis

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