AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 006 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Accueil chaleureux de Bamako pour son procès au Fmi
Edition Spéciale JCC 2006
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 16/11/2006

La 21ème session des Journées Cinématographiques de Carthage (11 au 18 novembre) en Tunisie continuent de dérouler ses bobines à travers des images abonnées au drame, avec une pédagogie resplendissant au cœur du désastre pour sermonner le présent. Le dernier film franco-américain-malien Bamako de Abderrahmane Sissako s'inscrit dans cette veine. Le film qui a été présenté hors compétition au Festival de Cannes 2006 a reçu à Tunis un accueil chaleureux.
Le procès est de taille même si la presse qui s'en fait l'écho semble arriver du moyen âge. Un procès intenté par des membres de la société civile africaine contre le Fmi et la Banque mondiale se déroule dans une cour commune de Bamako, où les habitants vont et viennent, vaquent à leur refus de crever de faim. Si les pagnes teintés déploient au centre de la cour leur couleur riante pour sauvegarder la dignité des perdants, le coton malien est, lui, agité comme une preuve supplémentaire de la flagrante injustice enveloppant les rapports Nord Sud. L'Afrique, terre éternelle des matières premières, est l'eldorado des prédateurs. À la barre les témoins défilent, accablent, crachent des vérités sur la grande hypocrisie de la mondialisation. La comédie de l'annulation de la dette, les souverainetés nationales hypothéquées, l'immigration lapidée, la liste des récriminations s'empilent en larges dossiers guettant l'issue du procès. Mais ce tribunal inédit est traversé par des pas indifférents. Parmi ceux ci, Mélé. Cette chanteuse a pour époux Chaka. Ils vivent avec leur fille malade au sein de la cour. La maladie profite du chômage du mari pour gagner du terrain, le couple semble près de voler en éclats. Dans une autre pièce, un malade se débat contre la mort. Film sublime, Bamako de Abderrahmane Sissako étonne par son sang frais de semblant de fable qui s'enchâsse agréablement bien dans le documentaire en ouvrant une double fenêtre sur la fiction. Dans le galop de récits éclatés, un film western surgit au cœur du procès, avec en vedette l'acteur américain Danny Glover. Puis retour au procès avec ses plaidoyers virevoltants et de ses révélations fracassantes. Entre les plaidoiries d'avocats professionnels, dont la Sénégalaise Aïssata Tall Sall et le Français William Bourdon, la colère des mots investit le champ politique pour réclamer un nouveau monde. Un cri de cœur déchirant... "La raison qui m'a poussé à faire ce film tient à mon regard sur l'Afrique, l'Afrique non pas comme le continent qui est le mien, mais comme un espace d'injustices qui m'atteignent directement", a déclaré M. Sissako lors d'une présentation du film.

Autre combat affiché, mais sur le terrain de l'occupation, le long métrage Attente du réalisateur palestinien Rashid MASHARAWI. L'histoire démarre par la sélection des comédiens pour le nouveau théâtre palestinien. Chargé de les auditionner, Ahmad se rend dans les camps de réfugiés de Jordanie, de Syrie et du Liban accompagné de Bissan et de son caméraman Loumir. Désormais à la merci des regards bouleversés, néanmoins chargés du rêve improbable du retour sur la terre natale, Ahmad se rend compte que l'attente est plus forte que la précarité et tous les autres moyens par lesquels on s'oppose à son pouvoir.

Tout aussi dramatique est la fable moderne L'ombre de Liberty du réalisateur gabonais Imunga IVANGA (Tanit d'or 2000). Agrémenté de suspens, l'œuvre plaît par son combat politique métaphorique et par sa vaste ombre optimiste sous le baobab de la dictature.

Bled Number One de Rabah AMEUR-ZAIMECHE, lui, parle du retour au pays avec ses cuisantes désillusions et de cette Algérie où la violence s'érige en norme, fouettée par le désespoir et le désœuvrement. Un documentaire fiction franchement difficile à suivre, dans une forme d'innovation du discours cinématographique qui semble laborieux, auquel une partie du public n'a pas visiblement adhéré, en sortant de la salle au fur et à mesure.

Fortuné Bationo
Envoyé spécial à Tunis

Films liés