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Pourquoi à Casablanca les anges ne volent pas ?
À Casablanca les anges ne volent pas, de Mohamed Asli
critique
rédigé par Bouchta Farqzaid
publié le 21/12/2006

0. Présentation :
À Casablanca, les anges ne volent pas est un long métrage réalisé par Mohamed Asli qui, semble-t-il, a consacré assez de temps pour en écrire le scénario où il est question de trois personnages (Othman, Saïd, Ismaël) à travers qui le film traite d'une manière si originale la question de la Migration. Ce déplacement et dans le temps et dans l'espace débouche sur une dysphorie géographique et paradoxalement sur la noblesse de l'être.


I. Une double Migration :
D'emblée, il faudrait noter que le film de Mohamed Asli met en scène une double migration (ou é-migration pour être précis) qui se présente comme suit :

A. Une é-migration intérieure :
Il s'agit en effet d'une migration intérieure ou intra-marocaine qui se traduit dans le déplacement de trois personnages venant de différents horizons (Tassaout, campagne) et s'installent dans une très grande ville : Casablanca. Celle-ci est présentée comme un espace dysphorique, puisqu'elle est comparée à un monstre qui dévore tous ceux qui s'en approchent ou y arrivent comme étrangers, et qu'elle regorge de pollution sonore, entre autres (bruits de moyens de transport). C'est également un lieu de magouille, comme le montre la scène où Ismaël, faute de carte nationale, passe au responsable du Ministère des Travaux publiques, un billet de 50 DH). Ces bassesses côtoient l'hypocrisie dont le patron du restaurant est un meilleur exemple.
Les trois personnages (Othman, Saïd, Ismaël) ont quelque chose de commun à savoir qu'ils fuient tous les trois la dureté de la vie (pénurie les montagnes glaciales, sécheresse). Casa, ils y travaillent en vue de subvenir aux besoins de leurs familles. Et engloutis dans cet espace dantesque, ils se permettent, eux aussi, par moments, de rêver. En effet, Saïd s'ingénie à faire l'impossible en travaillant dur pour que sa famille ne manque de rien. Ismaël, lui, est fort soucieux pour son cheval dont il prend soin et qu'il s'acharne de ne pas vendre, malgré les contraintes des intempéries et du Caïd. Quant à Othman, il n'a qu'un simple et petit rêve, c'est avoir une paire de chaussures noires au prix exorbitant de 1200 DH.

B. Une Migration extérieure :
À cette première migration intérieure s'ajoute une migration sur le plan extérieur, c'est-à-dire qui concerne le mouvement dont l'aboutissement est l'étranger : la France. Poussé par le Mal du pays, un émigré marocain y projette de revenir dans son pays natal pour s'y installer définitivement. Un tel désir chez ce personnage laisse nettement entendre que l'espace étranger – que ce soit interne (Casablanca) ou externe (France) – est dans les deux cas dévalorisé.
À dire vrai, le traitement de l'espace urbain rejoint la conception de Akira Kurosawa – du moins dans Dersou Ouzala, en ce sens qu'il constitue cela même qui participe à la dépravation et à la dénaturalisation de l'être. Celui-ci n'y a de valeur que par ce qu'il A, ce qu'il FAIT (semblant) et non ce qu'il EST. Pour s'en convaincre, il faut rappeler, par exemple, deux cas.
D'abord, Saïd représente un modèle de l'ouvrier pour son patron qui voit en lui une machine à tout faire (actes répétitifs). Et aliénés, au sens économique, lui et ses amis, ils ne peuvent plus de protester ni réclamer leurs droits (rendre visite à sa famille à l'occasion d'une naissance).
Ensuite, cette dénaturalisation ne touche pas seulement les hommes, mais également les bêtes. Elle réduit notamment le cheval à une espèce de locomotive qui tire les charrettes. Telle une machine, cette créature, qui symbolise la fierté et l'honneur de l'être arabe, se perd dans cet espace infernal. En effet, dans une scène magnifiquement filmée par Mohamed Asli, le cheval s'entête à s'introduire dans un lieu strident, anarchique et violent, avant de se volatiliser. Encore que ce soit une séquence qui relève du merveilleux ou de la métaphysique, il n'en reste pas mois vrai qu'elle exprime le désir si enfoui de tous ceux qui habitent cet espace des "miasmes morbides".


II. La noblesse des êtres :

A. La Fidélité :
Nonobstant ces affirmations dépréciatives, le film se veut comme un hymne à l'être. En effet, le réalisateur semble avoir une confiance en l'espèce humaine et croit fermement dans certaines valeurs, telles la FIDÉLITÉ et la BRAVOURE. Saïd, par exemple, est resté toujours fidèle à ses traditions et à sa femme. L'attachement dont il témoigne à l'égard de celle-ci est manifeste dans une scène épique d'un voyage trop difficile. Bien que le voyage n'ait été achevé, cela a constitué un prétexte pour mettre en relief certaines valeurs révolues à présent dans notre société marocaine : le sacrifice.

B. La bravoure :
La bravoure est une seconde qualité que l'on trouve chez certains personnages dont Ismaël. Comme valeur, elle permet de faire face à la PEUR que le chauffeur de taxi et les deux voyageurs incarnent.

C. La générosité :
Et cette bravoure ne peut être séparée de la GENEROSITE envers soi-même (Ismaël) et envers l'AUTRE (un voyageur assiste Saïd, Saïd lui-même, Mokhtar).


III. Pour conclure :
En somme, il est bon de rappeler que, dans À Casablanca, les anges ne volent pas, la négativité de l'espace a été transcendée par certaines valeurs humainement positives. Car, si la ville dénature l'homme, il est néanmoins quelques êtres qui font exception.

Bouchta FARQZAID

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