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Le cinéma togolais en atrophie
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 24/12/2006

Le 7ème a son histoire mais en a-t-il au Togo ? D'aucun diront qu'il n'y a pas de cinéma au Togo mais il est important de souligner qu'il y a une grande différence entre "ne pas y avoir" et "y avoir mais inactif"
Si l'on doit donner un nom à cette situation, je la qualifierai d'atrophie. Oui, le cinéma togolais est en atrophie. Et pourtant les 1ères productions n'avaient rien à envier aux autres. Je peux citer Kwami (Kouami) de Jacques Do Kokou en 1975, Kawilasi de Kilizou Abalo qui a eu le prix du développement humain durable au en 1995 au FESPACO.
Il y avait pourtant tout pour encourager le cinéma togolais, mais il a quand même sombré.
Est-ce à cause du manque de financement ou d'initiatives ?
En tout cas cette atrophie a eu plusieurs répercussions sur les jeunes réalisateurs émergeant au Togo.
L'une d'elles est qu'à force d'envoyer des appels à propositions et que jamais personne au Togo n'y répond, les institutions financières ont rayé notre nom de leur agenda et les jeunes réalisateurs en souffrent aujourd'hui puisque oubliés. Impossible même de postuler par soi-même. Il n'y a aucune crédibilité. Les réalisateurs se plaignent et crient au manque de production.

Encore que le cinéma tout court, devenu du "home cinéma" est un phénomène général, imaginez quel sera l'état du cinéma togolais qui ne s'est même pas encore réellement assis.
Sur les sept salles de cinéma qui existent dans la capitale, seulement 2 sont actives et encore, comment ? Il s'agit là de 2 épines à enlever du pied.
Si les salles de cinéma sont en train de devenir irrécupérables, pourquoi ne pas avoir au moins du "home cinéma togolais" pour sauver la face ?

On loue encore l'effort de ce réalisateur-militaire, Batita Talakaena qui a "relancé" l'audiovisuel togolais avec sa série "Yontaba" en 2002. Il fallait vraiment passer par la méthode militaire pour donner un second souffle à la production togolaise.

Avec la fureur du numérique, les jeunes réalisateurs togolais retrouvent un espoir. Un coup de pouce vient de leur être donné par les Recitel (Rencontres du cinéma et de la télévision de Lomé) initiées par Jacques Do Kokou en Octobre 2006. 50 jeunes, initiés au cinéma.
La flamme est allumée ; il s'agit de la maintenir.

Le Togolais en a marre de vivre au cinéma togolais du passé.
Le cinéma togolais est en atrophie mais chose frappante, presque tous les jeunes Togolais sont des cinéphiles. Et de quel cinéma ? Du cinéma occidental.
Pour un Matrix et un film africain qui passent dans 2 salles au même moment, les Togolais à 99% déserteront la salle où est projeté le film africain au profit du film américain. Fait général ou phénomène national ? Il n'en reste pas moins un mal sur lequel on doit réfléchir.

Une entrevue avec le directeur du CCF de Lomé, M. Philippe Debrion pour lui proposer d'intégrer des films africains à ses projections du dimanche soir montre clairement que ce directeur est réticent à une telle proposition. Pourquoi ? Pas parce qu'il n'aime pas les films africains mais simplement parce qu'il s'est donné trop de mal pour avoir cette cinquantaine de monde qui lui est resté fidèle parce qu'on ne projetait que des films occidentaux, répond-t-il.

La jeunesse togolaise cinéphile consomme du pur produit occidental. On est passé d'un mal qui est le retard à un autre mal qui est l'acculturation. Une acculturation alarmante.
À quoi est dû ce fait ?
A l'éducation affirme toujours M. Debrion. On n'a pas appris aux élèves à aimer le cinéma africain et à le privilégier.
Le cinéma et l'éducation n'ont jamais pensé faire un ménage au togo en tout cas. Encore attend on que cela soit un bon ménage.

Le mal est fait ; Nous sommes tous conscients que le cinéma togolais est "très" en retard et qu'il n'a pas pris le train en marche avec l'éducation.
Ce, par contre, pourquoi il n'est pas encore tard est une rééducation. Une rééducation qui lie intrinsèquement le métier de cinéma et l'éducation scolaire sinon les réalisateurs Togolais auront beau donné le meilleur d'eux-mêmes, ils seront toujours en arrière plan.

Il s'agit de prendre le mal à la racine. Les médias et les ministères de l'éducation et de la culture ont du pain sur la planche dans ce sens que l'éducation ne doit plus considérer le cinéma comme simple moyen de divertissement et la culture doit cesser de se désintéresser de l'éducation parce qu'il ne fait pas partie des 7 arts en sorte que nos mass médias puissent sensibiliser au maximum le public avec le produit que nos 2 ministères auront accouché.

La seule lueur d'espoir est l'unique projet de cinéma itinérant soutenu par l'UE au Togo. On espère que le Togo va rattraper ces longues années de retard qu'il a contractées. Difficile mais pas impossible.

Sitou Ayité

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