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Le cinéma du plan
Le Gosse de Tanger, de Moumen Smihi
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 03/01/2007

La salle Septième Art, située au cœur de la capitale marocaine Rabat, et relevant du Centre Cinématographique Marocain, continue à proposer une programmation de choix, empreinte de cinéphilie et ouverte sur la diversité de la planète cinéma au double sens du mot, géographique et esthétique. C'est ainsi qu'après Indigènes de Rachid Bouchareb qui a tenu plusieurs semaines à l'affiche, la salle Septième Art programme avec la nouvelle année, le dernier film en date de Moumen Smihi, Al ayel (Le Gosse de Tanger), une reconstitution historique intimiste et méditative. Un retour sur l'enfance dans la ville du Détroit des années 50, marquée par le cosmopolitisme, l'altérité, le face à face entre l'orient et l'occident, la tradition et la modernité. Dans la perspective du cinéaste, il s'agit d'un vaste projet qui aspire à fonder une trilogie aboutissant à une biographie cinématographique. C'est un projet d'auteur au sens classique du mot.
Moumen Smihi engage le cinéma sur la voie de la pensée ; il est partisan du film concept. Tout chez lui fait signe : la couleur, le silence, la configuration de l'espace…
Al Ayel appartient à ce cinéma qui réhabilite le plan. Cet élément ne relève pas uniquement, chez Moumen Smihi, du schéma basique du langage cinématographique mais constitue bel et bien une figure de rhétorique qui offre un schéma de communication à double niveau : narratif et plastique. Sa lecture relève d'un nouveau pacte ; on passe de la consommation à la coopération : on n'est pas dans une logique de téléfilm où le sens est assigné à résidence. Chaque plan invite son récepteur à adopter une autre posture, celle de décodeur des signes multiples que lui propose le cinéaste. La bande son bien sûr mais aussi les couleurs, la dominante bleue est en soi un acte esthétique délibéré. La structuration de la scène par la mise en avant de l'espace ; le soin apporté aux détails dits décoratifs qui informent non pas sur l'époque – il est évident que le film ne revendique pas une reconstitution historique fidèle – mais sur les personnages et leur évolution dramatique. L'action elle-même est minimale : nous sommes dans le récit de vie ; il n'y a pas d'événement majeur. Par son rythme et sa dramaturgie, le film constitue ainsi un antidote aux mélodrames et aux méga récits qui inondent le quotidien. Moumen Smihi est, ce faisant, fidèle à sa démarche d'auteur, à l'esthétique qui bouscule les évidences ; déjouer le visible comme croyance dans la chose. Son originalité est de s'emparer des éléments que lui offre le réel, y compris de sa propre biographie pour mieux les démentir, j'allais dire les pervertir ; pour mieux accéder au monde intérieur de chaque spectateur.

Mohammed Bakrim

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